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Près de 80 ans plus tard, les États-Unis sont de retour à Tinian, dans les îles Mariannes. L'armée américaine y rénove un aérodrome militaire pratiquement laissé à l'abandon et grignoté par la jungle environnante depuis des décennies. C'est de cette petite île perdue dans le Pacifique qu'avait décollé, au matin du 6 août 1945, l'avion parti larguer la bombe nucléaire sur Hiroshima.
Pour combattre l'influence croissante de la Chine en Asie-Pacifique, les États-Unis investissent des milliards de dollars dans de nouveaux sites stratégiques. Autant de bases militaires alternatives pouvant servir en cas d'attaque sur ses infrastructures principales.
Cette politique, menée avec "un sentiment d'urgence" selon Washington, répond à celle, similaire, de Pékin, qui transforme depuis des années des îlots en bases militaires dans les eaux hautement contestées de la mer de Chine méridionale.
Mais là où la Chine doit construire ses pistes d'atterrissage de toutes pièces, les pieds dans l'eau, "la réhabilitation d'aérodromes de la Seconde Guerre mondiale a donné à l'Armée de l'air dans le Pacifique un moyen de mise en place rapide d'infrastructures dans la région", déclare à l'AFP un porte-parole de cette branche du Pentagone.
Ainsi, à Tinian, territoire américain près de Guam, l'aérodrome historique du nord de l'île "possède un large revêtement sous la jungle débordante". "Nous allons débroussailler cette végétation [d'ici] l'été prochain" pour en faire une "grande" base, a récemment déclaré au journal Nikkei le général Kenneth Wilsbach, commandant de l'Armée de l'air américaine dans le Pacifique.
Doublement du budget américain pour les constructions militaires en Asie-Pacifique
Si elle a déjà lancé des travaux près de l'aéroport civil actuel, l'US Air Force va donc aussi rénover ce qui fut, en 1945, le plus important aéroport de la planète. Là, à 2 300 kilomètres au sud du Japon, des dizaines de B-29 se relayaient sur six pistes de décollage et d'atterrissage pour bombarder inlassablement l'empire ennemi.
Aménagée en toute hâte une fois l'île prise aux Japonais, cette base avancée est choisie pour déployer les premières bombes nucléaires. C'est depuis cet îlot de l'archipel des Mariannes qu'ont décollé, les 6 et 9 août 1945, les avions qui ont largué sur Hiroshima et Nagasaki "Little Boy" et "Fat Man", tuant plus de 200 000 personnes et achevant de mettre le Japon à genoux.
Près de 80 ans plus tard, les bulldozers sont de retour à Tinian. "L'entreprise coercitive et de plus en plus agressive de la Chine pour remodeler la région Indo-Pacifique" représente "le plus grand et le plus grave des défis pour la sécurité nationale des États-Unis", relevait en 2022 le document fixant la stratégie de l'armée américaine pour les années à venir.
Une confrontation potentielle qui pousse la Maison Blanche à sortir le carnet de chèques pour renforcer ses positions dans la région. Sur les trois dernières années, le budget annuel alloué aux constructions militaires américaines en Asie-Pacifique a doublé, passant de 1,8 milliard en 2020 à 3,6 milliards en 2023 selon un rapport du centre de recherche du Congrès.
L'approche du Pentagone est claire : multiplier les bases pour être plus flexible et pouvoir opérer en dehors des grandes bases américaines existantes au Japon, en Corée du Sud et sur l'île de Guam. Depuis 2011, note encore ce rapport du Congrès, "les États-Unis ont négocié l'accès à 12 nouveaux sites de défense aux Philippines et en Australie" – dont plusieurs datent de la Seconde Guerre mondiale.
"Reprendre les aérodromes de la Seconde Guerre mondiale"
"Une grande partie de notre stratégie est de reprendre les aérodromes de la Seconde Guerre mondiale", a commenté en septembre lors d'une conférence le patron de l'US Air Force dans le Pacifique. "On ratiboise la jungle, et on a un aérodrome."
"On ne fait pas d'immenses bases", a insisté Kenneth Wilsbach. "On cherche juste à avoir un endroit où il y a du carburant, de l'armement, peut-être quelque chose à grignoter, faire une sieste, pour pouvoir redécoller."
C'est exactement le modèle appliqué à Tinian, où des travaux de rénovation ont débuté en février 2022, d'abord près de l'aéroport actuel, avant de s'étendre ensuite vers l'ancien aérodrome de la Seconde Guerre mondiale, dans le nord de l'île.
C'est donc "un sentiment d'urgence" qui a motivé l'armée américaine à "améliorer [sa] posture de dissuasion" dans la région avec ces nouvelles installations, a déclaré à l'AFP le porte-parole l'armée de l'Air dans le Pacifique.
D'ici deux ans, les militaires prévoient d'avoir terminé la réhabilitation d'immenses morceaux de tarmac, pour garer les avions, et la construction de citernes de carburant afin "d'assurer la capacité de remplir les objectifs de mission au cas où la base aérienne d'Andersen [à Guam] ou d'autres sites du Pacifique ouest deviendraient inaccessibles", relèvent des documents financiers de l'armée américaine. Budget : au moins 162 millions de dollars.
Avec AFP