
Après sept mois d'enquête et une cinquantaine d'auditions, la mission parlementaire qui planchait sur la question du voile islamique intégral a remis son rapport ce mardi. Elle préconise son interdiction dans les services publics.
"La burqa ne sera pas la bienvenue sur le territoire de la République française" : Nicolas Sarkozy avait donné le coup d’envoi, le 22 juin dernier devant les parlementaires, d’un feuilleton politico-polémique qui a tenu l’opinion en haleine.
Le travail de la mission parlementaire ad hoc, présidée par le député communiste du Rhône André Gerin, a surtout consisté en l'audition des responsables politiques, éducatifs, associatifs et cultuels - dont des ministres (Michèle Alliot-Marie, ministre de la Justice, et Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, notamment) - mais aussi de l’islamologue controversé Tariq Ramadan, d'historiens, de défenseurs de la laïcité, ou encore d'une femme d’Avignon portant le voile intégral... qui a accepté de témoigner à visage découvert.
Sept mois et une cinquantaine d’entretiens plus tard, la mission parlementaire sur le voile intégral - composée de 32 députés, dont 17 de la majorité - rend ses conclusions. Malgré deux écueils au moins - l’absence de consensus politique au sein même de la mission d'une part, le dépôt d'une proposition de loi concurrente par le patron du groupe parlementaire de l'UMP à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, de l'autre - le rapport a été diffusé à la presse, hier. En voici les principales recommandations :
- Le vote d’une résolution parlementaire affirmant que "toute la France dit non au port du voile intégral" et qu’il doit être "prohibé sur le territoire de la République". Contrairement à une loi, une résolution a une portée symbolique plus forte et pourrait faire l’objet d’un assez large consensus à l’Assemblée.
it- Le vote d'une loi interdisant le voile intégral dans les seuls services publics
(hôpitaux, Poste, écoles, etc.), plutôt que celui d'une loi interdisant le voile dans l'ensemble de l’espace public - ce que propose le chef de file des députés UMP, Jean-François Copé. Une loi d’interdiction générale comporte effectivement un gros risque juridique : la censure du Conseil constitutionnel ou de la Cour européenne des droits de l’homme.
5 millions : c’est le nombre de musulmans vivant en France, selon les estimations du ministère de l’Intérieur. Selon une enquête de 2009 de l’Ifop, la majorité d'entre eux réside en région parisienne et dans la région lyonnaise.
1 900 lieux de prière (dont 90 mosqués) sont recensés dans l’Hexagone - une vingtaine comportent un minaret.
1 900 femmes portent le voile intégral dans le pays (burqa ou niqab), selon les estimations du ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux.
7 musulmans sur 10 disent avoir jeûné pendant le ramadan 2007, selon l’enquête de l’Ifop (ils étaient 60 % en 1989). Près de 4 musulmans sur 10 disent prier chaque jour et 23 % affirment se rendre à la mosquée le vendredi.
Selon le rapport des parlementaires, la loi "contraindrait les personnes non seulement à montrer leur visage à l’entrée du service public [par exemple à l’entrée d’une école, ndlr], mais aussi à conserver le visage découvert" dans son enceinte. Faute de quoi, les femmes portant la burqa "ne pourraient percevoir les prestations souhaitées". Ainsi, une femme se présentant intégralement voilée dans un hôpital ne pourrait y être soignée.
- Un travail de pédagogie et de médiation : soucieux de ne pas donner l'impression de stigmatiser les quelque 1 900 femmes qui portent un voile intégral en France - et, par extension, tous les musulmans qui vivent dans l'Hexagone -, le rapport parlementaire préconise un travail d'accompagnement destiné à faire reculer la montée de l’intégrisme et à faire de la pédagogie républicaine.
- "Faire reculer le sentiment de stigmatisation ressenti par les musulmans de France" : moins discutées que l’interdiction de la burqa, ces préconisations dirigées vers l'ensemble de la communauté musulmane comprennent, pêle-mêle, la création d’une "école nationale d’études de l’islam", une réflexion sur l’islamophobie, une aide directe à la construction des lieux de cultes, ou encore la création de nouveaux jours fériés correspondants à des fêtes religieuses non chômées en France, comme l’Aïd-el-Kébir. Certaines de ces propositions n’ont toutefois pas été retenues par l’ensemble de la commission au moment du vote.