L'épilogue d'un long feuilleton. Le gendarme du nucléaire français a donné, mardi 7 mai, son feu vert à la mise en service du réacteur de nouvelle génération EPR de Flamanville en Normandie. Une étape clé pour le lancement progressif de la production d'électricité prévu au cours de l'été, douze ans après le calendrier prévu.
À l'heure où le gouvernement veut construire jusqu'à 14 réacteurs en France, ce feu vert est une étape majeure pour EDF et toute une filière qui entendent tourner la page d'un chantier laborieux de 17 ans, émaillé de multiples problèmes et de surcoûts colossaux.
"L'autorisation de mise en service" délivrée par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) va ainsi permettre à EDF de "charger le combustible nucléaire dans le réacteur et de procéder aux essais de démarrage puis à l’exploitation du réacteur", a expliqué le gendarme du nucléaire dans un communiqué.
Regardant la mer, à côté des deux autres réacteurs plus anciens de la centrale de Flamanville, sur la pointe du Cotentin, le réacteur de 1 600 MW sera le plus puissant du parc nucléaire français qui en comptera désormais 57.
Une succession de déboires
Le président Emmanuel Macron devrait marquer l'événement avec un déplacement envisagé mi-mai à Flamanville, non confirmé à ce stade, selon une source proche du dossier.
Si le démarrage de la production électrique a bien lieu cet été, il interviendra avec douze ans de retard sur le calendrier de départ, pour une facture totale désormais estimée à 13,2 milliards d'euros, selon EDF, quatre fois le devis initial de 3,3 milliards.
Lancée en 1992 comme le fleuron de la technologie nucléaire, sur une collaboration initiale franco-allemande, le réacteur pressurisé européen (EPR) a été conçu pour relancer l'atome en Europe, après la catastrophe de Tchernobyl de 1986, en promettant une sûreté et une puissance accrues.
Mais à l'instar du premier chantier d'EPR, lancé à Olkiluoto (Finlande) en 2005, celui de Flamanville démarré en 2007 aura connu une succession de déboires : fissures dans le béton de la dalle, anomalies dans l'acier de la cuve, défauts de soudures...
Premiers électrons cet été
Les difficultés ont souvent été imputées à "une forme de désapprentissage" de la filière nucléaire après "une longue période d'absence de projets nucléaires" dans les années 1990-2000, souligne le chercheur spécialiste de l'histoire du nucléaire Michaël Mangeon. À cela s'ajoutent "des études insuffisamment développées (...), des problèmes de gouvernance, de qualité ou encore un contexte réglementaire en évolution continue", énumère-t-il.
Des EPR ont déjà été inaugurés, deux en Chine puis celui d'Olkiluoto, mais les prochains réacteurs qu'EDF compte édifier en France et en Europe seront des EPR2, une version simplifiée, selon l'électricien.
"C'est une nouvelle étape décisive dans la relance du nucléaire initiée par le président du République (...) Prochain rendez-vous : le chargement du combustible", a commenté Bercy.
À tout moment, EDF peut commencer à charger, un par un, les 241 assemblages d'uranium au fond du réacteur.
Le raccordement au réseau électrique (le "couplage") n'interviendra que dans plusieurs mois, une fois que le réacteur aura atteint 25 % de sa puissance. Ce n'est qu'en "fin d'année" que le réacteur devrait livrer ses électrons à 100 % de sa puissance, selon EDF.
D'ici là, EDF devra encore solliciter trois avis de l'ASN : "avant de démarrer la réaction nucléaire" (une étape qui peut prendre plusieurs semaines), au palier de puissance de 25 %, puis au palier de 80 %, a précisé à l'AFP Julien Collet, directeur général adjoint de l'autorité de sûreté.
À Flamanville, EDF attendait un feu vert au premier trimestre. Mais l'instruction de l'autorisation s'est prolongée jusque "fin avril", selon l'ASN, en raison d'ultimes vérifications de conformité sur la chaudière, une pièce maîtresse.
Avec AFP
Christine, tel est le prénom choisi pour la turbine du nouveau réacteur nucléaire français, l'EPR de Flamanville 3, selon une tradition à EDF qui remonte aux débuts de la construction des centrales au pays de l'atome, à partir des années 1970. Elle consiste à "donner à la turbine de chaque unité de production le prénom de la première assistante (de la direction) présente sur place", explique-t-on chez le groupe électricien national.
Dans la salle des machines, sous une hauteur de cathédrale, la turbine de 70 mètres de long ne pourra démarrer qu'après la "première réaction nucléaire", une étape qui peut prendre plusieurs semaines après le chargement du combustible dans le coeur du réacteur et que doit annoncer EDF très prochainement. Construite à Belfort par Alstom avant son rachat par General Electric, la turbine baptisée Christine est la plus puissante du parc nucléaire civil, un modèle "Arabelle 1000", qui impose par ses dimensions : 6,55 mètres de diamètre, 1 100 tonnes...