
L'inculpation, mardi, de Sam Bankman-Fried, ex-PDG de la plateforme de cryptomonnaies en faillite FTX, après son arrestation aux Bahamas, marque l’arrivée des autorités américaines dans ce scandale. Un tournant pour tous les acteurs de cette affaire aux multiples rebondissements.
La machine judiciaire américaine s’est mise en branle dans le scandale FTX. Le gendarme américain de la Bourse (SEC - Security and exchange commission) a accusé Sam Bankman-Fried de fraude, mardi 13 décembre. L'ex-PDG de l'empire déchu FTX, arrêté la veille aux Bahamas, a été inculpé dans la foulée.
Après des semaines de révélations sur les dessous de cette faillite retentissante dans le monde des bitcoins, c’est donc un nouveau chapitre qui s’ouvre. C'est dans ce contexte que le Congrès américain commence, mardi, des auditions publiques pour comprendre les tenants et aboutissants de ce scandale financier.
Alors que la pression sur les différents acteurs de cette saga est plus forte que jamais, France 24 revient sur la galerie de personnages hauts en couleur qui ont fait et défait FTX, longtemps symbole du succès des cryptomonnaies.
Sam Bankman-Fried. L’ex-chouchou du monde des cryptomonnaies et fondateur de la plateforme d’échange FTX qui a fait faillite début novembre. Surnommé "SBF", il a été arrêté, lundi 12 décembre, aux Bahamas à la demande des autorités américaines.
Il est accusé de multiples fraudes. "Nous soutenons que Sam Bankman-Fried a construit un château de cartes qui repose sur la tromperie, tout en disant aux investisseurs que FTX était l'un des bâtiments les plus solides dans le monde des cryptomonnaies", a affirmé Gary Gensler, le directeur de la SEC
Cette arrestation intervient un jour avant son témoignage programmé devant le Congrès pour s’expliquer sur la débâcle FTX, qui a coûté des centaines de millions de dollars à des investisseurs du monde entier.
Dès le début du scandale, "SBF", âgé de 30 ans, s’était réfugié aux Bahamas où FTX avait installé son siège. Il attend dorénavant en prison son extradition vers les États-Unis, mais la procédure pourrait prendre du temps s’il décide de la contester, indique le New York Times.
Caroline Ellison. Bras droit de Sam Bankman-Fried et “génie” précoce des mathématiques et de la finance. Dans la galerie des personnages haut en couleur du scandale FTX, Caroline Ellison tient une place autant à part que centrale : elle était la PDG d’Alameda, la discrète société d’investissement dans l’ombre de FTX.
C’est là que Caroline Ellison a enchaîné des paris boursiers que même Sam Bankman-Fried jugeait risqués. Problème : Alameda utilisait et dilapidait les fonds que confiaient les utilisateurs de la plateforme à FTX.
"SBF" a pourtant longtemps fait une confiance aveugle à celle qu’il avait rencontrée lorsqu’ils étaient tous les deux des traders pour la société Jane Street. La légende, entretenue par un portrait réalisé par le magazine Forbes, dépeint Caroline Ellison comme une enfant précoce dotée d’un sens inné des maths. Elle aurait lu le tome 2 de Harry Potter à cinq ans et aurait offert à son père, comme cadeau d’anniversaire, un exposé sur l’économie des prix des animaux en peluche dans les magasins de jouets alors qu’elle n’avait pas encore dix ans.
À dix-huit ans, elle sort première en mathématiques de sa promotion à l’université de Stanford et s’embarque dans la finance tout en détaillant, en parallèle, sa vision de la vie dans le défunt blog Worldoptimization, dont le contenu a été archivé. Elle y décrit sa lente mue de jeune fille “tradi” en femme plus libérée et qualifie la plupart des cryptomonnaies d’arnaques. Personne ne sait où se trouve la jeune femme de 28 ans actuellement.
Changpeng Zhao. Le partenaire devenu némésis de Sam Bankman Fried. Tout avait bien commencé entre les deux géants des cryptomonnaies. Changpeng Zhao, le patron de la plateforme d’échange Binance, avait investi des millions de dollars dans FTX en 2019 pour soutenir la croissance du site de SBF.
