La manifestante de 20 ans blessée par balles la semaine dernière lors d'une manifestation contre le coup d'État militaire en Birmanie est décédée vendredi matin, a annoncé l'hôpital où elle était traitée. Mya Thwate Thwate Khaing, qui venait de fêter ses 20 ans, est la première victime de la répression des généraux.
La répression des militaires birmans contre les manifestants qui dénoncent leur putsch a fait une première victime, vendredi 19 février, avec le décès d'une jeune femme blessée par balle la semaine dernière.
Mya Thwate Thwate Khaing, âgée de 20 ans, avait reçu une balle dans la tête le 9 février lors d'une manifestation à Naypyidaw, la capitale administrative de la Birmanie, violemment réprimée par les forces de l'ordre. L'hôpital qui soignait celle qui est rapidement devenue un symbole de résistance a annoncé son décès vendredi matin.
"Nous confirmons sa mort à 11 heures ce matin", a dit à l'AFP son médecin, ajoutant que son corps avait été transporté à l'institut médico-légal de Naypyidaw pour examen.
"Nous garderons [la cause du décès] enregistrée et en enverrons une copie aux autorités. Nous chercherons justice et avancerons", a ajouté le médecin, qui a voulu conserver l'anonymat.
Il a indiqué que le personnel de l'hôpital avait fait face à une pression immense dès que Mya Thwate Thwate Khaing avait été admise dans l'unité de soins intensifs.
"Certains ont déjà quitté l'hôpital à cause de la pression", a-t-il affirmé.
Une bonne partie du pays s'est soulevée quand la junte a déposé la cheffe du gouvernement civil Aung San Suu Kyi le 1er février et l'a placée en résidence surveillée.
Les forces de sécurité ont montré depuis leur détermination à réprimer toute dissension en déployant des troupes contre des manifestations pacifiques, et en utilisant gaz lacrymogènes, canons à eau et balles en caoutchouc contre les manifestations.
Le porte-parole militaire devenu ministre adjoint de l'Information, Zaw Min Tun, a confirmé cette semaine que "Mya" avait été victime de tirs et a assuré que les autorités continueraient d'enquêter sur l'affaire.
Sanctions internationales
Les pressions se sont multipliées sur les généraux qui ont jusqu'ici fait la sourde oreille face aux multiples condamnations internationales et sanctions
Le Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale, a annoncé jeudi sanctionner pour "graves violations des droits humains" trois généraux birmans.
Ils auront leurs actifs gelés sur le territoire britannique et y sont interdits de séjour, tandis que Londres va chercher à empêcher ses entreprises de collaborer avec les militaires.
Le Canada va de son côté sanctionner neuf responsables militaires birmans, accusant la junte d'avoir entrepris "une campagne systématique de répression à travers des mesures législatives coercitives et l'usage de la force".
"Le Canada est aux côtés du peuple birman dans ses aspirations à la démocratie et aux droits de l'homme", a souligné le ministre des Affaires étrangères, Marc Garneau.
Le chef de la junte Min Aung Hlaing est devenu un paria au plan international depuis les exactions commises contre les musulmans rohingyas en 2017.
La semaine dernière, le président américain Joe Biden avait déjà annoncé que Washington bloquerait l'accès des généraux à un fonds d'un milliard de dollars aux États-Unis.
Les groupes de défense des droits de l'Homme ont salué ces initiatives, mais estimé qu'il fallait aller plus loin pour sanctionner les affaires des militaires dans l'extraction de pierres précieuse et les secteurs de la bière ou de la banque.
Les sanctions "ne sont pas suffisantes pour demander des comptes aux militaires et saper leur puissance économique", a observé Paul Donowitz, de l'ONG britannique Global Witness.
"Nous espérons une annonce de sanctions de l'Union européenne lundi", a précisé Thinzar Shunlei Yi, l'un des militants qui a lancé une campagne de désobéissance civile.
Coupures d'internet et arrestations nocturnes
Malgré la répression sévère, les appels à la désobéissance civile se poursuivent avec de nombreuses manifestations et grèves.
La Birmanie a subi des coupures d'Internet pour la cinquième nuit consécutive, selon NetBlocks, un observatoire spécialisé installé au Royaume-Uni, qui a signalé une reprise du trafic à la normale vers 9h, heure locale, vendredi matin.
Des centaines de personnes s'étaient alors déjà rassemblées aux grandes intersections de Rangoun, la plus grande ville du pays, avec des affiches à l'image de Aung San Suu Kyi demandant "la liberté pour notre leader"
Dans la région éloignée de Sagaing, des files de manifestants marchaient à travers la ville de Monywa, avec trois doigts levés, signe de rébellion inspiré de la série de films "Hunger Games", aussi utilisé en Thaïlande.
La junte a continué à placer en détention des alliés de l'ancienne cheffe du gouvernement, ainsi que des fonctionnaires qui participent au mouvement de protestation.
Plus de 520 personnes ont été arrêtées depuis début février, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP).
Les militaires ont justifié leur coup d'État par des allégations de fraudes électorales massives au cours des élections de novembre, largement remportées par le parti d'Aung San Suu Kyi.
À Naypyidaw, l'ancienne cheffe du gouvernement de 75 ans, est assignée à résidence.
La Prix Nobel de la paix 1991, qui n'a pas été vue depuis son placement en détention, est poursuivie pour des motifs non politiques. Elle est accusée d'avoir importé "illégalement" des talkie-walkies et d'avoir avoir violé "la loi sur la gestion des catastrophes naturelles". Elle doit comparaître le 1er mars.
Avec AFP