
Au procès Bygmalion, devant le tribunal correctionnel de Paris, l'ancien président Nicolas Sarkozy a nié, mardi, toute "intention de fraude" ou toute "négligence" au sujet du "financement illégal" de sa campagne présidentielle de 2012.
Interrogé au procès de l'affaire Bygmalion au tribunal de Paris, mardi 15 juin, Nicolas Sarkozy a nié toute "intention de fraude" ou toute "négligence" dans le financement de sa campagne pour l'élection présidentielle de 2012.
L'ancien président a réfuté toute connaissance d'un montage frauduleux aux fins de financer cette campagne pour quelque 42,8 millions d'euros, près du double du plafond autorisé.
L'ex-président est poursuivi pour "financement illégal de campagne électorale", passible d'un an d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende, aux côtés de 13 autres prévenus – anciens cadres de Bygmalion et de l'UMP, experts-comptables – poursuivis pour "faux", "usage de faux", "abus de confiance" ou "escroquerie", des délits passibles de trois à cinq ans de prison et 375 000 euros d'amende.
"Elle est où la campagne somptueuse, la campagne en or massif ?"
Grand absent des débats depuis l'ouverture du procès le 20 mai, Nicolas Sarkozy, masque noir et costume bleu nuit, s'est défendu d'avoir pris la moindre part au système de fausses factures avec force gestes et arguments, partant parfois dans des digressions sur sa vie politique.
"Est-ce que j'ai une intention de fraude, une intention de trafiquer ? (...) Je réponds le non le plus formel à tout ça", a-t-il déclaré à la présidente, Caroline Viguier, qui l'interrogeait.
"Y-a-t-il eu un seul moment où j'ai passé outre à un seul de leur avertissement ou de leur conseil ? Non", a-t-il martelé, évoquant les ex-dirigeants de l'UMP, les responsables de l'agence de communication Bygmalion et son équipe de campagne. "Moi, à partir du moment où ça fonctionnait et où tout le monde me disait que ça passait, je n'avais aucune raison de m'en préoccuper plus que cela", a-t-il plaidé.
Des explications à rebours des auditions de Jean-François Copé, ex-secrétaire général de l'UMP, et de son directeur de cabinet d'alors, Jérôme Lavrilleux, qui ont évoqué, sans le nommer, "un candidat" décisionnaire et au fait de "la valeur des choses".
"Elle est où la campagne qui s'emballe, la campagne somptueuse, la campagne en or massif ? Qu'on me dise en quoi ma campagne a été différente de celle de Monsieur Hollande et de celle de Madame Le Pen", a notamment souligné l'ancien président à propos de la campagne qui a abouti à sa défaite face au socialiste François Hollande, en mai 2012.

"Financement illégal de campagne"
Le prix réel des quelque 40 meetings organisés par l'agence événementielle Bygmalion avait été drastiquement réduit, et le reste – 80 % des factures – réglé par l'UMP (devenu LR), au nom de conventions fictives du parti.
Contrairement aux autres prévenus, renvoyés notamment pour escroquerie ou usage de faux, Nicolas Sarkozy n'est pas mis en cause pour ce système, et comparaît pour "financement illégal de campagne" uniquement.
En mars, il était devenu le premier ex-président de la Ve République à être condamné à de la prison ferme (trois ans dont un ferme), pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite "des écoutes".
Dans le dossier Bygmalion, "l'enquête n'a pas établi" selon l'accusation que Nicolas Sarkozy aurait pu "ordonner", "participer", voir même être informé du système.
Mais le président-candidat, loin d'être "déconnecté de sa campagne", a fait le choix avec son équipe de "meetings spectaculaires et dispendieux", et demandé d'accélérer le rythme – jusqu'à un meeting par jour. Une campagne "d'une rare densité", marquée par une "totale improvisation" des donneurs d'ordre, avait décrit l'accusation.
"Faut que ça pète"
Pour les organisateurs, une consigne : "Faut que ça pète", avait résumé au début du procès le responsable des meetings chez Bygmalion, Franck Attal.
L'accusation estime que Nicolas Sarkozy a laissé filer les dépenses, malgré plusieurs alertes claires sur les risques de dépassement, et ainsi "incontestablement" bénéficié de la fraude, qui lui a permis de disposer de "moyens bien supérieurs" à ce qu'autorisait la loi : au moins 42,8 millions d'euros au total, soit près du double du plafond légal à l'époque.
Pour lui éviter de devoir reconnaître publiquement que ses dépenses avaient dérivé "de manière spectaculaire", "avec les conséquences politiques et financières" qui s'en seraient suivies, dit l'accusation, il a été décidé de "purger" le compte de campagne.
Une thèse à laquelle ne croit pas Nicolas Sarkozy : le prix de ses meetings était "parfaitement en ligne" avec ceux de son opposant François Hollande, avait-il dit aux enquêteurs. Alors, "où est passé cet argent ?"
L'ex secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé, blanchi dans cette affaire et entendu comme simple témoin la semaine dernière, a bien une idée. "Il faut toujours se demander à qui cela profite", avait-il répondu au tribunal alors qu'on lui demandait son "hypothèse" sur la question du procès : qui a ordonné la fraude ?
"Les décisions se prenaient à l'Élysée"
Les sarkozystes et copéistes se sont toujours rejeté la responsabilité de ce scandale qui a causé des déflagrations en série à droite. Quand l'affaire avait été révélée dans la presse, en 2014, Jean-François Copé avait d'abord été accusé d'être derrière un système créé pour constituer une "caisse noire" dédiée à son avenir politique.
Jérôme Lavrilleux, à l'époque directeur de cabinet de Jean-François Copé et directeur-adjoint de la campagne, et seul à l'UMP à avoir reconnu la fraude, assure que ni son patron, ni Nicolas Sarkozy, n'avaient été mis au courant.
Les autres anciens cadres de l'UMP et de la campagne ont, de leur côté, évité de parler de l'ex-chef de l'État. "Les décisions se prenaient à l'Élysée", a-t-on tout au plus entendu.
En marge de l'interrogatoire du directeur de campagne Guillaume Lambert la semaine dernière, un avocat de la défense s'en était étonné : "Quelqu'un va poser une question sur Sarkozy à un moment ?" Le procès est prévu jusqu'au 22 juin.
Avec Reuters et AFP