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Portrait plein de fantaisie sur Giulio Andreotti, figure controversée de la politique italienne, "Il Divo" du jeune réalisateur Paolo Sorrentino (photo) sort bientôt dans les salles. Le film a été récompensé lors du 61e Festival de Cannes.

AFP - Il Divo", un féroce portrait de l'homme de pouvoir controversé Giulio Andreotti, réalisé avec brio et fantaisie par Paolo Sorrentino sort mercredi dans les salles, après avoir raflé le prix du jury au 61e Festival de Cannes."

Le "renard", "l'inoxydable", "le Moloch", "l'homme des ténèbres", "la salamandre", le "bossu", le "Pape noir", "Belzébuth"... les sobriquets ne manquent pas à Andreotti, figure centrale de la Démocratie chrétienne depuis un demi-siècle, ancien chef du gouvernement italien et sénateur à vie.

"A l'exclusion des guerres puniques, j'ai été accusé de tout en Italie!", lance le héros aux allures de caïman impassible, incarné par l'acteur italien Toni Servillo, métamorphosé par plusieurs prothèses faciales.

Drôle, incisif, "Il Divo" dépeint Andreotti aujourd'hui âgé de 89 ans en Machiavel moderne, impénétrable et cynique, entouré d'une clique composée de politiciens retors, d'affairistes et d'hommes d'Eglise.

Suggérant des liens occultes entre le pouvoir, les loges maçonniques, le Vatican et la mafia, il évoque en une étourdissante farce macabre scandales, morts suspectes et assassinats qui ont émaillé l'histoire récente de l'Italie.

Parmi d'autres, la mort du banquier Michele Sindona en 1986 et l'assassinat en 1992 du juge Falcone, dont la voiture défoncée par une bombe s'écrase sur le sol dans une impressionnante séquence au ralenti.

Souvent mis en cause, Andreotti a notamment été blanchi par la Cour de cassation italienne - après de longues années de procédure et une condamnation à 24 ans de prison - de l'accusation d'avoir commandité le meurtre d'un journaliste trop curieux, Mino Pecorelli, en 1979.

Ses liens supposés avec le parrain mafieux Toto Riina n'ont pas davantage été établis. "C'est soit le plus grand criminel, soit le plus grand persécuté de l'histoire de l'Italie!", affirme une journaliste, résumant l'argument polémique d'"Il Divo", quatrième film de Sorrentino.

"Il est nécessaire de faire du mal pour réaliser le bien", se défend le "héros" de cette satire enlevée qui dépeint la politique italienne comme une farce, un théâtre de marionnettes tantôt drôle, tantôt sinistre.

Peu avant la présentation d'"Il Divo" à Cannes où il a beaucoup séduit, le vrai Giulio Andreotti était ressorti furieux d'une projection privée, à Rome.

"C'est très méchant, une vacherie. On peut dire que c'est réussi d'un point de vue esthétique mais moi, l'esthétique, je m'en fous!", avait-il dit.

Sur la Croisette, Paolo Sorrentino, 37 ans, avait souhaité que son film permette aux Italiens de "se pencher sur une période historique trop vite mise de côté" alors qu'elle "ne fait pas encore partie du passé".

"Il Divo" n'a pas été facile à financer dans la péninsule où aucune chaîne de télévision n'a acquis les droits de diffusion d'un film dont le thème a "fait fuir" nombre d'investisseurs, ont rapporté ses producteurs.