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Raphaël Glucksmann : "Nous Européens, avons été naïfs, intoxiqués et corrompus par la Russie"

Député européen et président de la Commission spéciale sur l’ingérence étrangère et la désinformation, Raphaël Glucksmann rend compte des conclusions des travaux de sa commission dans son dernière livre "La grande confrontation – Comment Poutine fait la guerre à nos démocraties" (Éditions Allary). Il y dénonce la guerre hybride du Kremlin que les Européens subissent depuis au moins deux décennies et son impact sur la situation en Ukraine.

Dans son ouvrage, Raphaël Glucksmann répertorie les erreurs et compromissions des Européens face au régime de Vladimir Poutine : "Face à la Russie, nous avons été intoxiqués, corrompus et naïfs (…)  aucun régime n’a eu une telle entreprise de déstabilisation que le régime russe. Depuis les cyberattaques de nos hôpitaux jusqu’aux fermes à troll (…) qui aidaient indistinctement les nationalistes catalans et les ultranationalistes espagnols, et ont participé à la victoire du Brexit (...). Toutes les élections en Europe ont connu des manipulations et nous devons nous inquiéter pour les prochaines élections européennes".

Raphaël Glucksmann parle de la corruption et la "schröderisation" de nos élites politiques. Il s'agit d'une référence à Gerhard Schröder, ancien chancelier allemand, qui a mis les Allemands en complète dépendance au gaz russe via la construction du gazoduc Nordstream. Juste après avoir quitté le pouvoir, celui-ci est parti travailler chez Gazprom. Selon l’eurodéputé, il faudrait "interdire à nos serviteurs de l’État d’aller travailler pour des entités hostiles à nos cités et à nos valeurs". Il prône ainsi "d’établir une liste d’entités dangereuses pour nos démocraties pour lesquelles ils serait interdit de travailler".

Concernant les sanctions européennes contre la Russie, elles sont progressives mais incohérentes avec des exemptions sectorielles comme par exemple les diamants et pourtant, Raphaël Glucksmann assure que "notre intérêt est que l’Ukraine gagne cette guerre non par humanisme, mais parce que c’est notre première ligne de défense (…). Après l’Ukraine, serait-ce la Pologne ou la Lituanie ?"

Dès lors, il ne faut pas hésiter a fournir artillerie, munitions et tanks au Ukrainiens. Pour Raphaël Glucksmann, "ce que font les Ukrainiens au-delà d’être la première ligne de défense, c’est de nous donner foi dans nos sociétés ouverts (…). Notre intérêt stratégique à long terme, c’est la victoire des Ukrainiens."

Le président russe Vladimir Poutine a mis à bas l’architecture de la sécurité en Europe "jusqu’à l’annexion de la Crimée par la Russie, aucun État n’avait annexé les territoires de ses voisins, même pendant la guerre froide. C’était la base de la paix en Europe. C’est un tabou qui a été brisé (...) Nos dirigeants ont sacrifié les Tchétchènes, les Géorgiens, les Ukrainiens et notre propre souveraineté."

Le député européen considère que le soutien aux Ukrainiens est de la realpolitik. "On a souvent dit que le drapeau européen ne charriait aucune forme d’attachement : maintenant il y a des gens qui meurent chaque jour en Ukraine pour tous les principes incarnés par ce drapeau", explique-t-il. "Ils vont faire du bien à l’Union européenne en adhérant à notre club. Pas seulement pour des raisons morales mais stratégiques". Enfin, Raphaël Glucksmann critique les propos d’Emmanuel Macron sur Taïwan. "Oui à l’ indépendance stratégique mais on ne peut pas la faire seul, sans les Européens. Or, Macron en Chine n’a pas parlé pour les Européens." Il ne comprend pas non plus l’acharnement du président français sur les retraites. "Ce n’est ni la bonne réforme, ni au bon moment, et pas très malin de tacler la leader de la CFDT depuis la Chine !"

Émission préparée par Isabelle Romero, Sophie Samaille et Perrine Desplats