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"Affaire du siècle" : l'État français échappe à une astreinte de 1,1 milliard d'euros
Des ONG demandaient une astreinte financière de 1,1 milliard d'euros contre l'État français, la justice ne leur a pas donné raison ce vendredi. Plusieurs associations de défense de l'environnement (Notre Affaire à Tous, Greenpeace, Oxfam) réunies sous la bannière de "l'Affaire du siècle" avaient attaqué l'État pour non-respect de ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le tribunal administratif de Paris a débouté vendredi 22 décembre les ONG de l'Affaire du siècle, réunissant notamment Notre Affaire à Tous, Greenpeace, Oxfam, qui demandaient une astreinte financière de 1,1 milliard d'euros contre l'État français, qu'elles accusent de ne pas agir suffisamment pour lutter contre le réchauffement climatique.

Dans son jugement, le tribunal estime que la "réparation du préjudice écologique a été tardive mais est désormais complète", jugeant que "l'État, conformément à l'injonction qui lui avait été faite, avait adopté ou mis en œuvre des mesures de nature à réparer le préjudice en cause".

Il a ainsi suivi l'avis du rapporteur public qui, lors de l'audience du 8 décembre, avait déclaré que les dernières données en date concernant les émissions nationales de CO2, à savoir une baisse de 4,3 % pour le premier semestre 2023 et de 2,7 % en 2022, "permettaient de considérer que le préjudice avait entièrement été réparé".

Les ONG déboutées ont annoncé vendredi après-midi dans un communiqué qu'elles se "réservent le droit de faire appel" du jugement qui vient d'être rendu.

En février 2021, le tribunal administratif de Paris leur avait dans un premier jugement donné raison, déclarant l'État responsable de manquements à ses engagements et du "préjudice écologique" qui en découle. Puis en octobre de la même année, la justice avait ordonné que soient compensés le "31 décembre 2022, au plus tard" les 15 millions de tonnes d'équivalent CO2 émis en trop par rapport aux objectifs de la France en 2015-2018.

Les ONG estimaient que ce jugement n'avait pas été suivi d'effets et réclamaient cette fois des pénalités financières dans le cadre d'une nouvelle procédure lancée en juin 2023. Cette astreinte de 1,1 milliard d'euros correspondait à neuf semestres de retard déjà cumulés, selon les calculs des ONG, qui s'appuyaient sur la méthode Quinet, du nom d'un haut fonctionnaire auteur d'un rapport sur "la valeur de l'action pour le climat" publié il y a quelques années.

Le jugement du tribunal administratif reconnaît que l'échéance du 22 décembre 2022 n'a pas été respectée, "la part du préjudice restant à réparer s'établissant à 3 ou 5 millions de tonnes d'équivalent CO2, selon les hypothèses retenues". Mais il estime que la baisse des émissions au premier trimestre 2023 (-4,2 %, soit 5 millions de tonnes d'équivalent CO2) a permis de compenser ce déficit. Il en conclut donc qu'il n'y "a pas lieu de prononcer des mesures d'exécution supplémentaires".

L'État aurait compensé le préjudice "sans réelle intention de le faire"

 L'autre argument des associations était que la baisse des émissions de gaz à effet de serre constatée en France à la fois pour l'année 2022 (-2,7 %) et pour le premier semestre 2023 (-4,3 %) était liée à des facteurs "purement conjoncturels" et extérieurs, comme un hiver doux l'an dernier ou la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, et non à la mise en place d'actions de l'État.

Le tribunal a jugé que ces éléments avaient certes "pu influer sur la baisse des émissions de CO2", mais qu'il n'y avait "pas lieu d'en neutraliser les effets".

"Par cette décision, le tribunal accepte l'idée que l'État aurait compensé le préjudice sans réelle intention de le faire", a commenté Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous, estimant que "la justice doit être plus ambitieuse face à l'inaction climatique des gouvernements".

La première ministre, Élisabeth Borne, avait présenté le 23 mai un nouveau plan d'actions pour faire baisser les émissions françaises. D'ici 2030, la France entend maintenant réduire ses émissions de 50 % par rapport au niveau de 1990, conformément aux engagements européens, ce qui implique de les abaisser deux fois plus vite qu'aujourd'hui.

L'État français reste encore sous la menace d'une autre affaire, celle de Grande-Synthe, une commune du Nord menacée de submersion en raison du changement climatique. Le 10 mai, le Conseil d'État a de nouveau exigé que la France renforce son arsenal en faveur de la protection du climat, donnant à l'État jusqu'au 30 juin 2024 pour réduire le bilan carbone national.

Avec AFP

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