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Accepter Gérer mes choixCette fois-ci, tout indique que la ville de Tampa et sa région n’y échapperont pas. L’ouragan Milton, de catégorie 5, se dirige tout droit vers cette baie de Floride, où il devrait toucher terre dans la nuit de mercredi 9 à jeudi 10 octobre.
Ce serait la première fois en plus de cent ans que cette commune serait directement touchée par un phénomène climatique d’une telle ampleur. Depuis le passage d’un ouragan de catégorie 3 en 1923, Tampa a toujours échappé à la catastrophe. Presque par miracle, comme le souligne le site de la chaîne NBC, puisque la ville se trouve dans l'État de Floride, régulièrement traversé par des cyclones.
Un "monstre" pour Tampa
Et pour ces retrouvailles redoutée avec une catastrophe naturelle, Tampa pouvait difficilement tomber sur un phénomène climatique plus imposant. L’ouragan Milton, qui devrait être rétrogradé en catégorie 3 lorsqu'il touchera terre, est qualifié de "monstre" par le gouverneur de Floride Ron DeSantis.
Le passage de cet ouragan, accompagné de vents qui devraient dépasser les 200 km/heure une fois sur terre, intervient deux semaines seulement après les dégâts causés par l’ouragan Hélène dans plusieurs États dans le pays, dont la Floride.
Tampa garde encore les cicatrices de ce rendez-vous à distance avec Hélène, qui a touché terre dans le nord de la Floride, à proximité de la ville de Perry, à plus de 250 kilomètres de la baie de Tampa. Mais les vents ont entraîné une montée des eaux tout le long de la côte de Floride et des vagues pouvant dépasser les trois mètres de haut se sont abattues sur le rivage dans la région de Tampa.
Si l’ouragan Milton garde son cap et sa force, le Centre nationale américain des ouragans (NHC - National Hurricane Center) prévoit qu’il provoquera dans son sillage des vagues pouvant dépasser les 4,5 mètres de haut dans la baie de Tampa. "Dans cette région, les ondes de tempête [inondations et vagues accompagnant un ouragan, NDLR] peuvent prendre des airs de tsunami, avec des conséquences catastrophiques", résume David Alexander, spécialiste de la planification des réponses aux catastrophes naturelles à l’University College de Londres.
Une côte déjà fragilisée par l'ouragan Hélène
Ce serait alors le scénario du pire qui se réaliserait. Une hypothèse prévue et redoutée depuis longtemps. La baie de Tampa figure, en effet, dans le haut du tableau des villes dans lesquelles les destructions seraient les plus graves en cas de passage d’un puissant ouragan. En 2013, un rapport de la Banque mondiale plaçait Tampa en septième position du top 10 des villes qui, dans le monde, pâtiraient le plus d’inondations sur le plan économique.
Rebelote en 2015. Cette fois-ci, la société américaine de modélisation des catastrophes naturelles Karen Clark & Company avait jugé que Tampa était la ville "la plus vulnérable" des États-Unis à un ouragan majeur (de catégorie 3 ou plus) et à ses ondes de tempête. Les dégâts causés par une telle catastrophe coûteraient 175 milliards de dollars en destructions de résidences individuelles et de commerces.
Les autorités locales sont conscientes du danger. Depuis 2009, le Conseil de planification régionale de Tampa Bay développe une campagne de sensibilisation mettant en scène un ouragan fictif de catégorie 5 baptisé Phénix. Dans sa dernière version, mise à jour en 2020, ce projet prévoit les conséquences du passage de Phénix sur Tampa en évoquant une date fictive du 10 octobre… Le documentaire fictif réalisé autour de cette chronique d’une catastrophe naturelle annoncée s’appuie sur des modélisations scientifiques de l’ampleur des destructions.
