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Sous la pression des exercices militaires chinois, Taïwan dénonce son "voisin malveillant"

Les tirs de missiles balistiques chinois autour de Taïwan, qui ont débuté jeudi, sont "un sérieux problème qui affecte notre sécurité nationale", s'inquiète le Premier ministre nippon Fumio Kishida tandis que Taïwan dénonce l'attitude de son "voisin malveillant".

Taïwan a fustigé vendredi 5 août son "voisin malveillant" au deuxième jour des plus grands exercices militaires jamais organisés autour de l'île par la Chine, insensible aux protestations outrées des États-Unis et de leurs alliés.

Pékin a tiré jeudi des missiles balistiques et déployé son aviation et sa marine de guerre dans six zones maritimes autour de Taïwan, s'approchant jusqu'à 20 km des côtes et perturbant des routes commerciales parmi les plus fréquentées du monde, pour exprimer sa colère après la visite à Taipei de la présidente de la Chambre des représentants américaine, Nancy Pelosi.

La Chine communiste, qui considère que Taïwan fait partie de son territoire, a perçu cette visite comme une provocation majeure. Washington a pour sa part accusé le gouvernement chinois d'avoir surréagi.

Les exercices – dont un "assaut de missile conventionnel" dans les eaux à l'est de Taïwan selon le ministère chinois de la Défense – doivent se poursuivre jusqu'à dimanche midi. Vendredi, Taipei a affirmé que de nombreux "avions et navires de guerre" avaient franchi en fin de matinée la "ligne médiane" du détroit de Taipei, qui sépare l'île du continent.

Selon l'agence officielle Chine Nouvelle, l'Armée populaire de libération a "fait voler plus de cent avions de guerre, y compris des chasseurs et des bombardiers", et déployé "plus de dix destroyers et frégates" jeudi.

La chaîne publique CCTV a affirmé que des missiles chinois avaient même survolé Taïwan pour la première fois.

Le gouvernement taïwanais a lui indiqué que l'armée chinoise avait lancé 11 missiles balistiques de classe Donfeng "en plusieurs salves". Le Japon en a dénombré neuf, dont quatre "auraient survolé l'île principale de Taïwan".

Le ministère de la Défense de Taipei n'a toutefois pas confirmé la trajectoire des projectiles, "considérant que l'objectif principal du lancement de missiles par le PCC (Parti communiste chinois) est de nous intimider et dans le but de protéger les capacités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance de l'armée", selon un communiqué.

"Opérations militaires provocatrices"

"Nous ne nous attendions pas à ce que le voisin malveillant fasse étalage de sa puissance à notre porte, et mette arbitrairement en péril les voies navigables les plus fréquentées du monde par ses exercices militaires", a déclaré à la presse le Premier ministre taïwanais, Su Tseng-chang.

Washington a accusé Pékin d'avoir "choisi de surréagir" à la visite de Nancy Pelosi, et prévenu que son porte-avions USS Reagan continuerait à "surveiller" les environs de l'île, tout en annonçant avoir reporté un test de missile intercontinental pour éviter d'aggraver la crise.

La Chine "a utilisé la visite de la présidente de la Chambre des représentants comme prétexte afin d'accroître ses opérations militaires provocatrices dans et autour du détroit de Taïwan", a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche pour les questions stratégiques, John Kirby.

"La température est assez élevée", mais les tensions "peuvent baisser très facilement si les Chinois arrêtent ces exercices militaires très agressifs", a-t-il estimé.

Le Japon a exprimé une protestation diplomatique formelle contre Pékin, estimant que cinq des missiles chinois étaient tombés à l'intérieur de sa zone économique exclusive (ZEE).

Ces manœuvres sont "un sérieux problème qui affecte notre sécurité nationale et celle de nos citoyens", a déclaré le Premier ministre nippon, Fumio Kishida. "Nous appelons à l'arrêt immédiat des exercices militaires."

À Tokyo, dernière étape de sa tournée asiatique mouvementée, Nancy Pelosi a affirmé que les États-Unis "ne permettront pas" à la Chine d'isoler Taïwan.

Cette tournée dans la région "ne visait pas à changer le statu quo ici en Asie, à changer le statu quo à Taïwan", a-t-elle assuré.

Fermeture de voies de transport

De son côté, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a déclaré à Phnom Penh, en marge d'un sommet régional jeudi, que la "provocation flagrante" des États-Unis avait créé un "précédent fâcheux".

"Si elle n'est pas corrigée et contrée, le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures existera-t-il toujours ? Le droit international sera-t-il toujours respecté ?", a-t-il questionné, selon Chine Nouvelle.

Les manœuvres empiètent sur certaines des routes maritimes les plus fréquentées de la planète, par lesquelles des équipements électroniques essentiels provenant des usines d'Asie de l'Est sont acheminés vers les marchés mondiaux.

Le Bureau maritime et portuaire de Taïwan a mis en garde les navires passant dans cette zone, et plusieurs compagnies aériennes internationales ont indiqué à l'AFP qu'elles dérouteraient leurs vols pour éviter l'espace aérien autour de l'île.

"La fermeture de ces voies de transport – même temporairement – a des conséquences non seulement pour Taïwan, mais aussi pour les flux commerciaux liés au Japon et à la Corée du Sud", a écrit dans une note Nick Marro, analyste principal du commerce mondial de l'Economist Intelligence Unit.

Mais les marchés de Taipei semblaient ignorer les tensions. L'indice Taiex Shipping and Transportation de Taïwan, qui suit les principales valeurs du transport maritime et aérien, gagnait 2,3 % vendredi matin.

Les analystes s'accordent à dire que, malgré son attitude agressive, Pékin ne souhaite pas pour l'instant une confrontation armée avec les États-Unis et leurs alliés au sujet de Taïwan.

"La dernière chose que Xi souhaite est le déclenchement d'une guerre accidentelle", a déclaré à l'AFP Titus Chen, professeur associé de sciences politiques à l'Université nationale Sun Yat-Sen de Taïwan.

Avec AFP

Tags: Japon, Taïwan, Chine, Asie,