logo

Budget, santé, chômage… le gouvernement Barnier cerné par les dossiers urgents
Depuis les législatives, les dossiers se sont empilés sur les bureaux des ministères. Budget, santé, réformes sociales, agriculture… en France, tout est resté en suspens dans l'attente de la formation du nouveau gouvernement. Tour d'horizon des dossiers brûlants sur lesquels doivent maintenant plancher les ministres fraîchement investis.

Le premier Conseil des ministres du nouveau gouvernement s’est tenu, lundi 23 septembre, à l’Élysée. Après plus de deux mois de crise politique lors de laquelle Gabriel Attal et son équipe démissionnaire n'avaient pu qu'expédier les affaires courantes, le nouvel exécutif doit désormais s'atteler aux nombreux dossiers qui patientent sur leur bureau.

"Une équipe ! Maintenant, au travail !", s'est contenté d'écrire sobrement sur X Michel Barnier samedi soir, une fois le nouveau gouvernement dévoilé. Car le temps presse pour faire le point sur les différents chantiers. Michel Barnier doit en effet prononcer son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale mardi 1er octobre – un moment crucial qui lui permettra de donner les grandes orientations de son programme et présenter les réformes et projets de loi que son équipe souhaite mener.

L'échéance est d'autant plus importante que la gauche a d'ores et déjà annoncé qu'elle déposerait une motion de censure à l'encontre du gouvernement sitôt le discours terminé – le Premier ministre n'ayant pas prévu, selon son entourage, d'engager la responsabilité de son équipe à l'issue de la déclaration de politique générale.

France 24 esquisse les principaux chantiers auxquels vont ainsi s'affairer les nouveaux ministres. 

  • Priorité au budget

Le dossier le plus urgent est sans aucun doute l'élaboration du budget 2025. Ce dernier, qui est traditionnellement présenté le 1er octobre, a déjà pris un retard inédit et devrait finalement être prêt pour le 9 octobre. 

De l’aveu même du Premier ministre, la France est dans une situation budgétaire "très grave" : le Trésor a récemment prévenu d’un risque de dérapage du déficit à 5,6 % du PIB en 2024 à politique inchangée, alors que le pays est déjà épinglé par Bruxelles pour déficit excessif.

Le nouveau gouvernement a donc la lourde tâche de préparer dans l’urgence un budget qui devrait passer par de fortes baisses des dépenses, et potentiellement des hausses d’impôt, le tout en s’assurant de trouver des soutiens au Parlement.

Dimanche soir sur France 2, le Premier ministre s'est montré rassurant, promettant de ne "pas alourdir encore l'impôt sur l'ensemble des Français", et expliquant vouloir préserver de hausses "les gens les plus modestes, les gens qui travaillent, les classes moyennes". Cependant, "les plus riches doivent prendre part à l'effort de solidarité", a-t-il prévenu, refusant toutefois de se prononcer sur un éventuel rétablissement de l'ISF, demandé par la gauche.

  •  La réforme de l'assurance chômage et les retraites, avant le 31 octobre

Autre sujet en haut de la pile : la réforme de l'assurance chômage. Suspendue in extremis au soir du premier tour des législatives, celle-ci prévoit de durcir les conditions d'accès et les règles d'indemnisation. Or là aussi, le temps presse puisque les règles actuellement en vigueur ont déjà été prolongées deux fois et arrivent à échéance le 31 octobre. 

Mais le projet reste-t-il d'actualité ? La nouvelle ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, très critique envers la réforme, avait estimé en mars que "l’urgence" n'est pas de "réformer l’assurance chômage" mais de "rendre attractifs les métiers qui ne le sont pas" et de "lever les freins centraux à l’emploi - formation, transport, logement, garde d’enfants". 

Le 31 octobre est aussi, théoriquement, une date butoir pour l'épineux sujet des retraites. Dimanche soir, Michel Barnier a promis de "prendre le temps d’améliorer" cette réforme qui a fait passer l'âge légal de la retraite à 64 ans, tout en "préservant le cadre financier" de la loi. Le Premier ministre a ajouté qu’il ferait "confiance aux partenaires sociaux pour améliorer cette loi, pour réformer". Un texte d’abrogation présenté par le Rassemblement national (RN) doit cependant être examiné à l’Assemblée le 31 octobre.

  • Désengorger les urgences, améliorer l'accès aux soins... le grand chantier de la Santé

Les urgences sont aussi légion sur la table de la nouvelle ministre de la Santé, la MoDem Geneviève Darrieussecq. D'abord, il faudra s'atteler à la rédaction du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui définit le budget de la santé et des hôpitaux pour 2025. Comme le budget global, le texte a déjà pris du retard puisqu'il doit être voté avant la fin de l'année.

