De retour des États-Unis où il a rencontré samedi l'ancien président Donald Trump, le président argentin Javier Milei doit gérer des tensions avec les gouverneurs des provinces argentines et des grèves massives.
Après avoir récolté les louanges américaines, Javier Milei a retrouvé les tensions auxquelles il doit faire face en Argentine, dans un climat politique de plus en plus tendu. Parmi les raisons de la crise, des désaccords profonds entre le gouvernement national et les provinces, et la colère des syndicats qui réclament des augmentations de salaire.
Lors de la Conservative Political Action Conference (CPAC), conférence annuelle organisée samedi 24 février par les conservateurs américains, le président argentin a rencontré un Donald Trump qui n'a pas tari d'éloges à son sujet.
Détournant son traditionnel slogan "Make America Great Again", en "Make Argentina Great Again", il a notamment salué le travail de Javier Milei pour stabiliser l'économie argentine.
Cette vision est logiquement partagée par le porte-parole de la présidence argentine, Manuel Adorni, qui a nié, lors d'un point presse le 26 février, l'existence de "problème de gouvernabilité" en Argentine. Un pays qui, selon lui, "se trouve dans un processus de plus grande maturité qu'à d'autres époques".
Pourtant, le torchon continue de brûler entre Javier Milei et certains gouverneurs de provinces qui, alertés par la suspension des fonds de l'État fédéral à leur région, ont mis en garde contre des actions qui pourraient, à terme, nuire à l'exécutif national.
Que demandent les gouverneurs ?
Le plan "de choc" promu par le gouvernement argentin a fini par déclencher une vive polémique avec les gouverneurs, affectés par la réduction des fonds alloués aux provinces, qu'ils considèrent comme une punition après l'échec de la "loi omnibus" à la Chambre des députés.
Sur l'ensemble des 23 provinces argentines (auxquelles s'ajoute la ville autonome de Buenos Aires), aucune n'est gouvernée par La Libertad Avanza, le parti d'extrême droite dirigé par Javier Milei. Le gouvernement national ne bénéficie donc d'aucun soutien direct de la part des dirigeants régionaux.
Bien que les provinces reçoivent des fonds de coparticipation, qui sont prélevés sur les impôts et envoyés automatiquement, les gouverneurs protestent contre la réduction des transferts discrétionnaires et l'élimination des fonds fiduciaires qui étaient notamment utilisés pour les travaux, le paiement des salaires ou encore les pensions.
Face à cette vive opposition à l'exécutif argentin, le président a qualifié dans un post publié sur X (ex-Twitter) les gouverneurs provinciaux de "dégénérés fiscaux".
DESENMASCARANDO LA MENTIRA DE LOS DEGENERADOS FISCALES https://t.co/BBJslVGdvs
— Javier Milei (@JMilei) February 24, 2024Le 21 février, la province de La Rioja (nord-ouest) a saisi la Cour suprême de justice pour demander la suspension de l'application du décret de Javier Milei, et a commencé à émettre une "quasi-monnaie" (monnaie de substitution au peso) pour faire face à ses dépenses.
La province de La Pampa (centre) s'est, quant à elle tournée vers la Cour pour se plaindre de la suppression des subventions allouées aux transports. De leur côté, les provinces de Río Negro (sud) et Misiones (nord-est) poursuivent le gouvernement national pour n'avoir pas envoyé aux provinces les fonds d'aide pour les enseignants, qui servent à payer environ 15 % de leurs salaires.
Enfin, la province patagonienne de Chubut a, elle, déjà obtenu une décision favorable d'un tribunal de première instance concernant la suspension des fonds destinés aux transports publics.
Le gouverneur de cette province du sud, Ignacio Torres, s'est écharpé avec Javier Milei après l'avoir menacé de couper les approvisionnements en gaz et en pétrole s'il ne recevait pas les fonds qu'il réclame. Une menace soutenue par la majorité des provinces du pays.
