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Miles est noir, so what ?

Miles Davis était bop, cool, hard, rock, funky... et noir. Quelle place a eue la question noire dans son parcours ? Éléments de réponse avec l'exposition que lui consacre la Cité de la musique.

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À l'heure de la présidence Obama et du "Black is the new black" ("Etre noir est devenu un impératif" en référence au noir, le plus classique des coloris en couture), il nous a semblé pertinent de poser la question pour ce musicien hors normes. Miles Davis est noir, so what ? Il n'y a sûrement pas de déterminisme dans le parcours musical de Miles, bien au contraire, il est en perpétuelle invention. Mais on perçoit chez lui un jeu de chat et souris avec la question noire, une hantise, une hypersensibilité, qui remonte à son enfance. Ses parents appartiennent à la bourgeoisie noire émergente de Saint Louis (Missouri), tiraillée entre la fierté communautaire et la volonté de s'élever à la condition des Américains d'origine européenne.

Il apprend à jouer de la trompette, instrument roi des orchestres de jazz, celui de Buddy Bolden, de King Oliver et de Louis Armstrong, plutôt que du violon. Au grand dam de sa mère qui voulait se conformer aux canons de la bourgeoisie blanche.

Bien plus tard, il insiste auprès du label Columbia pour que ses compagnes - noires - figurent sur ses pochettes de disque (à commencer par l'album "Miles Ahead", 1957), à la place de pin-ups blanches.

Son usage névrotique de l'argot venu des bas-fonds de New-York, son amour immodéré de l'argent et des belles voitures, peuvent être compris comme une obsession d'être toujours proche du ghetto, une revanche sur les codes blancs. La bavure policière dont il est victime en 1959 le marque considérablement. L'année suivante, le critique Ralph Gleason écrit dans le "New-York Journal American" :  "Pour la communauté noire, il est devenu le symbole de l'homme noir d'aujourd'hui qui cherche à réussir sans faire de concessions au public, sans prostituer son talent, sans cultiver de relations inutiles, sans rechercher de protecteurs influents. En d'autres termes, Miles Davis rejette complètement le genre 'Oncle Tom'." 

Pour autant, Miles n'a pas d'œillères militantes. Il estime que "Bill et Gil", le pianiste Bill Evans et le compositeur-arrangeur Gil Evans, sont les deux plus grands musiciens de sa génération - ils sont tous deux blancs et pétris de musique classique

européenne. Des confrères musiciens ne comprennent pas qu'il recrute le pianiste Keith Jarrett et le bassiste Dave Holland, plutôt que des musiciens noirs. Les Black Panthers auraient voulu en faire un porte-drapeau de la cause communautaire, Miles ne cède pas.

Un détail parmi tous les documents réunis par Vincent Bessières dans l'exposition consacrée à Miles à la Cité de la musique : les carnets de la baronne Pannonica de Koenigswarter, qui recueillait les trois vœux des musiciens de jazz qu'elle rencontrait. La réponse de Miles est lapidaire :  "To be white".


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