Donald Trump, candidat à la présidentielle américaine de novembre, a clarifié lundi 8 avril sa posture sur le sujet épineux de l'avortement, semblant écarter la possibilité d'une interdiction de l'IVG à l'échelle nationale et renvoyant cette responsabilité aux États. Mais en temporisant et en faisant primer la stratégie politique sur les positions défendues par les opposants à l'avortement, Donald Trump a suscité la colère d'une partie des conservateurs américains, sans avoir pour autant la garantie que son calcul électoral sera payant.
Depuis l'annulation en 2022 de la garantie fédérale du droit à avorter par la Cour suprême américaine, dont Donald Trump fut l'architecte, chaque État américain a retrouvé la liberté de légiférer sur le sujet.
Une vingtaine d'États ont ainsi interdit ou sévèrement restreint l'accès à l'IVG. Une victoire pour les conservateurs, qui espèrent toutefois aller plus loin et obtenir restriction ou interdiction à l'échelle fédérale.
En saluant l'action des juges de la Cour suprême tout en n'évoquant pas de mesure nationale, Donald Trump a créé lundi l'incompréhension et la colère chez plusieurs figures et organisations conservatrices, la puissante association antiavortement Susan B. Anthony se disant "profondément déçue".
Une "gifle" pour certains partisans
Ce "recul" constitue une "gifle" pour les millions d'opposants à l'avortement qui ont voté pour lui en 2016 et en 2020, a fustigé son ancien vice-président Mike Pence, un fervent chrétien qui lui avait permis d'obtenir les faveurs de la droite religieuse lors de sa première campagne présidentielle.
L'influent sénateur républicain Lindsey Graham s'est, lui, dit "en désaccord" avec l'ancien président, dont il est pourtant proche.
Donald Trump a enfoncé le clou mercredi en critiquant la décision de la Cour suprême de l'Arizona jugeant applicable une loi de 1864 interdisant la quasi-totalité des avortements dans cet État-clé, remporté de peu par Joe Biden en 2020.
Interrogé pour savoir si cette mesure allait "trop loin", Donald Trump a répondu par l'affirmative, poursuivant : "Je pense que la gouverneure et tous les autres vont revenir à quelque chose de raisonnable."
L'ancien président, qui n'a cessé au cours de sa carrière politique de changer de position sur le sujet, avait indiqué en mars qu'il pourrait se prononcer pour une interdiction nationale au-delà de 15 ou 16 semaines.
En revenant sur ces propos, Donald Trump espère notamment ménager l'électorat féminin modéré ou indépendant, qui s'est montré préoccupé par les conséquences de telles interdictions.
La décision de la Cour suprême sur le sujet a coûté cher au camp républicain : en plus de résultats décevants aux élections de mi-mandat fin 2022, les conservateurs ont perdu chaque référendum ou scrutin abordant la question de l'avortement.
Donald Trump a ainsi appelé ses alliés mécontents à s'atteler "à aider les républicains à gagner des élections, plutôt que leur rendre la tâche impossible" en s'entêtant à défendre une interdiction nationale de l'IVG après un certain nombre de semaines.
En revoyant sa ligne, l'ancien président prend le risque de se mettre à dos une partie de son électorat très attachée à cette question.
"Il reste clairement dans le camp des antiavortement"
Si ces électeurs ne vont en aucun cas voter pour le président sortant Joe Biden, ce revirement pourrait toutefois "jouer sur leur mobilisation" et nuire au républicain, note Heather Ondercin, professeure de sciences politiques à l'université Appalachian, auprès de l'AFP. "Il estime qu'il les a suffisamment satisfaits en nommant (des juges conservateurs) à la Cour suprême", explique-t-elle, notant que Donald Trump ne manque pas de se dire "fier" du rôle qu'il a joué dans ce revirement.
Et malgré ses récents propos, "il reste clairement dans le camp des antiavortement", dit-elle.
Donald Trump espère surtout écarter le sujet du droit à l'IVG des enjeux principaux de la présidentielle afin de se focaliser sur ses thèmes de prédilection : immigration, criminalité.
Mais la tâche sera ardue, le sujet faisant les gros titres des journaux en raison notamment des États, comme l'Arizona, qui continuent de légiférer à ce propos. Et les démocrates, qui ont capitalisé sur leur défense du droit à l'avortement, comptent bien continuer d'en faire un argument majeur pour faire réélire Joe Biden.
Avec AFP