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Exportations d'armes de la France : vers un contrôle du Parlement ?

Les députés Jacques Maire (LREM) et Michèle Tabarot (LR) ont rendu public, mercredi, leur rapport sur les exportations d’armes françaises. Ils proposent de créer un pouvoir de contrôle du Parlement sur l'action de l'exécutif dans ce domaine. Ces ventes d'armes suscitent en effet la controverse depuis plusieurs années, notamment dans le cadre de la guerre au Yémen.

"Un effort de transparence nécessaire vis-à-vis du Parlement." Après un an et demi de travail, le rapport sur les exportations d'armes de la France est finalement sorti, mercredi 18 novembre. Résultat d'une mission d'information créée en octobre 2018 après une polémique sur la vente d'armes de la France à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, ce rapport établit un état des lieux de la situation et fait 35 propositions, dont plusieurs visent à donner au Parlement un pouvoir de contrôle sur l'action de l'exécutif.

"Le système (de contrôle des exportations d'armes, NDLR) est opaque et l'accès à l'information est aujourd'hui difficile pour une raison bien simple, c'est que tout acteur de ce système qui en révélerait des éléments créerait une brèche dans l'obligation de maintenir le secret-défense", explique le député LREM et corapporteur du texte Jacques Maire, contacté par France 24. Et il poursuit : "Nous proposons un nouvel acteur indépendant. C'est le Parlement français, qui est légitime mais qui a aussi la possibilité de travailler dans un cadre confidentiel à l'exercice du contrôle des exportations d'armes."

Le rapport propose la création d'une "délégation parlementaire" à l'Assemblée nationale et au Sénat devant associer majorité et opposition. Cette délégation serait restreinte, précise le texte, "compte tenu de l'exigence de confidentialité, de responsabilité et de confiance dans les relations avec l'administration dans ce domaine sensible".

Cette délégation aurait pour mission "d'aborder les dossiers importants du moment et la situation dans les zones les plus sensibles", pourrait demander à consulter les licences d'exportation d'armes – ce qui n'est pas possible actuellement – ou encore procéder à des auditions de membres du gouvernement.

"Effritement du consensus"

Cette proposition va dans le sens des ONG, qui critiquent depuis plusieurs années le manque de transparence de la France en matière d'exportation d'armements. Quatorze de ces organisations ont d'ailleurs rappelé lundi dans un communiqué "qu'il [était] indispensable que le Parlement puisse enfin remplir son devoir de contrôle sur l'action du gouvernement en termes de ventes d'armes à l'étranger".

Ces ONG dénoncent les contrats de ventes d'armes passés par la France avec des pays – les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite – engagés dans le conflit au Yémen. Elles s'étaient notamment opposées, en février dernier, au passage d'un cargo saoudien dans le port de Cherbourg, soupçonné de venir chercher des armes de fabrication française à destination de l'Arabie saoudite susceptibles d'être utilisées ensuite sur le sol yéménite.

"On sent un effritement aujourd'hui dans l'opinion publique du consensus autour de cette politique publique, une multiplication des contentieux, une augmentation de la contrainte qui est liée aux traités internationaux, reconnaît le député Jacques Maire, et finalement des questions se posent pour savoir si oui ou non la France respecte ses engagements internationaux."

Un débat annuel ?

C'est pourquoi le rapport propose que le Parlement soit un relais auprès de l'opinion publique : la délégation parlementaire nouvellement créée serait chargée de publier ses travaux "assortis de commentaires et de recommandations" sur le rapport annuel déjà diffusé par le gouvernement. Cette opération de transparence pourrait même permettre à terme, selon le rapport, qu'un débat sur les exportations d'armements "soit instauré en séance publique de l'Assemblée nationale".

Les deux députés proposent une autre initiative pour plus de transparence auprès de l'opinion publique : la tenue, un jour dans l'année, d'un débat qui réunirait représentants de l'État, parlementaires, ONG, chercheurs et industriels. Cette "journée d'études ouverte" aurait pour but de "mettre en perspective" le rapport annuel et le débat parlementaire sur les exportations d'armes.

Toutes ces propositions vont-elles pour autant trouver l'oreille de l'exécutif ? "Je n'imagine pas n'avoir aucune réponse de leur part", répond Jacques Maire. "Nous avons travaillé, nous avons discuté avec toutes les parties intéressées, y compris au sein des différents ministères concernés, et nous avons essayé de produire quelque chose qui soit le plus proche possible de ce qui pourrait être un consensus. On propose de démarrer sous une forme assez légère de contrôle des exportations d'armements, on ne propose pas une révolution dans l'organisation du système."