Et soudain, au milieu des flots de la rade nord de Marseille, la fête des JO commence enfin. Oubliées les promesses non tenues, la perspective d'un été noir dans les transports, les divisions géopolitiques et les protestations françaises... Le temps d'une parade nautique, l'heure est enfin à l'allégresse alors que la flamme olympique s'apprête à toucher terre.
Escorté par 1 024 bateaux, le Belem, le trois-mâts qui ramenait le symbole de l'olympisme moderne de Grèce, a effectué sa parade maritime dans la rade nord de Marseille, au large de l'Estaque, le 8 mai. Des navires de toutes tailles et de tous types sont venus le saluer après sa longue traversée dans un joyeux concert de cornes de brumes, cornemuses, sirènes et autres klaxons.
Un joyeux chaos maritime bien organisé
Le long de la côte, sur les plages et même du haut des calanques, la foule s'est rassemblée pour admirer le spectacle.
Un chaos parfaitement organisé par la préfecture maritime qui n'hésite pas à rappeler à l'ordre les imprudents qui frôlent de trop près leurs camarades ou les arrogants qui veulent se porter trop à l'avant du vieux navire école. "Écartez-vous !", "Passez derrière !", rappelle à l'ordre un officier de la gendarmerie.
Le trois-mâts a sillonné les flots environnant Marseille de 11 h à 17 h, s'offrant un répit vers 13 h pour aller saluer la Marina olympique où auront lieu les épreuves de voile des JO. Il a ainsi navigué au côté de l'équipe de France olympique d'Hélène Noesmoen et de Lauriane Nolot avant d'aller rejoindre la parade populaire.
Une parade "super"
Parmi les spectateurs de l'évènement, Yassmina Ahmada Ibouroi, 16 ans. La lycéenne a pu monter à bord d'un des navires de la parade. Elle a bien du mal à trouver les mots pour décrire ce qu'elle a vécu : "C'était juste super. On a profité et on a appris plein de choses sur les bateaux... Et le Belem !", s'enthousiasme la jeune fille.
"C'était la première fois que je sortais en mer. On a tous adoré", ajoute Doria Feng, 17 ans.
"Cette parade était incroyable avec tous ces bateaux. Le Belem est majestueux et on a pu le voir de très près", raconte Maxime, jeune ambassadeur Unicef qui a également pu participer à la parade.
Si ces trois jeunes ont pu participer à la parade nautique, c'est grâce à l'engagement de leurs association respective : Télémaque pour Doria et Yassmina, l'Unicef pour Maxime.
La première se donne pour mission de réparer l'ascenseur social en associant des jeunes issus de quartiers défavorisés à des mentors durant leurs années de collège et de lycée. "Notre mission, c'est d'ouvrir leur champ des possibles", résume simplement Isabelle Mauries, responsable régionale et mentor de Yassmina.
La seconde, l'Unicef, plus connue car émanation de l'ONU, s'attache à faire respecter la convention internationale des Droits de l'enfant, dans les zones de conflit mais aussi dans les zones défavorisées. "Nous sommes là pour rappeler que chaque enfant a les mêmes droits, qu'ils viennent des quartiers nord, des zones rurales ou d'endroits privilégiés", explique Corinne Noalles.
Ouvrir le monde de la voile à tous
À Marseille, ces deux associations ont noué des liens avec la société nautique de Marseille, dont 102 navires ont accueilli le Belem, soit la plus grosse délégation. Parmi eux, 25 navires se sont repartis 20 jeunes de chaque association pour les initier aux rudiments de la navigation et faire vivre le moment historique de l'arrivée de la flamme.
Parmi ceux qui ont rendu cette journée possible pour les filleuls de Télémaque et les Jeunes ambassadeurs de l'Unicef, il y a Bernard Ceas, le responsable de communication de "la Nautique" et fier capitaine du "Tintamarre". Tôt le matin, bien avant la parade, c'est lui qui a organisé la répartition parmi les navires avec bienveillance et autorité.
Ce matin, un capitaine ne s'est pas présenté comme prévu. Qu'à cela ne tienne, Bernard et "la Nautique" ont rapidement trouvé une solution en répartissant les quatre "naufragés" dans d'autres navires. Solidarité de marins.
Pour lui, naviguer est un plaisir, même parmi la foule des 1 024 bateaux autour du Belem. Il ne se départit jamais de son calme et de sa bonne humeur, manie le "Tintamarre" avec aisance tandis que sa femme Martine lui sert d'yeux sur les côtés et à l'arrière du navire. Les deux adorent également partager leur passion.
"Ça fait bientôt deux ans qu'on travaille avec ce réseau d'ONG. On veut montrer que notre bande de privilégiés et de plaisanciers savait s'ouvrir aux quartiers défavorisés", explique le capitaine, qui manie aussi le franc parler. "Ça fait partie de l'idéal qui a présidé à la fondation de notre association. On veut éviter de rester un cercle fermé."
Lui aussi gardera un souvenir ému de sa sortie en mer autour du Belem. "C'était sympathique", minimise-t-il avant d'enchaîner : "On avait un symbole du passé, le Belem, et les jeunes, donc l'avenir. Il y avait un sentiment de transmission."
Pour l'adjointe à la mairie de Marseille, Sophie Guérard, la parade nautique et cette sortie en mer constituent un succès et un symbole de ce que la cité phocéenne veut projeter à travers les Jeux.
"C'est important pour nous de montrer que toutes les forces vives de la cité, on est ensemble", loue Sophie Guérard, embarquée à bord du "Tintamarre" en tant que chargée de la place de l'enfant dans la ville. "Marseille est une ville monde et c'est très bien que la flamme arrive car il y a toutes les communautés, toutes les religions, des gens riches, de la classe moyenne, des gens pauvres mais on vit tous très bien ensemble !"
Et l'élue de rappeler que la fête populaire se prolongera durant les JO. Les épreuves de voile seront visibles gratuitement depuis la corniche, piétonnisée pour l'occasion.