Après une journée de manifestations de Tunisiens exaspérés par leurs dirigeants, le président Kaïs Saïed a gelé, dimanche, les travaux du Parlement et limogé le chef du gouvernement Hichem Mechichi. Le chef du parti islamiste au pouvoir Ennahda, Rached Ghannouchi, observait un sit-in devant la chambre, lundi matin, à Tunis.
Le président tunisien, Kaïs Saïed, engagé depuis des mois dans un bras de fer avec le principal parti parlementaire Ennahda, a gelé, dimanche 25 juillet, les travaux du Parlement et pris en main le pouvoir exécutif, après une journée de manifestations en pleine crise sanitaire. Des milliers de protestataires réclamaient, notamment, la dissolution de l'Assemblée
Le principal parti au pouvoir en Tunisie, la formation islamiste Ennahda, a aussitôt dénoncé "un coup d'État contre la révolution et contre la Constitution, dans un communiqué publié sur sa page Facebook. Rached Ghannouchi, chef du parti, observait un sit-in devant la chambre, lundi matin, à Tunis, après avoir été empêché d'y accéder par des forces militaires, a constaté l'AFP.
Ce coup de théâtre ébranle la jeune démocratie tunisienne, qui fonctionne depuis l'adoption, en 2014, d'une Constitution de compromis selon un système parlementaire mixte, dans lequel le président a comme prérogatives la diplomatie et la sécurité.
Scènes de liesse
"Selon la Constitution, j'ai pris des décisions que nécessite la situation afin de sauver la Tunisie, l'État et le peuple tunisien", a déclaré Kaïs Saïed à l'issue d'une réunion d'urgence au Palais de Carthage avec des responsables des forces de sécurité. "Nous traversons des moments très délicats dans l'histoire de la Tunisie", a-t-il ajouté. "Le président se chargera du pouvoir exécutif avec l'aide d'un gouvernement dont le président sera désigné par le chef de l'État", a-t-il ajouté. Dans un communiqué publié sur Facebook, la présidence a ensuite précisé que le gel du Parlement était en vigueur pour 30 jours.
Klaxons, feux d'artifice, you-you : des centaines de personnes ont bravé le couvre-feu et se sont rassemblées sur l'avenue Bourguiba, la principale artère de Tunis, mais aussi dans de nombreux quartiers de la capitale, à la suite de cette annonce. Des scènes similaires ont également eu lieu dans d'autres villes du pays.
L'annonce fait suite à des manifestations dans de nombreuses villes du pays dimanche, en dépit d'un important déploiement policier pour limiter les déplacements. Les milliers de protestataires ont notamment réclamé la "dissolution du Parlement".
"La Constitution ne permet pas la dissolution du Parlement mais elle permet le gel de ses activités", a déclaré Kaïs Saïed, s'appuyant sur l'article 80 qui permet ce type de mesure en cas de "péril imminent". Le président a annoncé qu'il se chargeait du pouvoir exécutif, avec "l'aide du gouvernement" qui sera dirigé par un nouveau chef qu'il désignera. Il a en outre annoncé lever l'immunité parlementaire des députés.
Exaspération de l'opinion
L'opinion publique tunisienne est exaspérée par les conflits entre partis au Parlement, et par le bras de fer entre le chef du Parlement Rached Ghannouchi - aussi chef de file d'Ennahda - et le président Saïed, qui paralyse les pouvoirs publics.
Elle dénonce aussi le manque d'anticipation du gouvernement face à la crise sanitaire, laissant la Tunisie à court d'oxygène. Avec ses près de 18 000 morts pour 12 millions d'habitants, le pays a l'un des pires taux de mortalité au monde dans cette pandémie.
Plusieurs milliers de Tunisiens ont manifesté, dimanche, contre leurs dirigeants, notamment contre la formation islamiste Ennahda. Ils ont crié des slogans hostiles à cette formation et au Premier ministre qu'elle soutient, Hichem Mechichi, scandant "le peuple veut la dissolution du Parlement". "Changement de régime", était-il également inscrit sur des pancartes. Des locaux et symboles d'Ennahda ont été pris pour cible.
Des appels à manifester le 25 juillet, jour de la fête de la République, circulaient depuis plusieurs jours sur Facebook, émanant de groupes non identifiés. Ils réclamaient entre autres un changement de Constitution et une période transitoire laissant une large place à l'armée, tout en maintenant le président Saïed à la tête de l'État.
Avec AFP