![Les jours de la télévision de papa sont comptés Les jours de la télévision de papa sont comptés](/data/posts/2022/07/15/1657868466_Les-jours-de-la-television-de-papa-sont-comptes.jpg)
Face aux changements provoqués par l’avènement du numérique et du "tout tout de suite", la traditionnelle diffusion télévisée, caractérisée par son diktat horaire, est progressivement remise en cause.
Journal télévisé à 20 h, film à 20h50 : tel est le programme qui a longtemps rythmé la vie des Français avant l’essor d’Internet et qui fit l’âge d’or des chaînes hertziennes de papa.
Toutefois, comme ce fut le cas dans le secteur musical il y a une quinzaine d'années, le paysage audiovisuel français connaît, actuellement, une vraie révolution. Grâce à la possibilité désormais offerte de partager des fichiers numériques via Internet - plus connue sous le nom de piratage -, les téléspectateurs français changent radicalement leur mode de consommation devant le petit écran. Une récente étude de la société BigChampagne, spécialisée dans l’analyse comportementale des consommateurs, montre ainsi que le téléchargement illégal de séries télévisées a littéralement explosé en 2009.
"Des millions de téléspectateurs accèdent - même fortuitement - à des versions gratuites et non autorisées de leurs séries préférées, explique Éric Garland, patron de BigChampagne. C’est une forme de piratage occasionnel socialement acceptable, qui remplace les heures de visionnage."
Les grosses productions américaines comme Heroes, Lost ou Desperate Housewives, diffusées d’abord aux États-Unis puis revendues - très chères - à des diffuseurs étrangers, sont les plus concernées par le phénomène.
"La territorialité des séries a été pas mal chahutée par Internet", relève Tristan du Laz, directeur du service vidéo à la demande (VOD) de la chaîne Canal+, qui rappelle que ce sont les diffuseurs qui détiennent les droits légaux des productions.
Catalogue
Les chiffres du piratage sont impressionnants. Avec plus de 54 millions de téléchargements effectués depuis le début de l’année, la série Heroes est la plus prisée. Pourtant, NBC, la chaîne américaine qui en exploite les droits, propose elle aussi sur son site Internet un système de visionnage gratuit de ses épisodes, financé - entre autre - par la publicité.
Reste que la limitation de la consultation légale des séries américaines aux seuls États-Unis - afin de ne pas entrer en conflit avec les distributeurs étrangers - ne permet pas d'enrayer le piratage. En France comme ailleurs, il faut effectivement attendre qu’une chaîne se décide à en acheter les droits pour qu’elles soient disponibles. Un délais qui ne plaît pas aux internautes, dont la patience n'est pas la première des qualités...
"L’offre légale a le mérite d’exister, mais son catalogue n’est pas assez important comparé à celui de 'The Pirate Bay' par exemple", estime Laurent le Besnerais, membre du Parti pirate français.
En outre, la disponibilité tardive et la qualité médiocre des séries doublées en français défavorisent la télévision, poursuit celui-ci. "N’oublions pas que les pirates qu’on criminalise sont, en définitive, les plus gros acheteurs quand les séries sortent en DVD", tient-il par ailleurs à rappeler.
Les chaînes françaises font certes des efforts pour tenter de réduire les délais de diffusion dans l'Hexagone. Sur Canal+ par exemple, le programme de diffusion d'une série répond à un schéma bien précis. "Il y a d’abord sa diffusion linéaire pour les abonnés puis, un mois plus tard environ, sa mise en place sur Canal+ à la demande [la chaîne de VOD du groupe Canal+, ndlr]", reprend Tristan du Laz. Objectif : répondre à la demande de flexibilité des spectateurs qui ne peuvent pas forcément suivre le programme au moment où il est diffusé sur la chaîne. Mais malheureusement la version originale sous-titrée n'est toujours pas disponible pour les films et les séries à la demande.
Si, sur Canal+ à la demande, plus de 1,5 million de vidéos sont consultées chaque mois, le système ne remet pas pour autant en cause le modèle classique de consommation de la télévision, selon Tristan du Laz. "Les modes de consommation changent radicalement, mais la pertinence du modèle linéaire est toujours là", affirme celui-ci.
Alternatives
Un nombre croissant de sociétés de production préfèrent toutefois prendre les devants. Alors que la télévision négocie péniblement le virage Internet, certaines explorent des pistes alternatives, loin du schéma classique financement-production-revente. Parmi elle, la licence libre.
Le cinéaste américain Ridley Scott est le premier poids lourd d’Hollywood à avoir tenté l’aventure. Il réalise actuellement une série tirée de son célèbre film "Blade Runner" sous une "Creative Common Licence" - une licence libre. Financée grâce à la publicité et à des dons, elle pourra non seulement être téléchargée et distribuée librement, mais être aussi remixée ou modifiée par les internautes...
"C’est ça, la différence entre le libre et le gratuit, conclut Valentin Villenave, lui aussi membre du Parti pirate français. Et les gens sont prêts à payer pour ça !"