Au Soudan, des milliers d'opposants au pouvoir militaire ont manifesté, samedi, dans plusieurs villes du pays, dont la capitale, Khartoum, où siègent les autorités de transition dirigées par le général Burhane. Les forces de sécurité ont fait usage de grenades lacrymogènes pour repousser la foule.
Des dizaines de milliers de manifestants hostiles au pouvoir militaire ont de nouveau essuyé, samedi 25 décembre, des tirs de grenades lacrymogènes au Soudan, où les autorités avaient coupé les communications après deux mois de putsch et d'une répression qui a fait 48 morts.
La foule, parvenue aux portes du palais présidentiel de Khartoum où siègent les autorités de transition chapeautées par le général Abdel Fattah al-Burhane, auteur du coup d'État du 25 octobre, se dispersait en début de soirée sous les coups de charge policière.
Un journaliste de l'AFP a vu des blessés évacués par des manifestants. De son côté, le syndicat de médecins pro-démocratie, qui recense les victimes de la répression depuis 2018, a rapporté que les forces de sécurité avait tiré des grenades lacrymogènes jusque dans les hôpitaux, s'en prenant aux médecins comme aux blessés.
Les heurts les plus violents ont eu lieu aux abords des ponts reliant les banlieues à Khartoum, barrés par les forces de l'ordre dont les grues avaient dès l'aube déposé des containers en travers des ouvrages.
Dès les premières heures du jour, les autorités ont tenté de verrouiller le pays : d'abord, le réseau Internet mobile a disparu, puis les communications téléphoniques n'ont plus fonctionné et les manifestants qui prévoyaient de venir des différents quartiers et banlieues vers le palais présidentiel ont découvert que dans la nuit des grues étaient venues déposer d'énormes containers en travers des ponts sur le Nil.
Il n'empêche, ils étaient de nouveau des dizaines de milliers à Khartoum, dans ses banlieues, mais aussi à Madani, à 150 kilomètres au sud de la capitale, à Atbara (nord) et à Port-Soudan (est), selon des témoins, à conspuer l'armée, son chef Burhane et même le Premier ministre civil, Abdallah Hamdok sous une nuée de drapeaux soudanais et les youyous de manifestantes.
Une dernière mobilisation marquée par des tirs à balles réelles
Il y a moins d'une semaine déjà, pour le troisième anniversaire du lancement de la "révolution" ayant forcé en 2019 l'armée à mettre fin à 30 ans de dictature militaro-islamiste d'Omar el-Béchir, les partisans d'un pouvoir civil avaient montré qu'ils pouvaient encore mobiliser.
Ce jour-là, les forces de sécurité ont tiré à balles réelles, fait pleuvoir des grenades lacrymogènes sur les centaines de milliers d'entre eux sortis dans la rue et même recouru, selon l'ONU, à une arme déjà utilisée au Darfour en guerre : le viol.
Samedi, les autorités ont eu recours à un autre outil de taille : comme durant près d'un mois après le putsch, elles ont coupé les Soudanais du monde.
"La liberté d'expression est un droit fondamental et cela inclut l'accès total à Internet", a déjà protesté l'émissaire de l'ONU, Volker Perthes, rappelant que "personne ne devrait être arrêté pour avoir eu l'intention de manifester" alors que les militants font état de rafles depuis vendredi soir dans leurs rangs.
Nouvelle manifestation prévue le 30 décembre
En apparence, après son putsch dénoncé par le monde entier ou presque, le général Burhane a rétabli le Premier ministre civil, Abdallah Hamdok, mais le Soudan n'a toujours aucun gouvernement, condition sine qua non à la reprise de l'aide internationale, vitale pour ce pays, l'un des plus pauvres au monde.
En outre, il promet les premières élections libres depuis des décennies en juillet 2023, sans convaincre les partisans d'un pouvoir uniquement civil dans le pays, sous la férule de l'armée quasiment sans interruption en 65 ans d'indépendance.
Ils ont ainsi déjà annoncé qu'ils manifesteraient de nouveau le 30 décembre au Soudan, englué dans le marasme politique et une inflation à plus de 300 %.
Avec AFP