Victime de la crise de la presse, le collectif de photojournalistes l'Oeil public annonce son dépôt de bilan. En 15 ans, il avait renouvelé le genre, se spécialisant notamment dans les reportages à vocation sociale et anthropologique.
L’année 2009 aura été fatale à l’Oeil public, l’un des plus importants collectifs de photojournalistes ayant vu le jour en France ces quinze dernières années. L'organisation devrait déposer le bilan dans les jours qui viennent, à en croire un communiqué diffusé ce mardi.
Fondé en 1995 par quatre jeunes photographes, l’Oeil public était, au départ, une association spécialisée dans l'organisation d'expositions. Mais très vite, elle s'est transformée en un collectif de photographes revendiquant leur indépendance et leur engagement. Elle a, par ailleurs, renouvelé le genre du photojournalisme, en multipliant les reportages à vocation sociale ou anthropologique, comme le montre le travail de Samuel Bollendorff, membre du collectif depuis 1999, qui privilégie les univers fermés (hôpital, police, prison) ou celui de Guillaume Herbaut, amateur des sujets concernant l'Europe de l’Est (Cosaques d’Ukraine, Vendetta en Albanie), qui a également signé, récemment, un reportage sur la ville mexicaine de Ciudad Juarez, réputée être la plus dangereuse du monde.
En 2001, l’Oeil public devient une SARL à présidence tournante, possédée par ses membres. Un modèle qui la différencie des grandes agences photographiques d’après-guerre (Magnum) et des années 1970 (Gamma, Sipa, Sygma).
"L'Oeil Public n'est plus adapté"
Malheureusement, la situation économique difficile dans laquelle se trouve le photojournalisme n’a pas permis au collectif de garder la tête hors de l’eau. L'Oeil Public a connu une année 2009 particulièrement délicate, avec une chute de son chiffre d’affaires de 50 %. La faute à la presse papier, qui achète moins de photoreportages, et à leur diffusion sur Internet, qui ne permet pas de faire les mêmes bénéfices... "La crise mondiale de la presse ne permet plus aux photographes de continuer à produire des histoires", conclut le communiqué du collectif, victime des mêmes difficultés financières que d'autres prestigieuses agences ces dernières années (Corbis, qui a racheté Sygma, vient par exemple d’annoncer un plan social de grande ampleur en Europe).
"Les pratiques du photojournalisme sont à repenser. Aujourd’hui, l’Oeil public n'est plus adapté" à l'économie de la presse, ajoute le communiqué, laissant penser que l’avenir du photojournalisme se situe ailleurs. Certains photographes de l’agence ont d’ailleurs commencé à explorer les horizons ouverts par l'avènement du webdocumentaire, tel Samuel Bollendorf qui a réalisé, en 2007 et 2008, "Voyage au bout du charbon", un webdocumentaire sur les mines de charbon chinoises, puis, plus récemment, "The Big Issue", qui traitait cette fois de la question de l’obésité.
Pour avoir un aperçu du travail des photographes de l'Oeil public, regardez ici un diaporama créé pour illustrer les actions d'Amnesty International. Là, un autre retrace l'histoire du collectif.