
L'armée israélienne a annoncé, lundi 6 novembre, l'arrestation de la militante Ahed Tamimi, icône mondiale de la résistance contre l’occupation et la répression israélienne dans les Territoires palestiniens.
La militante âgée de 22 ans est "soupçonnée d'incitation à la violence et à des activités terroristes", a indiqué un porte-parole de l'armée à l'AFP. Selon la même source, la jeune femme "a été appréhendée dans la ville de Nabi Saleh. Elle a été transférée aux forces de sécurité israéliennes pour un interrogatoire plus approfondi".
Ahed Tamimi a été arrêtée lors d'un raid de l'armée israélienne "visant à appréhender des individus soupçonnés d'être impliqués dans des activités terroristes et d'incitation à la haine" dans le nord de la Cisjordanie occupée, a ajouté le porte-parole.
Depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre par l'attaque terroriste du Hamas en Israël, les forces de sécurité israélienne procèdent à des arrestations massives de Palestiniens soupçonnés de violence, d'incitation à la violence ou d'être membres du Hamas.
Interrogée par l'AFP sur les motifs de cette arrestation, une source issue des services de sécurité a transmis une publication Instagram qui a largement circulé sur les réseaux sociaux. Le texte, attribué à la jeune militante, promet des termes très violents et explicites de "massacrer" des Israéliens "dans toutes les villes de Cisjordanie, de Hébron à Jénine", faisant notamment référence à Hitler, selon la capture d'écran d'une publication en arabe et en hébreu transmise par l'armée à l'AFP.
Lundi, le compte cité dans cette capture d'écran était inaccessible. L'AFP n'a pas pu vérifier dans l'immédiat si ce compte appartient effectivement à Tamimi.
"Ils l'accusent d'avoir publié un post qui incite à la violence, mais Ahed ne l'a pas écrit", assure sa mère Narimane Tamimi à l'AFP. "Il y a des dizaines de pages au nom d'Ahed et avec sa photo mais avec lesquels elle n'a aucun lien. Ahed, elle, quand elle essaye d'ouvrir un compte sur les réseaux sociaux, il est aussitôt bloqué", poursuit-elle.
Porte-drapeau de la cause palestinienne
Ahed Tamimi, dont un portrait géant est peint sur le mur de séparation israélien en Cisjordanie occupée, dans le secteur de Bethléem, est devenue mondialement célèbre très jeune après avoir été impliquée dans une série d'incidents avec des soldats israéliens.

En 2012, des images la montrant brandir un poing rageur sous le nez de militaires israéliens font fait le tour du monde et lui valent d'être reçue par Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre turc.
Trois ans plus tard, à l'été 2015, la jeune activiste à la longue chevelure blonde et au regard bleu azur apparaît sur des clichés au milieu de femmes portant secours à un petit garçon au bras dans le plâtre, son petit frère, plaqué au sol par un soldat israélien.

Mais c’est en décembre 2017 qu’elle acquiert une grande notoriété, après son arrestation pour avoir giflé deux soldats israéliens dans la petite cour de la maison familiale à Nabi Saleh, son village natal en Cisjordanie occupée. Le président Mahmoud Abbas avait alors personnellement salué son courage.
L’incident, dans lequel était également impliquée sa cousine Nour Tamimi, s’était déroulé en marge de manifestations parfois violentes contre la décision américaine de reconnaître Jérusalem comme la capitale d'Israël. La vidéo montrant des soldats impassibles face à Ahed Tamimi, filmée par sa mère et retransmise en direct sur Facebook, devient rapidement virale. Elle se propage aussi bien sur des sites pro-palestiniens que pro-israéliens, jusqu'à être relayée dans les médias.
Si les soutiens de la porte-drapeau de la cause palestinienne inondent les réseaux sociaux avec les hashtags #FreeAhed ("#LibérezAhed"), ses détracteurs israéliens dénoncent de leur côté "les provocations" de la jeune femme, qui visent à humilier les soldats selon eux.
Même la classe politique israélienne s’en mêle, à l’image de Naftali Bennett, alors ministre israélien de l’Éducation et représentant du camp national religieux, qui exprime publiquement le souhait qu'Ahed Tamimi finisse "ses jours en prison".
La Cisjordanie étant un territoire occupé militairement par Israël, elle est jugée, comme tous les Palestiniens qui y résident, devant un tribunal militaire. À l'issue d'un accord de "plaider coupable", Ahed Tamimi est condamnée à huit mois de prison. Après sa libération, en juillet 2018, elle est accueillie en héros dans son village natal de Cisjordanie occupée.
La résistance en héritage
"Ahed Tamimi ne s’est jamais tue, soulignait, en 2018, Jean-Sébastien Letang, membre de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine. Elle incarne le nouveau visage de la résistance palestinienne, celui de toute une jeunesse ancrée dans un territoire, dégagé de toute étiquette politique."

Avant sa détention, la jeune fille, qui rêve de devenir avocate pour défendre sa cause, expliquait dans une vidéo mise en ligne en février 2017 que l’occupation l’empêchait de songer à son avenir. Pour inverser la tendance, elle ne voyait qu’une chose à faire : "Résister, à travers les manifestations, mais aussi via les médias."
Ahed Tamimi n’est pas tombée dans le militantisme par hasard. Son père, Bassem Tamimi, est un activiste pacifique de longue date et bien connu à Nabi Saleh, dont les habitants sont très impliqués dans la lutte contre l’occupation israélienne. Souvent à la tête de manifestations contre les colons israéliens, il a été emprisonné plusieurs années par Israël. Selon son épouse, il a été arrêté le 20 octobre alors qu'il rentrait de voyage et, depuis, sa famille "n'a aucune nouvelle".
"C’est une responsabilité immense de parler au nom d’un pays occupé, alors même que je suis en sursis et risque d’être arrêtée à nouveau", avait-elle confié dans un entretien accordé à France 24, à l’occasion de sa visite en France en septembre 2018, en tant qu’invitée d’honneur de la Fête de l'Humanité.