Maria Corina Machado, gagnante de la primaire de l'opposition vénézuélienne en vue de l'élection présidentielle, a été mise hors course après la confirmation de son inéligibilité par la Cour suprême.
Elle est pour le moment hors course. La Cour suprême du Venezuela, souvent accusée d'être aux ordres du pouvoir, a confirmé vendredi 26 janvier l'inéligibilité de Maria Corina Machado, qui avait remporté haut la main la primaire de l'opposition vénézuélienne en vue de la présidentielle de 2024.
Âgée de 56 ans, Marina Corina Machado "est disqualifiée pour quinze ans", écrit la Cour en jugeant "nulle" la demande de la candidate du fait de son inéligibilité, entrainée par la commission d'irrégularités administratives et sa trahison après avoir soutenu les sanctions américaines contre le gouvernement de Nicolas Maduro. L'opposition a toujours refusé ces sanctions, estimant que Marina Corina Machado était innocente.
Le président Nicolas Maduro prend le "pire chemin" vers des "élections frauduleuses", a réagi l'opposante. "Cela n'arrivera pas. Que personne n'en doute, nous irons jusqu'au bout", a-t-elle affirmé sur le réseau X. "Le régime a décidé de mettre fin à l'accord de la Barbade. Ce qui n'est PAS terminé, c'est notre lutte pour la conquête de la démocratie par le biais d'élections libres et équitables", a-t-elle ajouté.
El régimen decidió acabar con el Acuerdo de Barbados.
Lo que NO se acaba es nuestra lucha por la conquista de la democracia a través de elecciones libres y limpias.
Maduro y su sistema criminal escogieron el peor camino para ellos: unas elecciones fraudulentas. Eso no va a…
Le pouvoir vénézuélien a souvent usé du stratagème des inéligibilités pour écarter des rivaux potentiels, tant au niveau national que local. La levée de l'inéligibilité des opposants est un des principaux points d'achoppement des négociations entre pouvoir et opposition. L'accord signé à la Barbade en octobre 2023 avait ouvert la possibilité pour ceux "aspirant à se présenter" à la présidentielle de 2024 de contester leur inéligibilité. Marina Corina Machado avait présenté un recours dans ce cadre.
La décision de la Cour suprême était très attendue. L'opposition – qui avait boycotté la présidentielle de 2018 – et les États-Unis avaient fait de la levée de l'inéligibilité des opposants l'un de leurs chevaux de bataille. Washington n'a pas encore réagi à cette décision.
De nombreux observateurs estiment que Marina Corina Machado, une libérale réputée pour sa combativité, peut être capable de rallier derrière elle une opposition souvent divisée par le passé face à Nicolas Maduro, qui briguera un troisième mandat présidentiel.
Les accords de la Barbade, "blessés à mort"
L'accord de la Barbade prévoyait aussi que la présidentielle se tiendrait au deuxième semestre de 2024 avec la présence d'observateurs internationaux. Les États-Unis avaient annoncé un assouplissement pour six mois de leurs sanctions dans la foulée de ces accords.
Candidat malheureux en 2012 face à l'ancien président Hugo Chavez (mort en 2013), puis face à l'actuel président Nicolas Maduro en 2013, l'opposant Henrique Capriles – qui avait renoncé à participer aux primaires de l'opposition –, a lui aussi vu son inéligibilité confirmée pour quinze ans, en raison d'irrégularités administratives présumées lorsqu'il était gouverneur de l'État de Miranda.
"Ce qu'ils ne pourront jamais disqualifier, c'est l'aspiration au changement du peuple vénézuélien. Le rêve d'avoir un pays où la Constitution et les lois sont égales et respectées par tous. Où le gouvernement s'occupe d'assurer le bien-être et la qualité de vie de la population [...]. 2024 doit être l'année du peuple vénézuélien", a réagi Henrique Capriles sur X.
Lo que nunca podrán inhabilitar es el sentimiento de CAMBIO de los venezolanos. El sueño de tener un país donde la Constitución y las leyes sean iguales y respetadas por todos. Donde el Gobierno se ocupe de darle bienestar y calidad de vida a la gente. Donde llegar a viejo sea un… https://t.co/zyFKQCZ9gH
— Henrique Capriles R. (@hcapriles) January 26, 2024Accusée d'irrégularités administratives, Marina Corina Machado avait été déclarée inéligible pour une durée d'un an en 2015 pour avoir participé en tant qu'"ambassadrice suppléante" du Panama à une réunion de l'Organisation des États américains (OEA). Le Panama l'avait invitée pour lui permettre de dénoncer les violations présumées des droits de humains lors des manifestations réclamant le départ de Nicolas Maduro. La répression avait fait une quarantaine de morts.
Marina Corina Machado a vu la durée de son inéligibilité étendue à quinze ans en juin 2023 pour avoir "demandé l'application de sanctions" américaines. Elle a toujours assuré n'avoir jamais été officiellement informée de cette mesure.
Malgré son inéligibilité, elle avait recueilli plus de deux millions de voix (92 % des suffrages) lors des primaires de l'opposition en octobre.
Jeudi, le président Maduro avait estimé que les accords de la Barbade étaient "blessés à mort" après l'annonce, ces derniers jours, par les autorités, d'avoir déjoué des complots visant à l'assassiner.
De son côté, le président du Parlement, Jorge Rodriguez, également chef de la délégation du pouvoir lors des négociations avec l'opposition, avait minoré l'importance de ces accords de la Barbade : "Avec ou sans sanctions, avec ou sans opposition, avec ou sans observateurs internationaux [...] en 2024, il y aura des élections présidentielles parce que c'est ce que prévoit la constitution."
Il avait aussi laissé entrevoir la décision de justice concernant Marina Corina Machado : "Il est hors de question que cette femme soit candidate à quelque élection que ce soit."
Avec AFP