Le Hezbollah libanais a annoncé la mort de 20 de ses membres entre mercredi soir et jeudi matin, tués selon une source proche de la formation pro-iranienne dans les explosions de talkies-walkies attribuées à Israël. Elle est intervenue au lendemain d'une première vague d'explosions de bipeurs, un système de radiomessagerie utilisé par le mouvement islamiste pro-iranien, qui avait fait 12 morts et près de 2 800 blessés, selon le ministère libanais de la Santé. Voici ce que l'on sait à la mi-journée jeudi 19 septembre.
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Des bipeurs et des talkies-walkies déclenchés à distance
Des responsables américains et d'autres nationalités ont affirmé au New York Times qu'Israël était parvenu à cacher des petits explosifs dans des bipeurs achetés par le Hezbollah et les a déclenchés à distance. Dans le détail, quelques dizaines de grammes de matériel explosif auraient été insérées à côté de la batterie avec un déclencheur.
Au total, 5 000 bipeurs auraient été piégés, a déclaré à Reuters une source de sécurité libanaise et une autre source.
C'est ainsi qu'à 15 h 30, mardi, un message apparaissant comme venant de la direction du Hezbollah a fait biper les appareils pendant plusieurs secondes dans plusieurs places fortes du mouvement islamiste au Liban. Cela a déclenché l'explosif, selon le quotidien américain, citant toujours plusieurs sources anonymes.
Les informations du quotidien américain vont dans le sens de la théorie, avancée mardi par plusieurs experts, selon laquelle les services israéliens seraient parvenus à infiltrer la chaîne logistique du Hezbollah pour planifier cette attaque.
Le lendemain, des talkies-walkies du Hezbollah ont explosé dans la banlieue sud de Beyrouth, ainsi que dans le sud et l'est du Liban au moment où se déroulaient les obsèques de quatre membres du Hezbollah tués la veille dans l'explosion de bipeurs.
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Qui a fabriqué les bipeurs ?
La provenance des bipeurs qui ont explosé au Liban reste incertaine. Selon ces responsables dont les nationalités ne sont pas détaillées, les petits appareils avaient été achetés au fabricant Gold Apollo à Taïwan et avaient été interceptés par les services israéliens avant leur arrivée au Liban.
Mercredi, l'entreprise taïwanaise a cependant assuré que les appareils piégés avaient été produits et vendus par son partenaire hongrois BAC. La PDG de la société hongroise, Cristiana Barsony-Arcidiacono, interrogée par la chaîne américaine NBC, a confirmé travailler avec Gold Apollo mais a nié être impliquée dans la fabrication.
Une source proche du Hezbollah avait indiqué à l'AFP mardi que "les bipeurs qui ont explosé concernent une cargaison récemment importée" par le parti, qui semblent avoir été "piratés à la source".
De son côté, le fabricant japonais Icom a déclaré jeudi qu'il avait cessé de produire "il y a une dizaine d'années" les talkies-walkies soupçonnés d'avoir explosé mercredi au Liban.
"Le IC-V82 est une radio portable qui a été produite et exportée, y compris au Moyen-Orient, de 2004 à octobre 2014. Elle a été abandonnée il y a environ dix ans, et depuis lors, elle n'a pas été expédiée par notre société", a déclaré dans un communiqué Icom, réagissant à des informations du New York Times et de médias israéliens qui ont évoqué ce modèle.
Elle a ajouté que les produits destinés aux marchés étrangers sont vendus exclusivement par l'intermédiaire de ses distributeurs agréés.
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Et les talkies-walkies ?
Le mystère reste également entier concernant les talkies-walkies. Le groupe taïwanais Gold Apollo, dont la marque figure sur les bipeurs qui ont explosé au Liban, a rejeté mercredi toute responsabilité dans leur fabrication sur son partenaire hongrois BAC, qui affirme lui-même n’être qu’un intermédiaire.
"En vertu d’un accord de coopération, nous autorisons BAC à utiliser notre marque pour la vente de produits dans certaines régions, mais la conception et la fabrication des produits sont de l’unique responsabilité de BAC", a indiqué dans un communiqué Gold Apollo.
La PDG de la société hongroise, Cristiana Barsony-Arcidiacono, interrogée par la chaîne américaine NBC, a confirmé travailler avec Gold Apollo mais a nié être impliquée dans la fabrication.
Cristiana Barsony-Arcidiacono apparaît comme la seule employée, selon les documents légaux consultés par l’AFP qui font par ailleurs état d’un chiffre d’affaires annuel de 210 millions de forints (530 000 euros) pour des bénéfices de quelque 45 000 euros.
La société hongroise BAC, présentée comme le fabricant des bipeurs utilisés par le Hezbollah est "un intermédiaire commercial, sans site de production ou opérationnel en Hongrie", a ensuite assuré Budapest.
"Les appareils en question n’ont jamais été sur le sol hongrois", a ajouté le porte-parole du gouvernement Zoltan Kovacs sur le réseau social X, et "cette affaire ne pose aucun risque à la sécurité nationale".
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Une trentaine de morts et des milliers de blessés
Vingt personnes sont mortes et plus de 450 ont été blessées mercredi à travers le Liban dans l'explosion de talkies-walkies du Hezbollah, selon un bilan du ministère libanais de la Santé. Le Hezbollah a confirmé la mort de 20 de ses membres dans cette attaque.
Mardi, les explosions simultanées de bipeurs avaient fait 12 morts et entre 2 750 et 2 800 blessés, selon le ministère libanais.
Dans la banlieue sud de Beyrouth, des tentes ont été installées pour accueillir des habitants qui se sont précipités pour donner leur sang.
Parmi les morts figure une fillette de dix ans tuée par l'explosion du bipeur de son père, ainsi que le fils d'un député du mouvement. L'ambassadeur d'Iran à Beyrouth, Mojtaba Amani, a aussi été blessé, a annoncé la télévision iranienne. Quatorze membres du Hezbollah en Syrie ont également été blessés par l'explosion de leurs bipeurs, selon une ONG.
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Israël pointé du doigt, le Hezbollah promet de "continuer le combat"
Peu après les faits, le Hezbollah a affirmé qu'Israël était "entièrement responsable" de ces explosions et assuré qu'il allait "recevoir son juste châtiment". Le Hamas a également dénoncé une "agression terroriste sioniste".
De son côté, Israël n'a pas commenté ces explosions, survenues quelques heures après l'annonce par ce pays qu'il étendait les objectifs de la guerre contre le Hamas palestinien dans la bande de Gaza à sa frontière nord avec le Liban.
Mercredi, le Hezbollah a affirmé qu'il "continuerait" ses opérations de soutien à Gaza malgré l'attaque. Le chef du mouvement, Hassan Nasrallah, devait s'exprimer jeudi à 17 h (14 h GMT) sur ces événements.
Les explosions des deux derniers jours sont le "plus gros coup jamais porté à la formation" pro-iranienne par Israël, selon une source proche du Hezbollah.
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"Une escalade extrêmement inquiétante", selon l'ONU
Cette attaque fait craindre un regain de tensions dans la région, déjà fortement marquée par la guerre entre Israël et le Hamas. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a condamné mercredi les "attaques" aux bipeurs, se disant "extrêmement préoccupé" par la situation. L'ONU a déploré une "escalade extrêmement inquiétante" et Washington a mis en garde contre toute "escalade".
L'Iran, proche du Hezbollah, a quant à lui accusé Israël de "tuerie de masse", selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères. "Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Nasser Kanani, a fermement condamné comme une tuerie de masse l'acte terroriste du régime sioniste au Liban, visant les citoyens libanais", affirme le texte.
Avec AFP