De sa naissance à Coblence aux accusations portées par une journaliste allemande en passant par le duo qu'il aura incarné avec Helmut Schmidt, Valéry Giscard d'Estaing aura entretenu une relation étroite et "complexe" avec l'Allemagne.
La chancelière Angela Merkel a rendu, jeudi 3 décembre, un hommage appuyé à Valéry Giscard d'Estaing, cet "ami" de l'Allemagne, décédé la veille à l'âge de 94 ans des suites du Covid-19.
La chancelière #Merkel : « Avec le décès de Valéry Giscard d´Estaing, la France perd un homme d’État, l’Allemagne un ami et nous tous un grand Européen. Je suis reconnaissante pour les bons entretiens que nous avons eus et mes pensées sont avec sa famille. » pic.twitter.com/nduTRt6INA
— Steffen Seibert (@RegSprecher) December 3, 2020L'Allemagne aura d'emblée occupé une place à part dans le cœur de l'ancien président français, puisqu'il y était né le 2 février 1926, dans la ville de Coblence, dans le sud-ouest du pays. Son père y occupait alors la fonction de directeur financier de l'armée française en Rhénanie, zone occupée depuis la fin de la Première Guerre mondiale.
Le Second conflit mondial allait ensuite contribuer à forger la relation, "étroite et complexe" selon les termes du quotidien Die Welt, de VGE avec l'Allemagne. Celui qui a poursuivi ses études dans un Paris occupé, avant de participer à sa Libération en août 1944, racontera à maintes reprises avoir vu un Allemand pour la première fois "dans la lunette de visée d'un char", rappelle jeudi l'hebdomadaire Der Spiegel, qui le dépeint en "aristocrate et modernisateur".
En 1994, il n'avait pu retenir ses larmes en évoquant le défilé commun qu'allait pour la première fois accomplir ensemble des soldats français et allemands pour célébrer le 14 juillet, cinquante ans après la Libération.
Une relation particulière avec le chancelier Helmut Schmidt
Mais ce sont surtout ses relations avec le chancelier Helmut Schmidt, son homologue au ministère des Finances au milieu des années 1970, puis à la tête du pays, qui vont contribuer au rapprochement franco-allemand.
"Nous pleurons Valéry Giscard d'Estaing. Il a rendu d'énormes services à l'amitié franco-allemande et a eu une influence décisive sur celle-ci, également grâce à son amitié particulière avec Helmut Schmidt", chancelier de 1974 à 1982, a ainsi rappelé le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas.
Nous sommes attristés par le décès de Valéry Giscard d’Estaing. Il a rendu d’énormes services à l’amitié franco-allemande et l’a marquée de son empreinte, également par sa grande amitié avec Helmut Schmidt. Nous regretterons un grand Français et un grand Européen.
— Heiko Maas ???????? (@HeikoMaas) December 3, 2020Tout semblait pourtant séparer le libéral français et son "ami" Helmut Schmidt, social-démocrate de Hambourg. "J'ai vu un énorme nuage de fumée au bout du couloir. Et sous ce nuage de fumée est apparu Helmut Schmidt", se remémorait en 2013 Valéry Giscard d'Estaing à propos de sa première rencontre avec l'ancien dirigeant allemand, fumeur impénitent, décédé en 2015.
"Un duo franco-allemand exemplaire"
Malgré leurs différences, les deux hommes ont formé un "duo franco-allemand exemplaire", souligne Der Spiegel. Ensemble, ils ont "cofondé le Conseil européen et inventé les sommets économiques" du G5, devenu plus tard G7, rappelle le quotidien Die Welt. Ils auront aussi jeté les bases du système monétaire européen et lancé le Conseil européen, l'organe de décision des chefs d'État et de gouvernement.
Ce tandem a établi une "remarquable tradition franco-allemande : l'amitié entre un conservateur et un social-démocrate", remarque le Süddeutsche Zeitung.
Helmut Kohl et François Mitterrand, main dans la main à Verdun, avant Jacques Chirac et Gerhard Schröder, opposés à l'intervention occidentale en Irak, cultiveront ensuite ce paradoxe.
Ce rapport constant à l'Allemagne a connu un épilogue plus sombre avec une plainte pour harcèlement sexuel déposée en mai 2020 par une journaliste allemande qui l'accusait de lui avoir touché les fesses à plusieurs reprises après une interview. Des accusations réfutées par l'ancien président.
Avec AFP