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Mort d’Alexeï Navalny : qui sont les autres opposants à Poutine disparus prématurément ?
L'opposant russe Alexeï Navalny est décédé vendredi, selon les autorités, après un malaise dans la colonie pénitentiaire où il était détenu. Depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, la liste des personnalités opposées au régime assassinées ou mortes dans des conditions suspectes ne cesse de s'allonger.

Les raisons de la mort de l'opposant Alexeï Navalny n'ont pas encore été déterminées, mais les proches de l'opposant politique mettent dors et déjà en cause le régime russe. Depuis l'accession au pouvoir de Vladimir Poutine, de nombreux opposants ont été emprisonnés ou poussés à l'exil, et la répression s'est encore accrue depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, déclenché le 24 février 2022.

Empoissonnés, assassinés ou tombés malades subitement, les disparitions suspectes se sont aussi multipliées sans que les commanditaires ne soient toujours clairement identifiés. France 24 vous propose de revenir sur la mort des opposants les plus emblématiques de ces dernières années.

Mort d’Alexeï Navalny : qui sont les autres opposants à Poutine disparus prématurément ?

Journaliste d'investigation mondialement reconnue, elle travaillait pour le journal indépendant Novaïa Gazeta. Reconnue comme spécialiste des crimes commis par les autorités en Tchétchénie et ardente critique de Vladimir Poutine, Anna Politkovskaïa a été abattue dans le hall de son immeuble, à Moscou, le 7 octobre 2006, soit le jour de l'anniversaire du président russe.

Les commanditaires du crime n'ont jamais été identifiés, même si nombre d'opposants au Kremlin et au régime en Tchétchénie considèrent que Ramzan Kadyrov, l'autoritaire dirigeant de cette région du Caucase, est le principal suspect. L'intéressé a toujours démenti.

Il aura fallu un long processus judiciaire pour que les auteurs du crime soient reconnus coupable. Condamné à vingt ans de prison pour son rôle dans l'assassinat de la journaliste, Sergueï Khadjikourbanov, un ancien policier, a finalement bénéficié en 2023 d'une grâce présidentielle pour avoir rejoint les forces russes en Ukraine.

Mort d’Alexeï Navalny : qui sont les autres opposants à Poutine disparus prématurément ?

Ancien agent du KGB puis du FSB, Alexandre Litvinenko avait été renvoyé des services de sécurité russes, puis avait obtenu l'asile au Royaume-Uni en 2001, dénonçant dès lors la corruption et les liens présumés des services russes avec le crime organisé. Il est mort le 23 novembre 2006 suite à un empoisonnement au polonium-210, une substance radioactive extrêmement toxique.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait jugé en 2021 la Russie "responsable" de l'assassinat de l'ex-espion, s'attirant les critiques de Moscou, qui a rejeté un jugement "infondé". Saisie par la veuve de l'ancien espion, la CEDH s'était appuyée notamment sur le contenu de l'enquête publique britannique. Celle-ci avait conclu en 2016 que le président russe Vladimir Poutine avait "probablement approuvé" le meurtre.

Mort d’Alexeï Navalny : qui sont les autres opposants à Poutine disparus prématurément ?

L'avocat russe Stanislav Markelov a été tué le 19 janvier 2009 en plein cœur de Moscou, alors qu'il venait de dénoncer au cours d'une conférence de presse la libération anticipée de l'ex-colonel russe Iouri Boudanov, condamné à dix ans de prison en 2003 pour avoir étranglé trois ans plus tôt Elza Koungaïeva, une Tchétchène de 18 ans.

Lorsqu'il a été tué, Stanislav Markelov était accompagné d'Anastasia Babourova, une stagiaire de Novaïa Gazeta, un journal qui dénonçait aussi les exactions commises pendant les deux guerres de Tchétchénie et pour lequel avait travaillé Anna Politkovskaïa. Grièvement blessée au cours de l'attaque, elle a également succombé à ses blessures. 

Un jeune ultranationaliste russe a été condamné en 2011 à la réclusion criminelle à perpétuité pour ce double meurtre par un tribunal de Moscou. Sa compagne, qui était aussi jugée dans cette même affaire, a été condamnée à 18 ans de prison pour complicité. 

Mort d’Alexeï Navalny : qui sont les autres opposants à Poutine disparus prématurément ?

Une équipe de France 24 devait interviewer Natalia Estemirova le 15 juillet 2009 au siège de Memorial, l'ONG russe où elle travaillait, à Grozny. Ne la voyant pas arriver, nos journalistes ont alerté des membres de son organisation qui se sont alors lancés à sa recherche dans les rues de la capitale tchétchène. Elle a été retrouvée morte quelques heures plus tard de deux balles dans la tête et la poitrine, dans la république voisine d'Ingouchie, dans le Caucase russe. 

Natalia Estemirova enquêtait sur les enlèvements et les exécutions sommaires dont ont été victimes les proches des séparatistes tchétchènes. L'ONG Memorial a directement mis en cause le président tchétchène Ramzan Kadyrov. Ce dernier avait ouvertement menacé la journaliste. Dans un arrêt publié en 2021, la CEDH a jugé que les autorités russes n’ont pas mené d’enquête appropriée sur l’assassinat de Natalia Estemirova. Aucun commanditaire, organisateur ou exécutant de cet assassinat n’a été retrouvé.