Mais près de trois ans plus tard, un tweet de celui qu’on surnomme “CZ” a entraîné l’effondrement de FTX. Changpeng Zao annonçait, le 8 novembre, qu’il se débarrassait de tous les FTT (la cryptomonnaie de FTX) car il n’y croyait plus. Conséquence : panique chez les investisseurs qui, en cherchant à récupérer leur argent, se sont rendus compte que FTX n’avait plus une partie des fonds…
Les avis divergent sur les raisons de ce coup de poignard dans le dos. Changpeng Zao a assuré qu’il en avait plus qu’assez des démarches de Sam Bankman-Fried pour convaincre l’administration américaine de mieux réguler l’univers des cryptomonnaies. Le patron de Binance s’est toujours battu contre l’ingérence des pouvoirs publics dans la sphère des bitcoins et autres devises immatérielles, rappelle le South China Morning Post. Il soupçonnait aussi le PDG de FTX de lui savonner la planche auprès des autorités américaines de régulation pour faire prévaloir ses propres intérêts.
D’autres suggèrent que l’homme d’affaires chinois voulait tout simplement se débarrasser de son principal concurrent. “Sa manœuvre lui a permis de devenir le roi incontesté des cryptomonnaies”, souligne le Washington Post.
Son trône est peut-être plus fragile qu’il ne le croit. Le département américain de la Justice serait sur le point de lancer une enquête criminelle contre Binance, soupçonné d’avoir permis de blanchir de l’argent, a affirmé Reuters. Les efforts de “CZ” pour démontrer que son empire était bien plus sain financièrement que celui de Sam Bankman-Fried n’ont pas, non plus, convaincu tout le monde. Il a ainsi commandé un audit de comptes qui ne lèverait que très partiellement le voile sur “le mystère des finances du groupe”, assure le Wall Street Journal.
John J. Ray III. Le liquidateur. “Je n’ai jamais vu une telle succession d’échecs à tous les niveaux d’une organisation”, ou encore... : “les responsables [de FTX] manquaient cruellement d’expérience” et se sont adonnés à des “pratiques totalement inacceptables”. Ce portrait au vitriol des années Sam Bankman-Fried à la tête de FTX a été brossé, mardi 13 décembre, par l’actuel PDG du groupe, John J. Ray III, désigné pour liquider le groupe.
Depuis qu’il a repris le dossier FTX, le 11 novembre, cet avocat ne manque pas une occasion pour tirer sur l’ambulance "SBF". Et ses propos ont du poids aux États-Unis : cet expert des liquidations judiciaires de 70 ans est une star nationale depuis qu’il a géré la plus importante faillite de l’histoire américaine : celle d’Enron en 2001.
Il s’est aussi occupé, entre autres, des faillites du géant canadien des télécommunications Nortel en 2013 et du groupe américain de pétroliers OSG (Overseas Shipholding Group) un an plus tôt. John J. Ray III a donc vu son lot de situations désespérées… et pourtant il a estimé que FTX était “le pire échec” qu’il a eu à traiter.
Gary Wang. Le cofondateur et codeur de l’ombre. Il est aussi discret que Sam Bankman-Fried peut être médiatiquement exubérant. À tel point que l’existence de Gary Wang, cofondateur de FTX et co-PDG d’Alameda, n’est que rarement évoquée dans les articles traitant de la débâcle du groupe.
Pourtant, cet informaticien de 29 ans – plus jeune milliardaire sur la liste Forbes des 400 Américains les plus riches – est omniprésent dans l’aventure FTX. Il suit "SBF" depuis les années lycée et a partagé une chambre d’étudiants avec lui au Massachusetts Institute of Technology (MIT).
Garry Wang fera cependant un petit bout de chemin seul en travaillant quelques années pour Google en tant que développeur de logiciels. Mais dès que "SBF" se lance dans l’aventure FTX en 2019, son camarade informaticien le rejoint.
C’est lui qui s’est occupé de toute l’architecture informatique de la plateforme et connaîtrait tous les petits secrets de l’entreprise. Seul problème : personne ne sait où il se trouve, et il n’a aucune présence numérique. Réussira-t-il à rester dans l’ombre alors que la pression judiciaire sur FTX augmente de plus en plus ?