Début d'un débat très attendu en Pologne. Les parlementaires ont commencé jeudi 11 avril à discuter de la libéralisation des lois sévères sur l'avortement dans ce pays en majorité catholique. Un sujet qui suscite des divisions même au sein de la coalition proeuropéenne au pouvoir dirigée par Donald Tusk.
La Pologne a connu un profond recul des droits des femmes pendant les huit années d'exercice du pouvoir nationaliste conservateur, qui a conduit à l'interdiction quasi totale de l'avortement, suscitant des rassemblements massifs de protestation.
À l'issue des législatives d'octobre, l'alliance pro-UE est arrivée au pouvoir notamment grâce aux promesses de rétablir les droits reproductifs, dont l'accès à l'avortement, qui n'est actuellement légal que si la grossesse résulte d'un viol ou d'un inceste, ou si elle menace directement la vie ou la santé de la mère.
L'aide à l'avortement étant interdite en Pologne, les activistes et les médecins proposant leur aide risquent la prison.
Colère et frustration face à l'immobilisme
En dépit de ces promesses électorales, les projets de textes visant à libéraliser ces lois sont restés bloqués au Parlement, provoquant la colère et la frustration de nombreuses femmes et de groupes de défense des droits.
Un premier débat parlementaire de six heures a commencé jeudi après-midi.
"Ce sont des politiciens qui nous ont retiré nos droits reproductifs, il est donc temps qu'ils nous les rendent", a déclaré à l'AFP Krystyna Kacpura, directrice de l'ONG Fédération pour les femmes et le planning familial.
La Coalition civique (centre) du Premier ministre Donald Tusk a présenté son projet de loi visant à légaliser l'avortement jusqu'à la douzième semaine de grossesse, et trois autres propositions semblables émanant de ses partenaires de coalition attendent aussi d'être débattues.
Incertitude sur les résultats des votes
Une incertitude règne, cependant, quant au dénouement de ce premier débat, notamment quant au soutien – suffisant ou non – que les quatre projets peuvent obtenir pour espérer passer le premier vote prévu vendredi.
"Des projets de loi au contenu similaire avaient été discutés au Parlement à de nombreuses reprises au cours des trente dernières années (...), aucun d'entre eux n'a jamais réussi à passer en commission", a rappelé Krystyna Kacpura. Un feu vert vendredi serait "un changement positif et peut-être une mini-révolution".
Le chef du gouvernement, Donald Tusk, ancien chef du Conseil européen et ennemi juré de ses prédécesseurs du parti Droit et Justice (PiS), a exprimé "l'espoir" que les députés de sa coalition permettront aux nouveaux textes de franchir le premier obstacle.
Le résultat du vote est cependant loin d'être prévisible.
Les députés du parti paysan conservateur PSL, membre de la coalition, ont exprimé des doutes au sujet de l'assouplissement prévu, certains d'entre eux ayant annoncé qu'ils ne soutiendraient pas les projets débattus.
"Je voterai contre", a déclaré Marek Sawicki, du PSL, à la radio locale Tok FM, sans préciser combien de ses collègues suivraient son exemple. S'ils sont nombreux à dire "non", les textes risquent d'être rejetés par la Chambre basse.
Contourner le veto du président Andrzej Duda
Quelque 35 % des Polonais soutiennent l'idée du droit à l'avortement légal jusqu'à la douzième semaine de grossesse, selon un sondage de l'institut Ipsos publié jeudi par la radio Tok FM et le service OKO.press.
Un simple rétablissement du droit à l'avortement dans le cas d'une malformation du fœtus, abolie il y a quatre ans par le pouvoir nationaliste, est souhaité par 21 %, alors que pour 14 % des Polonais, l'état légal actuel est satisfaisant. Et 23 % des Polonais voudraient un référendum national sur la question.
Des groupes antiavortement ont appelé leurs partisans à une marche, précédée d'une messe, à Varsovie, jeudi dans l'après-midi, pendant le débat parlementaire. Dans un communiqué, les organisateurs ont appelé les évêques polonais à "excommunier les députés qui auront soutenu tout projet proavortement".
Si le Parlement vote les réformes, il faudra encore qu'elles soient promulguées par le président polonais Andrzej Duda, allié du PiS et fervent catholique.
Le mois dernier, Andrzej Duda a mis son veto à la législation sur la contraception d'urgence, jusqu'à présent accessible uniquement sous ordonnance, pour les filles et les femmes à compter de l'âge de 15 ans, invoquant sa volonté de "respecter les droits constitutionnels et les normes de protection de la santé des enfants".
Le gouvernement a depuis annoncé qu'il contournerait ce veto en autorisant les pharmaciens à prescrire eux-mêmes la pilule du lendemain.
Avec AFP