Mort d’Alexeï Navalny : qui sont les autres opposants à Poutine disparus prématurément ?

Sergueï Magnitski, 37 ans, conseillait le fonds d'investissement occidental Hermitage Capital. Il est mort le 16 novembre 2009 dans une prison de Moscou, après onze mois de détention provisoire. Il avait été arrêté en 2008 pour fraude fiscale après avoir dénoncé une vaste machination financière de 5,4 milliards de roubles (130 millions d'euros) ourdie, selon lui, par des responsables de la police et du fisc au détriment de son employeur ainsi que de l'État russe.

La CEDH a souligné en 2019 les mauvais traitements que lui avaient infligés ses gardiens peu avant son décès, le fait que l'enquête sur les circonstances de sa mort n'a été "ni complète ni effective", les "carences dans les soins médicaux" qui lui ont été prodigués et le fait que son procès et sa condamnation à titre posthume – qualifiés d'"intrinsèquement inadéquate" – n'avaient pas respecté son droit à un procès équitable. Elle a également estimé que la décision prise en mars 2013 par les autorités russes de classer l'affaire sans suite était "superficielle".

Mort d’Alexeï Navalny : qui sont les autres opposants à Poutine disparus prématurément ?

Rédacteur en chef d'un journal local et militant écologiste, Mikhaïl Beketov était une figure de proue du mouvement de protection de la forêt de Khimki, en banlieue de Moscou, menacée par la construction d’une autoroute. Violemment agressé le 13 novembre 2008, il avait été laissé pour mort et avait passé plusieurs mois dans le coma après avoir été amputé d'une jambe et de plusieurs doigts. Il avait également perdu l'usage de la parole.

Jamais remis de son agression, il est finalement décédé dans un hôpital le 8 avril 2013. À l'annonce de son décès, la Directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova avait appelé les autorités à poursuivre leurs recherches afin de trouver les auteurs de ce crime. Ces derniers n'ont jamais été retrouvés.

Mort d’Alexeï Navalny : qui sont les autres opposants à Poutine disparus prématurément ?

Moins de trois heures avant sa mort, Boris Nemtsov, l'ancien vice-Premier ministre russe sous Boris Eltsine, appelait à manifester contre Vladimir Poutine. Celui qui incarnait la génération des jeunes réformateurs des années 1990, a été abattus par balles, juste à côté du Kremlin, dans la nuit du vendredi 27 au samedi 28 février 2015.

Il avait notamment été l'un des chefs de file de la vague de contestation sans précédent qui avait marqué en 2011-2012 la campagne électorale de Vladimir Poutine, alors candidat à un troisième mandat présidentiel. Plusieurs fois interpellé par les forces de l'ordre lors de manifestations, il avait aussi subi des perquisitions et des mises sur écoute, sans jamais cesser de dénoncer la corruption de ce qu'il appelait le "système oligarchique" du Kremlin.

En juillet 2017, cinq Tchétchènes ont été reconnus coupables de son meurtre. Ils ont été condamnés à des peines allant de onze à vingt ans de prison après un procès qui n'a cependant pas permis de déterminer l'identité de leur commanditaire.

Mort d’Alexeï Navalny : qui sont les autres opposants à Poutine disparus prématurément ?

Ravil Maganov était l'un des dirigeants historiques du groupe pétrolier privé russe Lukoil. Les causes de son décès, survenu le 1er septembre 2022, sont énigmatiques. Officiellement, on le dit mort d’une "grave maladie", mais les agences de presse russes Tass et Interax ont aussi affirmé qu'il se serait suicidé en se défenestrant du sixième étage de l'hôpital où il était soigné.

En mars 2022, Lukoil avait été l'une des très rares entreprises russes à appeler à arrêter l'offensive russe en Ukraine, qui a été suivie d'une avalanche de sanctions occidentales contre les grands groupes et hauts responsables russes. Le milliardaire Vaguit Alekperov, alors président du groupe, avait démissionné après avoir été placé sur la liste des personnalités russes sanctionnées par le Royaume-Uni.

Mort d’Alexeï Navalny : qui sont les autres opposants à Poutine disparus prématurément ?

Patron de la milice Wagner, Evgueni Prigojine a trouvé la mort le 23 août 2023 dans le crash d'un avion entre Moscou et Saint-Pétersbourg. Au début de la guerre en Ukraine, il s’était graduellement imposé comme une figure incontournable du conflit, capitalisant sur les difficultés de l’armée russe contre Kiev. 

Mais en juin 2023, il avait été a été à l'origine d'une rébellion dirigée contre l'état-major russe et le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou. Ses hommes avaient brièvement capturé des sites militaires dans le sud de la Russie avant de se diriger vers Moscou. Vladimir Poutine l'avait qualifié de "traître", sans prononcer son nom. Evguéni Prigojine avait alors justifié son geste par sa volonté d’écarter les commandants militaires russes qu'il accusait de faillir en Ukraine par leur corruption et leur incompétence.

La disparition du chef de ce groupe paramilitaire a soulevé de nombreuses questions, notamment celle d’une potentielle vengeance de la part de celui qui a longtemps été considéré comme l’un des alliés : le président russe Vladimir Poutine, pour le punir après son coup de force. Les circonstances du crash d'avion n'ont pas encore été élucidées.