Tunis a ordonné le départ d'Esther Lynch, la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats. Cette dernière est la plus haute responsable syndicale des 27. Les autorités lui donnent 24 heures pour quitter le territoire.
Le président tunisien, Kaïs Saïed, a ordonné, samedi 18 février, l'expulsion de la plus haute responsable syndicale de l'Union européenne pour des déclarations qualifiées par Tunis d'"ingérence flagrante", dernier épisode d'un bras de fer opposant le président Saïd aux syndicalistes.
"Sur ordre du président Kaïs Saïed, les autorités tunisiennes ont ordonné le départ d'Esther Lynch", la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, a indiqué la présidence dans un communiqué.
Esther Lynch "a pris part à une manifestation organisée par l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) et a tenu des propos qui constituent une ingérence flagrante dans les affaires intérieures de la Tunisie", selon le communiqué.
Les autorités lui donnent 24 heures pour quitter la Tunisie où elle est désormais considérée comme "persona non grata", selon la même source.
"Solidarité"
Plus tôt dans la journée, la responsable syndicale européenne a pris part à une manifestation ayant réuni des milliers de syndicalistes dans la ville de Sfax (centre-est), à l'appel de la puissante centrale syndicale UGTT.
Venue apporter la "solidarité de la part de 45 millions de travailleurs en Europe", Esther Lynch s'est adressée, par l'intermédiaire d'un interprète, à la foule réunie dans ce bastion historique du syndicalisme tunisien.
"Nous disons aux gouvernements : ne touchez pas à nos syndicats, libérez nos dirigeants", a-t-elle lancé. Le gouvernement tunisien doit "s'asseoir et négocier avec l'UGTT pour trouver une solution" afin d'améliorer la situation politique et économique actuelle, a-t-elle ajouté.
Le porte-parole de l'UGTT, Sami Tahri, a déclaré à la radio privée Mosaïque FM que les déclarations d'Esther Lynch étaient une "défense du droit de se syndiquer et non une ingérence dans les affaires de la Tunisie". "Nous condamnons (son expulsion), qui n'apporte aucun honneur à la Tunisie", a-t-il ajouté.
La manifestation à Sfax était organisée simultanément dans plusieurs villes du pays afin de protester contre la dégradation de la situation économique et l'arrestation d'Anis Kaabi, responsable de la branche autoroutes de l'UGTT.
Ce dernier est en détention provisoire dans l'attente d'un procès fixé au 23 février, pour avoir lancé une grève sur les péages.
L'UGTT a annoncé des sit-in et rassemblements contre la politique de Kaïs Saïed, avec comme point culminant une marche à Tunis le 11 mars.
Grave crise politique et économique
La Tunisie est engluée dans une grave crise politique et économique depuis que Kaïs Saïed a accaparé les pouvoirs en juillet 2021 en limogeant le Premier ministre et en suspendant le Parlement, avant de le dissoudre en mars 2022.
Il a ensuite révisé la Constitution pour réduire les prérogatives du Parlement et revenir à un système ultra-présidentiel similaire à celui d'avant la révolution de 2011 et la chute du dictateur Ben Ali.
Ses détracteurs l'accusent d'instaurer une nouvelle autocratie dans le pays qui fut pourtant le berceau du Printemps arabe.
Outre les divisions politiques, le pays connaît de graves difficultés économiques avec notamment des pénuries de produits alimentaires et une forte inflation.
Avec AFP