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L'athlète guinéen Joseph Loua risque l'expulsion, faute de papiers... et de médailles

Ancien coureur prometteur du 200 mètres, Joseph Loua n'a plus de papiers depuis qu'il a raccroché les crampons. Pas sûr cependant que la Guinée, son pays d'origine, lui réserve un meilleur accueil.

Quand on sonne à sa porte, Joseph Loua met plusieurs minutes avant d'ouvrir. Le temps de réveiller sa femme et ses enfants, et de vérifier discrètement par la fenêtre si aucune voiture de police n’attend devant chez lui. Même prudence sur la route de l’école que fréquente son fiston Gabriel : Joseph et son épouse empruntent des chemins de traverse. De ceux où l’on ne risque pas de croiser une patrouille de police.

Agé de 35 ans, Joseph Loua vit comme une ombre depuis ce jour de mai 2009 où il a reçu une OQTF. Comprendre une "Obligation à quitter le territoire français", synonyme de charter vers la Guinée, son pays d’origine. Joseph avait un mois pour quitter Chelles, ville moyenne de Seine-et-Marne, où il vit depuis cinq ans, et retourner à Conakry accompagné de sa femme Marie, elle aussi expulsable, et de leurs deux enfants. Il a préféré se battre pour obtenir des papiers, déposant des recours, faisant appel de la décision de la préfecture, poursuivant malgré tout sa vie en France en tant qu’éducateur sportif pour les ados, et voyant avec plaisir un comité de soutien se former autour de lui.

Si le cas Loua en a révolté plus d’un à Chelles, c’est que Joseph se retrouve pris au piège de sa carrière. Celle d’un ancien sprinter de haut niveau dont l’Europe a voulu tant qu’il battait des records, mais qu’on invite à repartir maintenant qu’il a raccroché ses crampons. Espoir du 200 mètres, Joseph Loua est repéré à Conakry par des sélectionneurs français qui le poussent à participer aux Jeux de la francophonie (il y décrochera une médaille d’or en 1997). Athlète prometteur, il bénéficie d’une bourse du Comité international olympique (CIO), décroche titres et qualifications (Jeux olympiques d’Atlanta en 1996, de Sydney en 2000). Après plusieurs années passées en Espagne, Joseph Loua s’installe en région parisienne où son épouse vit depuis dix ans.

En France, le sport de haut niveau est souvent un réel accélérateur pour les candidats à la naturalisation : la Sierra-Léonaise Eunice Barber, championne du monde de saut en longueur en 2003, est devenue française en 2000, tout comme le sprinter ivoirien Ahmed Douhou. Quant au jeune afghan Sharif Hassanzade, il a été régularisé en mars 2009 juste après être devenu champion de France espoir de boxe… française.

"Plus de records, plus de titre de séjour"

Mais "la générosité dépend des performances : plus de records, plus de titre de séjour", constatent, amers, les proches de Joseph. Qui mettent en avant la difficile situation du couple Loua. Marie est atteinte d’une affection génétique du sang, la drépanocytose, et tous deux sont expulsables vers un pays qui n'est plus vraiment le leur. Joseph, qui a longtemps vécu à l'étranger, n'y a plus d'attaches. En 2009, sa famille a même dû fuir l’instabilité politique guinéenne pour le Mali ou la Côte d'Ivoire. Son père, René Fassou Loua, était ambassadeur et ministre du temps du président Lansana Conté, décédé en décembre 2008. Autant dire que Joseph n’est plus le bienvenu à Conakry.

"Si c’est ça les valeurs de l’olympisme… Et puis Joseph est plus européen que bien des Européens, lui qui parle couramment français, anglais, et espagnol !" Christian Synowiecki, adjoint à la mairie socialiste de Chelles, fait partie du comité de soutien de Joseph. Comme beaucoup de membres de l’équipe municipale. On y trouve également Stéphane Diagana, premier champion du monde d'athlétisme masculin français (en 400 mètres haies), le président de la Fédération française d’athlétisme, Bernard Amsellem, l’ancienne ministre des Sports Marie-Georges Buffet, des citoyens de Chelles et le Réseau éducation sans frontières.

Depuis que la solidarité s’organise, ils ont trouvé un logement pour la famille Loua, décroché la cantine gratuite pour leur fils, aident aux dépenses courantes. Mais après des mois de lutte contre la préfecture, Christian Synowiecki ne se fait pas d’illusions. "Le ministre de l’Immigration, Eric Besson, a décidé de renvoyer des Afghans dans un pays en guerre, alors même si la Guinée représente un grand danger pour lui…" Un abattement - passager - qui n’empêche pas de faire signer une pétition de soutien aux habitants de Chelles. En attendant la réponse du tribunal, "probablement d'ici mars", indique l'avocate de Joseph, Me Sandrine Vergonjeanne.