Le chantage de la province de Chubut
La polémique a commencé à la fin de la semaine dernière, après que le gouvernement argentin a retenu quelque 13,5 milliards de pesos (15,7 millions de dollars) de recettes fiscales fédérales qu'il était censé verser à la province de Chubut.
L'exécutif s'est justifié en assurant que cette retenue était légale, mais le gouvernement provincial dirigé par Ignacio Torres - membre du principal bloc conservateur argentin qui a soutenu Javier Milei - ne l'entend pas de cette oreille. Dénonçant une mesure "arbitraire", il affirme avoir tenté de négocier avec la nouvelle administration argentine une restructuration de la dette, puis son annulation, mais n'avoir obtenu aucune réponse.
Au pied du mur, Ignacio Torres a alors posé un ultimatum au gouvernement national : si les fonds ne sont pas versés, la province de Chubut, deuxième producteur de pétrole en Argentine (21 % du total du pays) et troisième producteur de gaz (6 %) suspendra l'envoi d'hydrocarbures.
Une menace dénoncée lundi par Manuel Adorni qui a déclaré qu'elle n'était "pas une attaque contre le gouvernement fédéral, mais contre tous les Argentins".
Si Javier Milei a affirmé qu'une suspension de la livraison de pétrole ou de gaz impliquerait de "violer un droit de propriété", ce qu'il a qualifié de "délit", la Constitution argentine, elle, indique que les ressources naturelles demeurent la propriété des provinces qui peuvent accorder des concessions aux entreprises pour leur exploitation, comme c'est le cas pour les hydrocarbures.
Devant les caméras de la chaîne d'information "La Nación +", le président argentin a violemment taclé Ignacio Torres, le désignant comme "un pauvre type qui ne sait même pas lire un contrat" et faisant preuve d'une "très grande précarité intellectuelle".
Sur X, Ignacio Torres lui a répondu, affirmant ne "pas avoir peur de [lui]".
"Je ne crois pas à la violence et je vais défendre le peuple de Chubut jusqu'aux dernières conséquences", écrit-il, condamnant les insultes et menaces proférées par le président argentin. "Vous devez gouverner pour tous les Argentins, c'est pour cela qu'ils ont voté pour vous. Ils m'ont élu pour défendre les intérêts de ma province, et c'est ce que je vais faire."
Des manifestations avant un discours attendu au Congrès
Comme si ce n'était pas assez pour Javier Milei, la semaine a commencé par de nouvelles manifestations contre son administration. Des protestations menées notamment par l'Association des travailleurs de l'État (ATE), qui réclame une revalorisation salariale.
Le syndicat a rappelé que lors de la dernière réunion paritaire, le 19 février, le gouvernement avait proposé une augmentation de 12 % alors que l'inflation de 20,6 % en janvier avait déjà été annoncée, selon les informations publiées par l'agence de presse Télam.
Une grève a également été organisée lundi, jour de rentrée des classes, par la Confédération des travailleurs de l'éducation de la République argentine (CTERA), à la veille d'une rencontre avec les autorités nationales pour "exiger" le transfert de fonds à des fins éducatives à toutes les province, ainsi que l'ouverture de négociations salariales à l'échelle du pays.
La CTERA compte parmi de nombreux syndicats d'enseignants, mais est l'un des plus offensifs, perturbant la rentrée dans la ville de Buenos Aires et dans les provinces de Corrientes, San Luis, Santa Fe, Córdoba, Entre Ríos, Formosa et Mendoza.
Javier Milei prononcera le 1er mars un discours très attendu devant l'Assemblée législative à l'occasion de l'ouverture des sessions ordinaires du Congrès. Il s'agit de sa deuxième intervention devant le pouvoir législatif (la première avait eu lieu après son investiture, le 10 décembre dernier), et sa première depuis l'échec de la loi "omnibus".
Avec EFE, Reuters et les médias locaux
Cet article a été adapté de l'espagnol. Retrouvez ici la version originale.