La Macédoine du Nord a organisé, mercredi 24 avril, le premier tour de la présidentielle qui se joue en partie sur une question déterminante pour l'avenir du pays : accepter ou non les conditions posées par l'Union européenne pour pouvoir y entrer.
À la clôture du scrutin à 19 h, dans 90 % des bureaux de vote, 48 % des électeurs avaient voté. Un chiffre en hausse de sept points par rapport au premier tour du scrutin de 2019, selon la commission électorale.
Plus de 800 000 personnes ont déposé leur bulletin de vote dans 3 408 bureaux ouverts à travers le pays.
"J'espère un changement total du gouvernement, et j'attends du nouveau, que les intérêts de la Macédoine du Nord soient protégés", expliquait en votant dans la matinée Filip Zdraveski, 38 ans.
La vie politique dans cet État des Balkans de 1,8 million d'habitants est engluée depuis des années dans des discussions sur l'opportunité ou non de se plier aux exigences de l'UE et surtout de la Bulgarie voisine.
Cette dernière a d'abord insisté pour que la langue macédonienne soit considérée comme un simple dialecte bulgare, ce que Skopje a refusé. Puis, dans un deuxième temps, elle a réclamé l'inclusion de la minorité bulgare dans la Constitution, au risque de faire échouer les négociations en vue d'une adhésion à l'Union européenne de la Macédoine du Nord.
Réviser la Constitution ?
Les deux principaux candidats à la présidence de ce pays – qui a déjà dû changer de nom pour mettre fin à un conflit avec un autre voisin, la Grèce – ne sont pas d'accord sur la réponse à donner à Bruxelles.
Stevo Pendarovski, le président social-démocrate candidat à sa réélection, qui était à la traîne dans les derniers sondages avec 16 % des intentions de vote, veut immédiatement réviser la Constitution pour faire avancer les négociations avec l'UE en vue de son intégration, à laquelle la Macédoine du Nord est candidate depuis 2005.
"Au cours de mon premier mandat, nous avons réglé une question capitale, celle de l'adhésion à l'Otan", a déclaré ce professeur d'université de 61 ans pendant la campagne. "Je crois qu'au cours de mon prochain mandat, nous réussirons à clore tous les chapitres avec l'UE."
En tête dans les sondages avec 26 % des intentions de vote, Gordana Siljanovska-Davkova, sa principale concurrente, soutenue par le principal parti de droite, VRMO-DPMNE, veut attendre que son pays devienne membre de l'UE avant de modifier la Loi fondamentale.
"S'il suffisait de réviser la Constitution pour entrer dans l'Union européenne, nous y serions déjà", a balayé d'un revers de la main cette femme de 71 ans pendant la campagne électorale, promettant de "ne pas oublier les intérêts nationaux".
"Unissons la nation", a-t-elle lancé lors de son dernier meeting de campagne. "Ce n’est qu’ensemble que nous pouvons nous rendre fiers. Et surtout, faire de ce petit État un État européen respecté."
Un discours qui a séduit Zlatko Petrusev, 59 ans, rencontré dans un bureau de vote de Skopje : "J'espère un président qui va respecter la Constitution, parce que jusqu'à présent, tout a été fait contre la Constitution… et j'espère une présidente, dans ce cas précis."
Législatives à suivre le 8 mai
Au-delà d'un référendum sur la posture à adopter face à l'UE, le premier tour sera surtout une occasion de déterminer le rapport de forces entre les différents partis avant le 8 mai, la date à la fois du second tour et des législatives.
"Vu le calendrier, le premier tour de l'élection présidentielle sera surtout une répétition générale pour les élections législatives du 8 mai et permettra d'évaluer le poids des principaux partis politiques", explique à l'AFP Ana Petruseva, éditorialiste et directrice de l'ONG Birn.
À côté des deux principaux candidats, on trouve cinq autres prétendants, dont Bujar Osmani, le ministre des Affaires étrangères, candidat du parti albanais DUI, et Arben Taravari, soutenu par une coalition de trois partis baptisée "Vlen" ("Ça vaut la peine"). Leur appui ou non au second tour sera crucial, "en particulier le soutien des partis albanais", souligne Ana Petruseva.
Pour la majorité des citoyens, il faut surtout que le pays cesse de voir partir sa jeunesse. "La situation est de plus en plus intenable, les jeunes partent et nous nous demandons qui va rester ici", résume Sanja Jovanovic-Damjanovska, une employée de l'administration publique. "J'espère que celui qui gagnera travaillera à améliorer notre niveau de vie."
"Je veux que la Macédoine intègre l'Europe, pour qu'on ait du travail", confie Faik Kurtis, un charpentier. "Que les jeunes ne partent plus à l'étranger, qu'ils restent ici, dans leur propre pays."
Avec AFP