Le candidat républicain Donald Trump a été la cible d'une tentative d'assassinat présumée deux mois après avoir été visé lors d'une meeting. Une explosion de violence politique qui fait de la campagne actuelle une période unique dans l’histoire américaine ? "Pas forcément", répondent des historiens interrogés par France 24.
Et de deux. Tout porte à croire que Donald Trump a été la cible, dimanche 15 septembre, d’une nouvelle tentative d’assassinat, deux mois seulement après avoir été blessé à l'oreille le 13 juillet lors d’un meeting de campagne en Pennsylvanie.
Cette fois-ci, le tireur a réussi à s’approcher alors que le candidat républicain à la prochaine élection présidentielle américaine s’adonnait à une partie de golf. Un suspect a rapidement été arrêté et une enquête a été ouverte par le FBI.
"Moment sombre de l'histoire américaine" ?
L’acte a été unanimement condamné par les responsables politiques – qu'ils soient républicains ou démocrates. Kamala Harris, rivale de Donald Trump dans la course à la Maison Blanche, s’est dite “soulagée” qu'il aille bien et a assuré qu’il “ne devait pas y avoir de place pour la violence” en politique. Des élus républicains, telle que la très trumpiste Elise Stefanik, se sont réjouis aussi du dénouement heureux de l'incident pour Donald Trump, tout en soulignant qu’ils y voyaient la “main protectrice de Dieu”.
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Accepter Gérer mes choixTous avertissent aussi que ce supposé deuxième attentat à la vie de Donald Trump en si peu de temps illustre à quel point le pays traverse “un moment sombre” de son histoire politique, comme l’indique CNN.
“Il faut reconnaître que le fait qu’un même candidat ait été la cible de deux tentatives d’assassinat en deux mois est inhabituelle”, souligne Manfred Berg, historien à l’université de Heidelberg et auteur d'un ouvrage s’intéressant à la montée de la violence politique aux États-Unis depuis les années 1960. En outre, “ce qui étonne c’est qu’il ne semble y avoir aucun lien, idéologique ou autre, entre les deux suspects”, ajoute Clive Webb, professeur à l’université de Sussex et spécialiste de l’histoire américaine contemporaine et des actes de violence aux États-Unis. Ce seraient donc deux actes de tireurs isolés, et non pas l’œuvre d’un unique groupe déterminé à se débarrasser de l'ancien président, ce qui renforce l’impression d’une violence omniprésente.
Pourtant, les historiens interrogés par France 24 ne voient “rien de particulièrement unique à la séquence de violence politique que les États-Unis traversent actuellement”, comme l'estime Mark McLay, qui étudie la polarisation politique de la vie américaine aux XXe et XXIe siècles à l'université de Lancastre (Royaume-Uni).
"On aimerait être surpris, mais non"
“On aimerait être surpris par ce type d’événements tragiques, mais en fait non”, ajoute-t-il. “Entre les assassinats d’Abraham Lincoln (14 avril 1865), James A. Garfield (2 juillet 1881), William McKinley (14 septembre 1901) et John F. Kennedy (22 novembre 1963) ou encore la tentative d’assassinat contre Ronald Reagan (30 mars 1981), il n’y a rien de vraiment nouveau”, précise Manfred Berg. Le président Barack Obama a même échappé à plusieurs complots et attentats, à la fois avant d’être élu et une fois à la Maison Blanche.
Il pourrait aussi être surprenant que Donald Trump soit la cible des tentatives d’assassinat dans un pays où la principale menace de violence politique émane de l’extrême droite, d’après les autorités américaines. Après tout, le candidat républicain est souvent perçu comme proche politiquement de ces milieux extrémistes.
Là encore, c’est ignorer que “la plupart des assassinats et tentatives sont le fait d’auteurs isolés, souvent sans lien avec une idéologie”, souligne Clive Webb. L’exemple le plus célèbre est celui de John Warnock Hinckley Jr., un Américain à l’esprit dérangé qui avait essayé de tuer Ronald Reagan en pensant ainsi attirer l’attention de l’actrice Jodie Foster. “C’est aussi le cas avec Samuel Byck, qui avait mis en place un plan pour assassiner Richard Nixon en février 1974 après lui avoir envoyé des lettres de menace parce que l’administration lui avait refusé un prêt pour monter une petite entreprise”, note Mark McLay.
En fait, pour les experts interrogés par France 24, les deux attentats contre Donald Trump sont l’illustration de la “normalisation de la violence politique dans un pays où il y a environ 400 millions d’armes à feu en circulation aux États-Unis”, résume Manfred Berg. “Tout ce qu’il faut pour ce genre d’incident, c’est un individu prêt à la violence avec un objectif personnel et une envie de publicité”, ajoute Mark McLay.
Une hausse de la violence contre les élus en général
“Avec l’extrême polarisation de la vie politique ces quinze dernières années - avec deux camps qui se font face comme des tribus guerrières -, il faut s’attendre à ce genre d’explosion de violence contre les dirigeants du camp adverse”, assure Clive Webb. Dans ce contexte de banalisation de la violence, tuer le président ou un candidat “peut être perçu, dans une logique perverse, comme la gloire ultime qui doit assurer la place de l’auteur dans l’histoire du pays”, analyse Manfred Berg.
Mais cette violence politique ne cible pas que les présidents et candidats. La gouverneure démocrate du Michigan, Gretchen Whitmer, avait ainsi été la cible d’un complot d’enlèvement en 2020. Le mari de Nancy Pelosi, l’une des figures les plus influentes du Parti démocrate, avait pour sa part été attaqué chez lui par un militant canadien d’extrême droite en octobre 2022.
Plus généralement, depuis l’élection présidentielle de 2020, “il y a clairement une hausse des actes de violence contre les élus aux États-Unis”, constate Clive Webb. C’est aussi la conclusion d’un rapport de janvier 2024 du Brennan Center for Justice - ONG de lutte pour la défense de la démocratie, qui souligne que “plus de 40 % des élus locaux ont fait état de menaces directes ou d’attaques physiques contre eux”.
Pour Clive Webb, c’est la conséquence d’un discours sur le “tous pourris”, tenu notamment par Donald Trump et ses partisans. “Le sentiment que le système sert les intérêts des élites et pas du tout ceux des citoyens ordinaires devient de plus en plus fort, ce qui justifient le recours à la violence politique aux yeux de certains”, estime ce spécialiste.
Cette omniprésence actuelle de la violence politique aux États-Unis a été perçue par certains comme le prélude à la prochaine guerre civile. Pas si vite, répondent les historiens interrogés par France 24. “Les tentatives d’assassinat contre Donald Trump, par exemple, ne semblent pas motivés par une idéologie d’affrontement”, souligne Mark McLay.
Cependant, “il faudra faire attention à la suite”, estime Clive Webb.Le professeur de l'université du Sussex craint notamment que ces attentats servent de déclencheurs pour les militants pro-Trump les plus radicaux. Une escalade des violences envisagée aussi par Manfred Berg. Pour lui, si le risque d’une nouvelle guerre civile est faible, la situation actuelle pourrait potentiellement dégénérer pour aboutir à “une violence permanente similaire à ce que le sud des États-Unis a connu pendant la période de la reconstruction après la guerre de Sécession [1861-1865] avec les violences du Ku Klux Klan, par exemple”.