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Accepter Gérer mes choixLe problème pour Tampa "est avant tout d’ordre topographique et géologique. La baie est peu profonde et il n’y a pas de barrière naturelle pour limiter l’impact des ondes de tempête", assure David Alexander. Le passage de l'ouragan Hélène a déjà fragilisé la côte. "La façon dont la baie est formée, constituée de vastes affluents et de péninsules, feraient que des zones comme la péninsule Saint-Petersbourg [à l’ouest de Tampa, NDLR], similaire au Cap Ferret mais en beaucoup plus grand, seraient entièrement sous l’eau", ajoute Gina Yannitell Reinhardt, chercheuse à l’université d’Essex qui étudie le processus de prise de décision face aux catastrophes naturelles.
Mal préparé
Pourtant, malgré les multiples mises en garde depuis des années, "rien n’a été fait ou presque pour préparer Tampa à ce qui semble inévitable", écrivait en 2018 le Washington Post .
Depuis 2018, la situation n’a pas beaucoup évolué à Tampa, selon les différents articles dans la presse américaine consacrés ces derniers jours au fait que cette ville risquait de payer le prix fort de son impréparation face à la menace des ouragans.
"Il est très difficile de persuader des individus de dépenser de l’argent pour se préparer à quelque chose qui pourrait arriver dans un futur plus ou moins lointain", affirme Gina Yannitell Reinhardt. C’est encore plus compliqué pour des élus "dont la durée des mandats les incite à ne prendre de décision qu’en fonction d’objectifs à court ou moyen terme", ajoute cette spécialiste.
Pour elle, le dilemme des responsables est simple. Pourquoi dépenser des millions de dollars pour mieux protéger la ville face à une hypothétique catastrophe naturelle alors qu'on peut allouer les mêmes sommes à l’éducation ou des nouvelles constructions ?
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Accepter Gérer mes choixLes habitants de la région croient en outre en leur bonne étoile, souligne NBC. Il est vrai que si la région a été épargnée depuis si longtemps, ce n’est pas seulement une question de chance. "La trajectoire de la plupart des ouragans qui touchent la Floride fait que généralement ils atteignent la région de Tampa après avoir déjà sensiblement ralenti", note Gina Yannitell Reinhardt.
Les résidents préfèrent aussi réfléchir "aux profits à tirer de la côte, plutôt qu’aux dépenses à prévoir pour la protéger", affirme David Alexander. En effet, depuis 1921, la cote a bien changé. À l'époque, l’ouragan de catégorie 3 n’avait pas trouvé grand-chose à détruire à Tampa, qui n’était alors qu’une ville en devenir. Il n’y avait eu alors qu’un seul mort.
Une population en hausse de 187 %
Au cours des cent dernières années, la côte de la baie de Tampa s’est recouverte d’hôtels de luxe et de villas de standing. "Ce n’est évidemment pas éthique de construire ainsi sur une zone qui a déjà été détruite par le passé, mais il doit être difficile de refuser des permis quand la région est en pleine croissance", explique Gina Yannitell Reinhardt. Tampa est en effet l’une des zones les plus dynamiques du pays, et la population y a augmenté de 187 % entre 1970 et 2020.
Tampa est ainsi devenue l’une des villes les plus densément peuplées dans une région inondable aux États-Unis.
Mais si Tampa est peut-être aussi moins bien préparé qu’il ne le faudrait, "c’est également à cause du contexte politique local", estime David Alexander. L’actuel gouverneur de Floride, Ron DeSantis, et son prédécesseur Rick Scott ont toujours affiché très publiquement leur "climatoscepticisme". "Rick Scott était réputé pour inciter ses subordonnées à ne jamais utiliser le terme 'réchauffement climatique' dans leurs communications", souligne le Washington Post.
"Lorsque les responsables politiques répètent qu’il n’y a pas de réchauffement climatique et que les ouragans ne deviennent donc pas plus violents, ceux qui les écoutent ne verront aucune raison de changer leurs habitudes", estime Gina Yannitell Reinhardt.
Si l’ouragan Milton se révèle être aussi dévastateur pour Tampa que prévu par certains, David Alexander craint que cela ne fasse que confirmer une conviction qu’il a lentement acquis : "La principale cause de désastre lors des catastrophes naturelles est d’ordre politique. Ce sont les décisions prises qui créent les vulnérabilités dans les communautés."