Hunter Biden, fils du président candidat à sa réélection, comparaît depuis lundi devant le tribunal fédéral de Wilmington, pour détention illégale d'arme. Ancien toxicomane de 54 ans, il est considéré par les adversaires républicains de Joe Biden comme son talon d'Achille.
À peine le procès pénal Trump terminé à New York avec la condamnation historique de l'ancien président, qu'un autre épisode judiciaire pourrait bien agiter la scène politique américaine. Depuis lundi 3 juin, Hunter Biden comparaît au tribunal fédéral de Wilmington, dans l’État du Delaware. Âgé de 54 ans, le fils de Joe Biden est accusé d'avoir menti en remplissant un formulaire pour l'acquisition d'une arme à feu en 2018, dans lequel il niait ses addictions à la drogue et l'alcool reconnues par la suite.
Les deux chefs d'accusation portent sur les mensonges présumés dans les documents nécessaires à l'achat de ce revolver, et un troisième sur la possession illégale de cette arme.
Le procès, qui devrait durer environ deux semaines, pourrait exposer publiquement des détails embarrassants – bien que déjà largement connus – sur la vie privée d’Hunter Biden à l'époque.
Ancien accro au crack
Tout commence le 12 octobre 2018, lorsqu’Hunter Biden entre dans une armurerie de Wilmington pour acheter un revolver Colt Cobra. Sur le formulaire officiel, à la question concernant sa consommation de stupéfiants, l'ancien avocat coche "non". Une dizaine de jours plus tard, Hunter Biden passe la nuit chez Hallie, la veuve de son frère Beau, considéré comme le fils prodige de la famille, décédé d'un cancer du cerveau en 2015. Leur histoire d’amour, alimentée par un deuil commun, était connue et avait entraîné le divorce d’Hunter avec sa femme Kathleen en 2017.
Le lendemain, Hallie décide d’aller inspecter le pick-up de son invité, "inquiète de savoir ce que le toxicomane pourrait cacher" à l’intérieur, relate le Washington Post. Bouleversée par la découverte du pistolet tout neuf, elle décide alors de s'en débarrasser dans une poubelle aux abords d’une épicerie. Quelques heures plus tard, après une dispute avec Hunter, la jeune femme décide d'y retourner mais l'arme a disparu. Alertée, la police ouvre une enquête pour vol d'arme à feu. Le Colt est finalement retrouvé quelques jours plus tard chez un homme qui fouillait souvent les poubelles des environs, mettant fin à l'enquête plusieurs jours plus tard.
L'affaire de l'achat d'arme par Hunter Biden semblait classée mais la découverte de ses addictions au crack et à l'alcool a rouvert le dossier. Aux États-Unis, l'achat d'une arme à feu est interdite aux toxicomanes. Aujourd'hui, Hunter Biden est jugé pour avoir menti sur sa toxicomanie, ce qui est considéré comme un crime. Au cours des débats, les procureurs s’appuieront sur son autobiographie "Les Belles Choses" (2021) pour prouver sa culpabilité. Il y détaille ses expériences en tant que drogué qui était "éveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, fumant toutes les quinze minutes, sept jours sur sept". "Toute mon énergie tournait autour de la consommation de drogue et de l'organisation pour en acheter - nourrissant la bête", écrivait-il dans son livre.
Stratégie de "fausse équivalence"
Le procès verra défiler plusieurs de ses anciennes compagnes à la barre des témoins, parmi lesquelles Kathleen Buhle, la mère de ses trois filles aînées, Hallie Biden, son ex-compagne et ex-belle-sœur, et Lunden Roberts, mère de sa fille née en 2018 qu'il a longtemps refusé de reconnaître. Le frère du président, James Biden, soutien dans sa désintoxication, témoignera également.
Après l'échec d'un accord de plaider coupable il y a un an, la défense d'Hunter Biden plaidera la nuance, affirmant que l'accusé ne se considérait plus toxicomane au moment des faits, puisqu'il était déjà en traitement pour ses addictions.
C'est la première fois dans l'histoire judiciaire du pays qu'un fils de président est jugé au pénal. S'il est reconnu coupable, Hunter Biden encourt jusqu'à 25 ans de prison et 750 000 dollars d’amende (environ 690 000 euros), une peine rarement prononcée pour des délits similaires.
Avec l'élection présidentielle prévue en novembre prochain, les Démocrates n’ont aucun intérêt à ce que l’actualité de ce procès ne remplace les titres de presse sur la condamnation de Donald Trump à New York. L'ancien président a été jugé coupable, le 30 mai dernier, pour falsifications de documents comptables destinées à cacher un paiement de 130 000 dollars dans l'affaire Stormy Daniels.
"On observe une stratégie de ‘fausse équivalence’ de la part des Républicains, relayée par Fox News, le bras médiatique du parti, qui consiste à comparer Donald Trump présenté comme innocent, à la famille Biden, décrite comme une bande de criminels s'enrichissant sur le dos des Américains", analyse Jérôme Viala-Gaudefroy, chargé de cours à Sciences-Po Saint-Germain-en-Laye et spécialiste des États-Unis.
"Ils attaquent Joe Biden en s'en prenant à son fils pour exploiter sa faiblesse supposée. Cette stratégie suscite d’ailleurs l'inquiétude de ses conseillers face à l'impact émotionnel qu'elle pourrait avoir sur lui."
Impact "limité" sur la campagne
S'il a refusé à plusieurs reprises de commenter le procès, Joe Biden a diffusé un communiqué pour exprimer son soutien à Hunter : "En tant que président, je ne vais pas commenter une procédure fédérale en cours, mais en tant que père, j'ai un amour infini pour mon fils, j'ai confiance en lui, et je respecte sa force", a-t-il déclaré dans un message.
"Le climat politique étant extrêmement polarisé, l'impact de ce procès sur la campagne électorale devrait être limité", note Jérôme Viala-Gaudefroy. "Les enjeux sont d'ordre personnel et ne devraient mobiliser que les Républicains déjà acquis à la cause de Donald Trump."
En septembre, les élus républicains au Congrès ont lancé une enquête de destitution contre Joe Biden, alléguant qu'il aurait utilisé son influence en tant que vice-président sous Barack Obama (2009-2017) pour favoriser les affaires de son fils Hunter en Chine et en Ukraine. Aucune preuve concrète n'a été avancée à ce jour, et aucune poursuite judiciaire n’a été engagée contre lui.
En décembre, Hunter Biden a par ailleurs été inculpé pour fraude fiscale, accusé d'avoir échappé à l'obligation de payer 1,4 million de dollars (environ 1,28 million d'euros) d'impôts par le biais d'un "stratagème". Il a plaidé non coupable, et un procès est prévu à la rentrée en Californie, à seulement deux mois du scrutin présidentiel.