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Le nouveau projet de taxe carbone ne règle pas l’épineux problème des industries "sensibles"

La nouvelle version de la taxe carbone, présentée mercredi en Conseil des ministres, suscite des réserves de tout bord. Face à l'épineuse question de la taxation des industries les plus polluantes, le gouvernement semble être dans l'impasse.

La nouvelle mouture de la taxe carbone, présentée mercredi en Conseil des ministres après le rejet du texte initial par le Conseil constitutionnel, ne rencontre pas l’adhésion des écologistes.

Si le dispositif reste inchangé pour les particuliers, il en va autrement pour les entreprises, qui dans la version initiale étaient exonérées de contribution climat-énergie. Des exceptions sont maintenues pour les secteurs jugés "sensibles" par le gouvernement : agriculture, pêche, transport routier, maritime et fluvial des marchandises. Le nouveau texte prévoit en revanche d’appliquer la taxe carbone aux entreprises des secteurs soumis au système européen des quotas d’émission de CO2 (ETS), "jusqu'au 1er janvier 2013" - date à laquelle les quotas européens deviendront partiellement payants. Quelque 1 018 sites industriels français sont concernés dans des secteurs particulièrement énergivores : sidérurgie, cimenterie, raffinerie.

D’autres exceptions pourraient toutefois être formulées, à la suite d’une nouvelle période de concertation qui sera engagée en février avec les branches professionnelles de "certains secteurs sensibles" - le communiqué de presse du Conseil des ministres ne fournit pas davantage de précisions.

Car la question épineuse qui se pose au gouvernement est la suivante : comment intégrer les industries les plus polluantes dans le dispositif de la taxe carbone, sans nuire à leur compétitivité ?

Matignon ne semble pas avoir trouvé la solution. "Une taxe carbone doit s’appliquer à tout ce qui émet des gaz à effet de serre, sinon elle ne rime à rien", averti la porte-parole des Verts, Djamila Sonzogni, interrogée par France 24.com.

Un "bonus-malus" pour les industries polluantes ?

Jean-Louis Borloo a évoqué deux pistes de réflexion : celle du bonus-malus, permettant de récompenser les entreprises aux pratiques vertueuses et de sanctionner les plus laxistes, et celle d’un crédit d’impôt conditionné aux investissements réalisés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

"Ces propositions n’arrangent rien. Elles ajoutent de la complexité à la complexité", estime Djamila Sonzogni. "Sarkozy est dans une démarche électoraliste. Il rafistole son texte pour le faire passer au Conseil constitutionnel, mais la nouvelle version est à peine 'moins pire' que la précédente", ajoute-elle, précisant que les Verts souhaitent "une remise à plat complète du projet."

Les propositions gouvernementales suscitent également des réserves chez les experts environnementaux. "Le projet de taxe carbone, tel qu’il est sur la table aujourd’hui, est beaucoup trop faible pour avoir un réel effet bénéfique sur l’environnement", affirme sur FRANCE 24 Camille Thubin, chercheur au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (CIRED). Le taux de taxation de 17 euros par tonne de CO2 proposé par le gouvernement est, selon lui, "très bas", citant l’exemple de la Suède, dont la taxe carbone, mise en place depuis plusieurs années, est de 100 euros par tonne de CO2 émis, tous secteurs confondus.

"La 'taxe Sarkozy carbone' est ridiculement basse, elle n’aurait aucun effet", renchérit Djamila Sonzogni, d'autant que les agriculteurs et les pêcheurs ne seraient taxés qu’à 25 % du tarif de base, et le secteur de transports de marchandises à 65 %, selon le communiqué publié à l’issu du conseil des ministres, jeudi.

Un projet insuffisant ?

Au final, le projet risquerait de ne pas en faire assez pour inciter les entreprises polluantes à changer de mode de production, tout en pénalisant des sociétés moins polluantes. "Par exemple, l’industrie du bois serait taxée de plein fouet, alors que l’industrie de l’acier, beaucoup plus polluante, bénéficie de largesses. Ce n’est pas ce qui va permettre aux filières dites ‘vertes’ de se développer, ou ce qui va forcer les filières polluantes à réduire leurs émissions", explique Camille Thubin.

Le directeur du Copenhagen consensus center, Bjorn Lomborg, est également très critique à l'égard de la taxe carbone à la française, mais pour des raisons tout autres. "L'idée de taxer lourdement les émissions de carbone est inefficace pour arrêter le réchauffement climatique. Ce dont la France – et le monde – a besoin, ce sont des énergies vertes plus pratiques et à des prix abordables, et non pas du fioul hors de prix. Il n'y a qu'une seule manière d'obtenir cela : nous devons augmenter de façon radicale le montant dépensé pour la recherche et le développement d'énergies propres", écrit dans une tribune du journal "Le Monde" celui qui se définit comme un  "environnementaliste sceptique".

De son côté, le Medef, qui a demandé le renvoi de la mise en œuvre à 2011, s'est prononcé en faveur d'une taxe carbone européenne plutôt que nationale, afin d'éviter les risques de distorsion de concurrence. De fait, la Commission européenne a indiqué qu’elle ferait des propositions dans ce sens au cours des prochains mois.