
Il n'y avait pas eu de visite d'État de dirigeant africain à Washington depuis 2008 : c'est dire si Joe Biden soigne la relation avec son homologue kényan William Ruto, qu'il reçoit mercredi 22 et jeudi 23 mai à la Maison Blanche.
Le président américain, qui voit dans le Kenya un allié clé sur un continent en pleine convulsions politiques et où la Chine et la Russie avancent leurs pions, a reçu le chef d'État kényan mercredi peu après 16 h locales (20 h GMT). Les deux hommes ont ensuite pris part à une table ronde sur l'innovation avec des chefs d'entreprises, en prélude à la visite d'État en bonne et due forme qui se tiendra jeudi et verra la Maison Blanche déployer tout son faste protocolaire.
Un "partenariat qui fonctionne bien"
Joe Biden a loué un "partenariat qui fonctionne bien" entre les deux pays, tandis que William Ruto a vanté "soixante ans d'amitié solide" entre le Kenya et les États-Unis, en ajoutant qu'il espérait concrétiser des projets d'investissements lors de sa visite.
Washington veut s'appuyer sur le Kenya pour faire face à la crise sécuritaire et politique en Haïti : Nairobi s'apprête à y envoyer des policiers pour diriger une mission multinationale sensible.
"Le Kenya a travaillé aux côtés des États-Unis pour relever les défis les plus importants de notre époque", a assuré mercredi le conseiller américain à la Sécurité nationale Jake Sullivan.
Haïti
Il a indiqué que la visite d'État déboucherait sur des annonces dans le domaine technologique, dans la sécurité, et au sujet de la dette souveraine. Ces "annonces substantielles montreront que nos liens, basés sur des valeurs démocratiques, des ambitions économiques et des intérêts internationaux partagés, profitent de manière concrète aux Américains et aux Kenyans", selon Jake Sullivan.
Il a ajouté que Washington était "fermement décidé à soutenir" la mission en Haïti, validée en octobre par le Conseil de sécurité de l'ONU et dont Nairobi a accepté de prendre la tête.
Si les États-Unis misent gros sur le Kenya, c'est qu'ils y voient un havre de stabilité démocratique et une locomotive économique, dont la pandémie a toutefois freiné l'élan. William Ruto compte sur les États-Unis pour relancer cette machine économique. Il demande par exemple au Congrès américain de prolonger de dix ans un accord de libre-échange crucial pour de nombreux pays africains et devant expirer en 2025.
Le chef d'État kényan vient aussi parler de sécurité, et plus particulièrement de la Somalie, voisine du Kenya, où les islamistes radicaux shebab mènent depuis 2007 une sanglante insurrection.
William Ruto veut "assurer qu'un retrait de troupes de (la force de l'Union africaine dans le pays) Atmis ne crée pas un vide qui sera comblé par les shebab". "Le Kenya, les États-Unis et les autres pays en première ligne doivent travailler ensemble" à ce sujet, a-t-il réclamé en marge de ses entretiens au Capitole.
Russie et Chine
"Les États-Unis mettent le paquet pour l'Afrique et avec l'Afrique", a assuré Jake Sullivan.
Joe Biden, qui a organisé un grand sommet avec des dirigeants africains à la Maison Blanche, ne s'est pas en revanche pas rendu sur le continent, bien qu'il ait promis de le faire en 2023. Le démocrate de 81 ans, qui affrontera Donald Trump en novembre pour un second mandat, a lancé mercredi, sur un ton léger, qu'il s'y rendrait "en février, après avoir été réélu".
Les États-Unis ont fort à faire pour tenter de rattraper plusieurs années de relative indifférence à l'égard du continent. Les Américains viennent ainsi d'essuyer un revers stratégique au Niger : ils doivent retirer leurs troupes à la demande du régime militaire arrivé par un coup d'État en juillet et qui a commencé à coopérer militairement avec la Russie.
La volonté de Joe Biden de développer des partenariats économiques en Afrique bute par ailleurs sur la concurrence de la Chine, qui y multiplie les projets d'infrastructures et les investissements. Pékin est par exemple le principal importateur et créancier du Kenya. La politique américaine de soutien à l'Ukraine et à Israël est par ailleurs loin de faire l'unanimité sur le continent.
Avec AFP