Alors que les combats font rage en Ukraine autour de Bakhmout et dans la région russe de Belgorod, les 27 mettent en route un onzième train de sanctions contre Moscou. Nous recevons pour en parler, Nathalie Loiseau, présidente de la sous-commission Défense au Parlement européen, députée européenne française et ancienne ministre des Affaires européennes sous le premier mandat d’Emmanuel Macron.
Réagissant à la destruction quasi-totale de Bakhmout à l’est de l’Ukraine, Nathalie Loiseau estime que la guerre en Ukraine est "longue et difficile" et son "issue dépend beaucoup de nous." À ceux qui voudraient aller plus vite, elle objecte qu'"il ne faut pas bricoler un entre-deux un conflit oublié. Nous l’avons fait en 2015 avec les accords de Minsk et la Russie a reculé pour mieux sauter". "Il faut mettre en place une paix durable, dissuader la Russie de poursuivre son aventurisme militaire qui nous menace", plaide-t-elle.
Quant au dernier train de sanctions, la présidente de la sous-commission Défense et Sécurité estime que les sanctions interviennent avec trop de lenteur. "Nous ne sommes pas assez ambitieux", déclare-t-elle, soulignant que l'accord nécessite l'approbation des 27 États membres, dont "Victor Orban [le chef d'État hongrois] qui ralentit le processus des sanctions et l’aide militaire à l’Ukraine". Elle pointe aussi la proximité du Premier ministre hongrois avec la Russie et les compromissions de certaines banques hongroises avec le pouvoir russe. Mais cela ne concerne pas seulement la Hongrie : "Il faut davantage de sanctions à l’égard des entreprises qui profitent de la guerre. Il ne faut pas mettre la Russie à genou, mais l’effort de guerre russe à genoux".
Cette guerre met aussi l’agriculture ukrainienne en péril. "Un drame pour l’Ukraine, mais aussi un drame pour le monde", selon l'eurodéputée française. Avec les efforts pour sortir les céréales d’Ukraine - à destination de l’Afrique et du Moyen Orient - elle revient sur la crise et le blocage de certains pays comme la Pologne, qui craignent que cela ne pénalise leurs agriculteurs. "Si la Pologne a fait beaucoup pour l’Ukraine - l’accueil des réfugiés et l’aide militaire -, il ne faudrait pas que l’égoïsme et des arguments électoralistes ne l’emportent avant les élections d’octobre dans ce pays. J’espère que le commissaire européen à l’Agriculture, qui est un Polonais du parti au pouvoir - Janusz Wojciechowski - ne participe pas à une campagne électorale".
Dans son entretien avec "Ici l'Europe", Nathalie Loiseau souligne aussi qu’il faut anticiper l’entrée des produits agricoles de l’Ukraine sur le marché européen dans la perspective de l’adhésion du pays à l’UE. "Comment faire pour que ces céréales n’inondent pas le marché européen quand ce n’est pas nécessaire ? Il faut que nous arrivions à les stocker ou à les faire transiter vers les pays qui en ont le plus besoin".
À propos des élections en Turquie, où le président Recep Tayyip Erdogan part favori pour le second tour, Nathalie Loiseau estime que les choix de la Turquie continuent de l’éloigner de l’UE, avec notamment la restriction de libertés importantes. "Avec Erdogan au pouvoir, la candidature d’adhésion à UE est un mythe", avertit-elle.
Par ailleurs, Nathalie Loiseau vient de publier un rapport sur le thème explosif de la corruption au sein au Parlement européen, le fameux "Qatargate". Elle dénonce "cette autre guerre, l’ingérence de certains pays comme la Russie ou la Chine pour influencer nos décisions". Dans ce document, elle promeut plus de transparence et la protection du travail des députés. "Je demande une haute autorité éthique indépendante européenne qui ait pouvoir sur toutes les institutions et un réel pouvoir d’enquête". Elle s’inquiète notamment que la Commission européenne n’ait pas encore fait sa proposition sur ce sujet.
Enfin à un an des élections européennes, alors que le groupe Renew est crédité dans les sondages de la troisième place derrière le Parti populaire européen (PPE) et les Socialistes et Démocrates, Nathalie Loiseau récuse toute alliance ou coalition à droite avec les eurosceptiques, tout comme un rapprochement avec le parti de l’Italienne Georgia Meloni. "Je suis troublée par ces signaux ambigus à l’égard de Fratelli d’Italia et son héritage néo-fasciste ou à l'égard de la ligue de Matteo Salvini", estime-t-elle. Elle rappelle qu’Antonio Tajani, ancien président PPE du Parlement européen, ou encore Silvio Berlusconi, siègent dans cette coalition au gouvernement italien. Même si elle estime que beaucoup au Parlement européen, même à droite, "ne veulent pas s’acoquiner avec la droite extrême".
Quant à son destin personnel, si Nathalie Loiseau élude la question de la tête de liste du parti d’Emmanuel Macron, elle affirme sa volonté de se représenter en 2024 pour continuer le travail commencé. Elle souligne que la majorité présidentielle présentera une liste unique, ce qui n’est pas encore été acté pour la Nupes ou le Rassemblement national. "Nous partons unis, avec les mêmes convictions et l’envie de faire progresser l’Europe", annonce-t-elle.
Une émission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero et Sophie Samaille.
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- Nathalie Loiseau , Tête de liste, LREM-Modem-Agir-MR