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Pas de consensus sur le rapport sur le niqab

Le rapport de la mission parlementaire sur le voile intégral a été remis au gouvernement. Il préconise son interdiction "sur l'ensemble du territoire", mais ne réussit pas à obtenir le "consensus républicain" souhaité par ses initiateurs.

La mission parlementaire sur le voile islamique intégral vient de remettre son rapport au président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer. Il préconise une résolution parlementaire demandant que le voile soit "prohibé sur le territoire de la République", mais rejette la proposition d’un projet de loi générale interdisant de dissimuler son visage dans l’ensemble de l’espace public, y compris dans la rue.

La résolution parlementaire, déclaration solennelle des députés sans pouvoir contraignant, proclame que "toute la France dit non au voile intégral", et condamne fermement, au nom des "valeurs de la République", le long habit noir couvrant corps, cheveux et visage porté par une petite minorité de femmes musulmanes en France (1900 personnes selon les chiffres du ministère de l’Intérieur). Une proposition de résolution adoptée à l’unanimité par tous les membres de la commission est incluse dans le rapport.


Pas de "consensus républicain"

Cependant, le "consensus républicain" voulu par le président de la mission parlementaire, André Gérin (PC), s’arrête là. Les parlementaires ont eu bien du mal à se mettre d’accord, rejetant in extremis la proposition n°18 concernant "l’examen d’une proposition de loi interdisant de dissimuler son visage dans l’espace public", projet cher au président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé.

La majorité des membres de la mission préconisent plutôt une loi s’appliquant dans un premier temps aux services publics (écoles, hôpitaux, administrations, transports), plus facile à appliquer et "répondant à la question clé de la relation à autrui dans les lieux de contact", a expliqué André Gérin lors de la conférence de presse qui a suivi la remise du rapport. Les députés PS membres de la mission n’ont pas pris part au vote sur les conclusions du rapport pour protester contre un débat "pollué par celui sur l’identité nationale et l’initiative de Jean-François Copé".

"Une loi inapplicable serait un échec"

Le patron des députés de la majorité s’est vu reprocher d’aller plus vite que la musique en proposant son propre texte sans attendre les conclusions de la mission. "Il confond vitesse et précipitation et se comporte comme un éléphant dans un magasin de porcelaine", a déploré André Gérin, jeudi dernier, dans le quotidien "Le Figaro". Selon lui, "une loi doit être rédigée de façon pluraliste, en prenant le temps nécessaire". Bernard Accoyer a pour sa part ajouté en conférence de presse qu’ "une loi inapplicable, ou rejetée par le Conseil constitutionnel, serait un échec".

De leurs côtés, les responsables musulmans ne cachent pas leur réticence face à un arsenal législatif qui risquerait, selon eux, de stigmatiser l’islam - sans garantie d’efficacité. "Nous avons clairement affiché notre volonté de faire reculer la pratique [du port du voile intégral]. Mais nous avons émis des réserves sur une loi qui interdirait le voile intégral sur la voie publique de façon générale et absolue, a affirmé jeudi dernier à l’Élysée Mohammed Moussaoui, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), en marge de l’échange de vœux entre le président Nicolas Sarkozy et les représentants musulmans.

Les auteurs du rapport reconnaissent que de nombreux points pratiques relatifs à une interdiction du voile restent à régler (qui sanctionner ? La femme voilée ou son entourage ? Quelle attitude adopter à l'égard des touristes portant le voile intégral ?) et constatent qu’il "n’existe pas, pour l’heure, d’unanimité pour l’adoption d’une loi d’interdiction générale du port du voile intégral". Cependant, soulignant que le rôle de la mission parlementaire était "d’informer, non de légiférer", le rapporteur de la mission, Éric Raoult, a conclu qu’un "large accord républicain est à portée de main".

Une éventuelle loi ou résolution ne devrait pas être soumise au vote de l’Assemblée avant les élections régionales du mois de mars. Quel que soit le texte adopté, d’épineuses questions restent en suspend - notamment celle des vertus "pédagogiques" et "explicatives" d’une interdiction que s’accordent à souhaiter les politiques de tous bords. Incombera-t-il au policier chargé de verbaliser une femme voilée de lui enseigner en même temps les "valeurs de la République" ?