Deuxième chantier pour cette médecin allergologue : l'hôpital. Emmanuel Macron avait en effet promis de désengorger les services d'urgences d'ici la fin de l'année.

Plusieurs chantiers visant à lutter contre la désertification médicale sont par ailleurs à l’arrêt, comme la réforme du métier d’infirmière, l’expérimentation de l’accès direct aux médecins spécialistes, ou l'imposition de sanctions financières pour les patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous.

Le projet de loi sur l'"aide à mourir", promesse de campagne d’Emmanuel Macron, a quant à lui été stoppé net par la dissolution de l'Assemblée nationale. Et la question reste pour le moment en suspens : Geneviève Darrieussecq voudra-t-elle relancer le débat ? En tant que députée, elle a participé aux travaux parlementaires au printemps dernier, se montrant toujours très prudente sur un sujet sociétal majeur qui soulevait chez elle "plus de questions que de réponses".

  • Apaiser la colère des enseignants

Nommée rue de Grenelle, Anne Genetet, ancienne députée des Français de l'étranger, est devenue lundi la cinquième ministre de l'Éducation en deux ans. Cette ancienne médecin de formation hérite ainsi, elle aussi, d'un portefeuille particulièrement épineux marqué par la colère des enseignants. 

Elle devra gérer le dossier du manque de professeurs et la crise d’attractivité du métier, l’une des "urgences structurelles" pour les syndicats. Plus de 3 000 postes se sont encore retrouvés non pourvus aux concours enseignants cette année.

Mais surtout, elle devra décider de poursuivre, ou non, le fameux "choc des savoirs" lancé par Gabriel Attal en décembre 2023. Le programme, fortement décrié par de nombreux enseignants, qui comprend une réforme du brevet, des classes "prépas-lycées" pour les recalés de l'examen ou encore des groupes de niveau, peine en effet à se mettre en place.

Les personnels ont quant à eux déjà prévu de se mettre en grève mardi 1er octobre, notamment contre le "choc des savoirs", et pour des revalorisations salariales. 

  • Les agriculteurs impatients

Confrontés à la pire récolte de blé en 40 ans, à une flambée des épizooties frappant les cheptels ovins et bovins et à des vendanges compliquées dans certains vignobles, les agriculteurs réclament des mesures d’urgence comme le déblocage de prêts bonifiés ou une prise en charge plus importante de la vaccination.

Ils attendent surtout que le gouvernement concrétise plusieurs des promesses faites lors de la crise agricole de cet hiver. Or plusieurs projets, dont celui d’une grande loi d’orientation agricole, ont été suspendus par la dissolution.

  • Adaptation au changement climatique, biodiversité, énergie… de nombreux dossiers environnementaux

En parallèle des sujets rendus urgents par le calendrier, de nombreux sujets environnementaux patientent aussi sur la table. 

Parmi eux, plusieurs dossiers impératifs dans la lutte contre le réchauffement climatique, notamment le budget accordé à la transition écologique, le plan national d’adaptation au changement climatique ou encore la "grande loi de programmation énergie-climat" - destinée à définir les objectifs et les priorités d’action de la politique énergétique nationale. Mais traînent aussi depuis des mois des projets de loi censés esquisser un cap dans de nombreux domaines : biodiversité, énergies vertes, transports…

L'ancien ministre de la Transition écologique Christophe Béchu avait ainsi, par exemple, promis un nouveau plan d'adaptation au changement climatique, destiné à préparer la France à un réchauffement de +4 °C. Le texte devait être présenté au début de l'été, avec déjà un an de retard. Il est finalement passé à la trappe après la dissolution de l'Assemblée.

Sur ces sujets, Michel Barnier, ancien ministre de l'Environnement - entre 1993 et 1995 -,est attendu au tournant par les associations. Dans son premier discours en tant que locataire de Matignon, il n’a cependant pas inclus l’écologie dans ses trois chantiers prioritaires (services publics, sécurité et immigration).  

  • Les tensions en Outre-mer

François-Noël Buffet, désigné ministre des Outre-mer, devra aussi gérer plusieurs dossiers hautement sensibles. D’abord en Nouvelle-Calédonie, où 13 personnes sont mortes dans des violences depuis mai et où les indépendantistes réclament toujours l’abrogation formelle de la réforme du code électoral local. Le nouveau ministre part cependant avec l’avantage de bien connaître le sujet : il avait piloté en mars une délégation transpartisane sur le Caillou.

Il devra aussi traiter le dossier martiniquais : l’île des Antilles est en proie à des tensions ces derniers jours, avec des manifestations contre la vie chère. 

Avec AFP