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A Jénine, des corps jetés par des soldats israéliens depuis le toit d'un immeuble
Lors d'un raid de l'armée israélienne qui a fait sept morts près de Jénine en Cisjordanie, le 19 septembre, des soldats ont été filmés en train de jeter les corps de trois hommes depuis le toit d'un immeuble. L’armée israélienne a reconnu un "incident grave". Décryptage des circonstances de ces actes, décrites par la Maison-Blanche elle-même comme "profondément préoccupantes".

Alors que ses opérations en Cisjordanie se sont intensifiées ces derniers mois, l'armée israélienne a affirmé avoir mené un nouveau raid le 19 septembre à Qabatiya, une localité au sud de Jénine. Dans un message publié sur sa chaîne Telegram en hébreu le 20 septembre, les forces israéliennes ont indiqué avoir tué au total sept personnes, dont "quatre terroristes armés durant un échange de feu".

Mais de nombreuses vidéos prises lors de ce raid et diffusées dans des groupes locaux en ligne montrent les mauvais traitements infligés par l'armée aux corps de trois des hommes tués. Sur ces images, des soldats israéliens sont en effet vus en train de jeter ces trois corps dans le vide depuis le toit de deux immeubles.

A Jénine, des corps jetés par des soldats israéliens depuis le toit d'un immeuble

Un "incident grave"

Toutes ces séquences filment ces corps jetés depuis des bâtiments situés dans le village de Qabatiya, à quelques pas d'une école, comme a pu le géolocaliser la rédaction des Observateurs.

Parmi elles, une vidéo compilant plusieurs images obtenue par l'agence de presse Associated Press montre une séquence dans laquelle ces soldats jettent un des corps la tête la première au sol.

Deux autres séquences diffusées par l'agence montrent trois soldats sur le toit d'un immeuble adjacent poussant deux autres corps, notamment avec les pieds, dans le vide.

Ces vidéos, vues désormais plusieurs millions de fois sur X, ont suscité l'indignation d’utilisateurs et de plusieurs personnalités politiques.

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Contactée par la rédaction des Observateurs, l'armée israélienne a reconnu un "incident grave, qui ne coïncide pas avec les valeurs des Forces de défense israéliennes (FDI) et les attentes des soldats des FDI", tout en indiquant que "l'incident [était] en cours d'examen".

De son côté, la Maison Blanche a réagi à travers la voix d'un de ses porte-paroles, jugeant ces images "profondément préoccupantes". "Si les images sont authentifiées, il s'agirait clairement d'un comportement odieux et d'une violation flagrante de la part de militaires professionnels", a également déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain.

"Pourquoi 'l’occupation' détient les corps ?" 

Peu d'images diffusées en ligne permettent d'illustrer le déroulement des combats. Si l'armée israélienne ne s'est pas exprimée à ce sujet, le gouverneur de Jénine, Kamal Abu Al-Rub, a lui affirmé dans une interview à la télévision Al-Araby que ces personnes “ont été tuées de sang-froid et sont restées sur le toit de la maison pendant plus de sept heures”. 

Le gouverneur a aussi expliqué que l’un des soldats avait ensuite “placé une substance explosive sur le corps de l'un des martyrs et l'a fait exploser". Après cela, "les corps des martyrs ont été traînés et jetés.” Il n’est toutefois pas possible de vérifier indépendamment l'affirmation selon laquelle un des corps aurait explosé. 

Quant au sort des corps, une vidéo authentifiée par la rédaction des Observateurs montre une pelleteuse amenée par l'armée israélienne en train de récupérer un des corps en bas de l'immeuble.

A Jénine, des corps jetés par des soldats israéliens depuis le toit d'un immeuble
Si aucune image ne permet cependant d’en savoir plus sur ce que l’armée israélienne a fait des corps, le média Al Araby indique que l'armée israélienne a récupéré les corps.

Un constat également confirmé par un journaliste palestinien présent sur place - qui souhaite rester anonyme, qui a déclaré à la rédaction des Observateurs que les corps avaient "été jetés et transportés vers un endroit inconnu".

Une unité des forces spéciales s’est introduite dans la zone de Jabal al-Zakarna, dans le village de Qabatiya. C’était avec deux véhicules civils, avec des plaques d’immatriculation palestinienne. Elle a encerclé les jeunes, ils sont précipités sur le toit de la maison. Ils ont été ciblés par des roquettes par les soldats israéliens qui étaient autour de la maison. L’un des martyrs, Ahmed Maher Zakarna était au deuxième étage gisant sur un toit en tôle. Les trois autres martyrs Mohamed Abou al-Rab, Fadi Hanaycha, Omar Abou al-Rab étaient sur le toit du troisième étage. 

Sept heures plus tard, les cadavres étaient encore laissés au soleil, les ambulances et le Croissant Rouge ont été empêchés de s’approcher de la zone. Les engins se sont approchés de la maison et en ont détruit une partie.

Les martyrs qui ont été jetés ont été transportés vers un endroit inconnu. Pourquoi l’occupation [l’armée israélienne, NDLR] détient les corps ? Il s’agit d’une punition collective contre les proches et la population. 

A l'heure de la publication de cet article, aucune des trois personnes jetées depuis le haut des immeubles n'a eu de funérailles, contrairement aux autres personnes tuées au cours du même raid et dont les corps ont été récupérés.

Interrogée par notre rédaction pour savoir pourquoi elle avait emporté ces dépouilles, l'armée israélienne n'a pas répondu à nos demandes.

Un "traitement cruel et inhumain" ?

"Il n'y a aucune raison militaire de faire cela. C'est juste une façon sauvage de traiter les corps des Palestiniens", a déclaré  Shawan Jabarin, directeur de l'association de défense des droits de l'homme Al-Haq, auprès d'Associated Press.

Ces agissements de la part de soldats semblent en tout cas condamnables sur le plan du droit international. La Croix Rouge rappelle dans un document disponible en ligne que le corps des personnes "doivent être traités avec respect" et que "leur dignité doit être protégée", comme le prescrivent notamment des dispositions spécifiques des différentes Conventions de Genève.

Contactée par la rédaction des Observateurs, l'organisation Human Rights Watch estime que "jeter des cadavres d'un toit est considéré comme un traitement cruel et inhumain". Un traitement condamné par l'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, au même titre que la torture.

Selon le ministère palestinien de la Santé, plus de 700 Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens en Cisjordanie depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, qui a provoqué une riposte israélienne à Gaza, mais aussi en Cisjordanie. 

Début septembre, le nord de la Cisjordanie a subi l'un des raids les plus meurtriers depuis le début du conflit, avec 36 personnes tuées selon le ministère de la Santé de l'Autorité palestinienne.