
Nous recevons cette semaine Fabrice Leggeri, le directeur exécutif de l’agence Frontex, qui surveille les frontières extérieures de l’Union européenne. L’agence est née en 2005, mais c’est à partir de la crise des réfugiés de 2015 qu’elle devient une pièce maîtresse du dispositif européen de surveillance des frontières externes. Alors qu’elle commence à disposer de moyens conséquents, ses actions sont aujourd’hui sur la sellette. Des enquêtes de presse, des ONG ou des instances européennes pointent des manquements, sur lesquels elle doit s’expliquer depuis plusieurs mois.
En octobre 2020, l’agence Frontex a été l’objet d'accusations de refoulement illégal de demandeurs d’asile en mer Égée, relayées par ce que le directeur exécutif de l’agence dénonce comme “une campagne de presse organisée”. Alors que d’aucuns, parmi les institutions européennes, souhaitaient le voir démissionner, Fabrice Leggeri affirme n’y avoir jamais pensé car “quand on est certain d'avoir appliqué tout ce qu'il faut appliquer, on n’abandonne pas le navire”.
Il rappelle qu’il a “immédiatement diligenté une enquête” et également “demandé au conseil d’administration de Frontex et à la Commission européenne de faire leur propre enquête” – dont les conclusions montrent qu’il n’y a “aucune preuve de l’implication directe ou indirecte de Frontex.” Mais afin de parer de futures accusations du même type, il se dit “absolument favorable à filmer les activités des agents de Frontex” car “c’est la meilleure façon de montrer leur bonne foi et de s’assurer que les consignes sont respectées, avec les règles de l’art et de la déontologie”.
Fabrice Leggeri tient par ailleurs à souligner que les opérations maritimes de Frontex sont régies par le droit européen, “qui dit clairement que lorsque l’on n’a pas affaire à un cas de secours en mer, des interceptions maritimes sont possibles. (...) Si un bateau est suspecté d’activité criminelle, il peut recevoir l’instruction de ne pas se maintenir dans les eaux territoriales ou de ne pas y entrer”.
L'agence Frontex va "améliorer (s)a transparence"
Avec une dotation de 5,6 milliards d’euros, Fabrice Leggeri reconnaît que Frontex est dans une “situation budgétaire qui peut faire des envieux” et qu’il “peut y avoir des réticences à doter une agence d’autant de moyens”. Quant aux dépenses de l’agence, épinglées pour l’organisation de rassemblements de gardes-côtes et de gardes-frontières, il assure que les deniers sont dépensés en toute transparence, et rappelle que “les comptes budgétaires de l’année 2019 ont reçu un avis favorable de la Cour des Comptes”.
Le directeur exécutif de Frontex réagit également aux “critiques d’avoir des contacts avec l’industrie”, et rappelle que “c’est le mandat de l’agence de développer des solutions technologiques pour l’Union européenne en matière de contrôle des frontières”. Mais il assure néanmoins que l’agence va “améliorer la transparence” et qu’un “registre sera établi pour recenser de façon plus précise qui participe à quelle réunion”.
Fabrice Leggeri se dit enfin “tout à fait satisfait” de l’existence du Scrutiny Group, le groupe de contrôle parlementaire européen par lequel il a été auditionné, car c’est “très sain pour la démocratie” d’avoir du temps pour “de vraies questions auxquelles j’apporte de vraies réponses, dans un cadre serein”, précise-t-il.
Émission préparée par Céline Schmitt, Isabelle Romero, Mathilde Bénézet et Perrine Desplats