
Encore un visage de l’industrie pétrolière pour présider une conférence sur le climat. Après Sultan al-Jaber à la tête de la COP28 aux Émirats arabes unis, l’Azerbaïdjan a nommé, vendredi 5 janvier, Mukhtar Babayev président de la COP29 qui se tiendra à Bakou du 11 au 22 novembre.
"Son Excellence Mukhtar Babayev a été nommé président désigné de la 29e session de la conférence des parties", a écrit à l'AFP Rashad Allahverdiyev, un responsable du ministère azerbaïdjanais de l’Écologie et des Ressources naturelles – où officie depuis 2018 le nouveau président de la COP.
À 56 ans, Mukhtar Babayev marche dans les traces de son prédécesseur dubaïote. Sultan al-Jaber avait présidé la conférence sur le climat tout en étant patron de la principale compagnie pétrolière émiratie Adnoc ? Le ministre azerbaïdjanais va jouer le même rôle en novembre prochain tout en ayant travaillé pendant seize ans pour la compagnie nationale pétrolière et de gaz Socar.
Même si les présidents de COP n'ont pas de rôle décisionnaire, ils sont essentiels pour encadrer les négociations et proposer des compromis. Un rôle clé, donc, que va occuper pour la deuxième fois consécutive un homme issu du secteur pétrolier.
Cette nomination symbolique inquiète les ONG en quête de progrès dans la lutte contre le réchauffement climatique : Alice Harrison, de Global Witness, a notamment exprimé auprès de l’AFP un "sentiment de déjà-vu" avec un "ancien responsable pétrolier issu d'un pétro-État autoritaire".
Seize ans dans l'industrie pétrolière azerbaïdjanaise
Le plus grand réseau d'ONG présent aux COP, le Climate Action Network, a pour sa part plus sobrement appelé Mukhtar Babayev "à renforcer le résultat de la COP28 sur la transition hors des énergies fossiles et, en particulier, à faire du financement de cette transition dans les pays en développement une grande priorité de la COP29".
En l’état, on sait "peu de choses" de Mukhtar Babayev, comme l’explique la BBC, à part que le nouveau président de la COP29 est "beaucoup moins connu des diplomates spécialistes du climat" que son prédécesseur émirati.
Avant de se lancer dans l’activité pétrolière, il fait ses études à Moscou et travaille au sein de plusieurs administrations azerbaïdjanaises.
De 1994 à 2003, il rejoint la Socar (State Oil Company of Azerbaijan Republic) au sein du département des relations économiques extérieures, avant de changer pour la division du marketing et des opérations économiques. Il devient ensuite vice-président chargé de l’écologie de la compagnie pétrolière (2007-2010), un poste qui le conduit notamment à organiser une conférence internationale sur la réhabilitation des sols contaminés en 2008, selon Le Monde.
La carrière de Mukhtar Babayev prend un tournant politique à partir de 2010 : il se fait élire député sous les couleurs du Parti du nouvel Azerbaïdjan (Yap), principale force politique du pays dirigée par le président autocrate azerbaïdjanais Ilham Aliev.
En 2018, il devient ministre de l’Écologie. Puis il représente son pays lors de la dernière conférence sur le climat à Dubaï. C’est à ce moment-là qu’un "consensus général" se dégage pour retenir la candidature de l’Azerbaïdjan comme organisateur de la COP29. Jusqu’alors, la désignation du pays était bloquée depuis des mois par l’Arménie et la Bulgarie – qui ont finalement retiré leurs candidatures.
Une économie dépendante des hydrocarbures
De vétéran de l’industrie pétrolière à homme politique en charge du portefeuille de l’écologie, Mukhtar Babayev pourrait concentrer sur sa personne des critiques pointant un risque de conflit d’intérêts, comme cela a été le cas avec Sultan al-Jaber – une enquête de la BBC a d’ailleurs montré un mélange des genres du président émirati de la COP28 dans la préparation de réunions avec des gouvernements étrangers.
La COP29 en Azerbaïdjan rappellera aussi, à certains égards, celle des Émirats. Alors que la combustion de pétrole, gaz ou charbon représente plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, Bakou fut l'une des capitales mondiales du pétrole au début du XXe siècle.
Le pays a développé à partir des années 1990 de gros gisements pétroliers et gaziers en mer Caspienne. Aujourd'hui, le gaz est devenu plus important que le pétrole pour l'Azerbaïdjan, et est principalement exporté vers l'Europe.
"Le pays reste aujourd'hui très dépendant des hydrocarbures qui représentent un peu moins de 50 % de son PIB, un peu plus de 50 % de ses recettes budgétaires et un peu plus de 90 % de ses recettes d'exportation", explique à l’AFP Francis Perrin, spécialiste de l'énergie à l'Institut de relations internationales et stratégiques.
Aussi, le choix d’organiser des conférences sur le climat dans des pays grands producteurs d’énergies fossiles interpelle les ONG. "À un moment (...) va devoir se poser la question de la crédibilité" du processus de désignation, souligne auprès du Monde Romain Ioualalen, d’Oil Change International. "Pour cela, il faut qu’il y ait des séparations très strictes entre leurs intérêts pétroliers et les présidences des COP."

Avec AFP