Joe Biden et Vladimir Poutine se sont entretenus mardi sur fond de crise à la frontière entre la Russie et l'Ukraine. Le chef d'État américain a averti son homologue que la Russie subirait de "fortes sanctions", notamment économiques, en cas d'escalade militaire avec Kiev.
La visioconférence a remplacé le téléphone rouge. Joe Biden et Vladimir Poutine ont échangé durant deux heures, mardi 7 décembre, sur fond de vives tensions en Ukraine.
Le président américain a exprimé à cette occasion ses vives préoccupations face aux actions russes en Ukraine, a indiqué la Maison Blanche, ajoutant qu'il avait prévenu le président russe que Washington et ses alliés répondraient par des mesures économiques fortes en cas d'escalade militaire.
Joe Biden participait à la conversation en visioconférence depuis la "Situation Room" de la Maison Blanche, fermée aux journalistes. Le choix par les Américains de cette salle ultra-sécurisée, d'où l'exécutif américain pilote les interventions militaires sensibles, révèle le haut degré de tension à Washington.
Répondant aux menaces de sanctions formulées par Joe Biden, "Vladimir Poutine a répondu qu'il ne fallait pas rejeter la responsabilité sur les épaules de la Russie" étant donné le comportement de l'Alliance atlantique en Ukraine, a écrit le Kremlin dans un communiqué.
Le président russe a également a dénoncé auprès de son homologue américain le potentiel militaire croissant de l'Otan aux frontières de la Russie, lié à son soutien à l'Ukraine, et il a demandé des "garanties" sur le non-élargissement de l'alliance vers l'Est.
Entretien de Macron avec les présidents russe et ukrainien
Washington avait fait savoir que le président américain Joe Biden avait parlé avec les dirigeants français, allemand, italien et britannique à la suite de l'entretien avec Vladimir Poutine, pour "les informer" de ses échanges "et se consulter sur la marche à suivre".
"Les cinq leaders ont réaffirmé leur détermination à œuvrer ensemble pour garantir la souveraineté de l'Ukraine et veiller à ce que sa stabilité et sécurité soient assurées", a indiqué l'Élysée dans un communiqué émis à la suite de l'échange avec Joe Biden. "À cet égard, ils demeurent vigilants sur les initiatives agressives qui pourraient être prises par la Russie envers l'Ukraine", ajoute Paris.
Le président français Emmanuel Macron a annoncé un entretien "dans les prochains jours" avec ses homologues ukrainien et russe afin d' éviter une escalade militaire en Ukraine.
Un exercice d'équilibriste difficile pour Biden
Washington et Kiev accusent Moscou de masser des troupes à la frontière avec l'Ukraine pour attaquer le pays, rejouant le scénario qui avait vu les Russes annexer la péninsule de Crimée en 2014, et précipiter l'Ukraine dans une guerre qui a fait plus de 13 000 morts. Les experts sont partagés : beaucoup pensent que Vladimir Poutine bluffe, mais peu évacuent complètement l'hypothèse d'une attaque.
Si Moscou devait passer à l'acte, un haut responsable de la Maison Blanche a détaillé lundi les leviers que les États-Unis seraient prêts à actionner. D'abord, "les États-Unis répondraient favorablement" à une demande de présence militaire accrue de la part de leurs alliés de l'Otan en Europe de l'Est. Ensuite, ils soutiendraient davantage l'armée ukrainienne. Enfin, Washington prendrait des sanctions économiques lourdes contre le régime de Vladimir Poutine, et surtout différentes de celles empilées depuis 2014 contre la Russie, sans grand effet.
Mais "les États-Unis ne cherchent pas à se retrouver dans une position où l'usage direct de forces américaines serait au centre de [leurs] réflexions", selon le haut responsable américain. En clair : pas question pour l'instant d'une réplique militaire américaine directe.
Joe Biden, qui a traité Vladimir Poutine de "tueur", joue une partition délicate. Il se veut le grand porte-parole des démocrates dans le monde. Il organise d'ailleurs jeudi et vendredi un "sommet des démocraties" virtuel, vertement critiqué par Moscou et Pékin qui n'y sont pas invités. Et il lui faut gérer habilement la crise ukrainienne, sous peine d'échauder encore plus les alliés traditionnels des États-Unis, déjà irrités par le retrait d'Afghanistan, mené de manière chaotique, et sans grande concertation selon eux.
Certains experts estiment que la tenue même de ce sommet est en soi une victoire pour Vladimir Poutine, qui veut affirmer la Russie comme une puissance dans le jeu géopolitique mondial, aujourd'hui dominé par la rivalité entre Chine et États-Unis.
Avec AFP