Un accord de cessez-le-feu dans le Haut-Karabakh est entré en vigueur samedi. Depuis, Erevan et Bakou s'accusent mutuellement de violer cette trêve humanitaire, censée permettre d'échanger des prisonniers de guerre et les corps de victimes.
Alors qu'un cessez-le-feu est entré en vigueur à midi (heure locale) dans le Haut-Karabakh, l'Arménie et l'Azerbaïdjan s'accusent mutuellement depuis samedi de violer le cessez-le-feu négocié avec Moscou.
"Nouvelle attaque de missile par les forces arméniennes sur une zone résidentielle à Gandja, la deuxième ville d'Azerbaïdjan, sept morts et 33 blessés", a indiqué, dimanche 11 octobre, le ministre des Affaires étrangères sur son compte Twitter, publiant les photos de destructions.
Le ministère de la Défense de la région séparatiste a démenti avoir bombardé Gandja. "C'est un mensonge absolu", a-t-il déclaré, assurant "respecter l'accord de cessez-le-feu humanitaire" et accusant la partie azerbaïdjanaise d'avoir frappé "Stepanakert, Hadrut, Martouni et d'autres zones peuplées".
Le calme n'a régné que brièvement samedi
Après une matinée de combats samedi, le calme n'a régné que brièvement à l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, avant que les deux camps ne s'accusent à nouveau.
"L'Arménie viole de manière flagrante le cessez-le-feu, tente d'attaquer dans les directions de Fizuli-Jebrail et Agdam-Terter", a déclaré le ministère azerbaïdjanais de la Défense. "Les forces azerbaïdjanaises ont lancé une attaque à 12 h 05", soit après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu à midi, a quant à lui déclaré le ministère arménien de la Défense, dénonçant le "mensonge" de Bakou à propos des attaques arméniennes.
Dans la capitale Stepanakert, quasi-déserte, les sirènes d'alerte, qui ont résonné une grande partie de la matinée, se sont arrêtées au moment de l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, avant de reprendre. Terrés depuis des jours pour s'abriter des bombardements, les habitants sont timidement sortis sur le pas de leur porte pour regarder le ciel et tendre l'oreille.
Ce cessez-le-feu humanitaire devait permettre d'échanger des prisonniers de guerre et les corps de victimes, selon la diplomatie russe.
Sept lourdes explosions, samedi soir
Stepanakert, sous contrôle des séparatistes arméniens, a, par ailleurs, été la cible de bombardements, samedi soir, en dépit du cessez-le-feu entré théoriquement en vigueur dans la journée.
Sept lourdes explosions ont été entendues vers 23 h 30 locales, faisant trembler le sol dans toute la ville.
Immédiatement après cette salve, les sirènes d'alerte ont sonné pendant plusieurs minutes pour appeler les habitants à se réfugier dans les caves et abris. Le silence est ensuite retombé sur la ville, plongée dans l'obscurité la plus complète.
"Ces gens nous haïssent"
Stepanakert, régulièrement bombardée ces derniers jours, l'a encore été samedi matin, selon un journaliste de l'AFP. Après midi, la situation était plus calme mais des explosions résonnaient toujours au loin et peu croyaient aux chances d'une trêve.
"On connaît les Azrbaïdjanais, on ne peut pas leur faire confiance. Ils peuvent retourner leur veste en un clin d'oeil", estime Livon, un des très rares taxis circulant encore dans la capitale séparatiste. "Ce cessez-le-feu ne durera pas. C'est un stratagème pour gagner du temps et retrouver leurs forces".
"J'ai vécu près de vingt ans en Azerbaïdjan, ces gens nous haïssent. Nous ne croyons pas à un cessez-le-feu, ils veulent juste gagner du temps", renchérit Vladimir Barseghian, 64 ans, retraité et volontaire mobilisé dans un atelier d'uniformes.
Beaucoup en Azerbaïdjan se disent même opposés à cette trêve. À Bakou, Sitara Mamedova, une étudiante de 20 ans, est "déçue" : "Non au cessez-le-feu ! L'ennemi doit quitter nos terres ou être exterminé sur nos terres".
À Barda, à 40 km du front, Mourat Assadov est d'accord : "Nous devons continuer la guerre et reprendre nos terres".
L'Azerbaïdjan accuse la France de manquer à son devoir de neutralité
L'Azerbaïdjan et l'Arménie se sont également engagés "à des négociations substantielles pour parvenir rapidement à un règlement pacifique" du conflit, avec la médiation des trois coprésidents (France, Russie, États-Unis) du groupe de Minsk de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), a précisé Moscou.
Ces dernières devront "reprendre sans préconditions", a insisté la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Agnès von der Mühll.
La France a appelé à un strict respect de ce cessez-le-feu, afin de "créer les conditions d'une cessation permanente des hostilités entre les deux pays".
De son côté, le ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères a accusé la France de manquer à son devoir de neutralité dans sa tentative de médiation dans le conflit du Haut-Karabakh. Lors d'une conférence de presse, Ceyhun Bayramov a estimé que la France avait violé le principe de neutralité, soulignant que l'Azerbaïdjan n'avait en revanche observé aucune violation de ce type de la part de Moscou.
Samedi, le président russe Vladimir Poutine s'est entretenu au téléphone avec son homologue iranien Hassan Rohani des efforts de médiation russes, selon le Kremlin. Le cessez-le-feu est "un premier pas important, mais ne remplacera pas une solution permanente", a indiqué la diplomatie turque, premier soutien de Bakou.
Selon elle, l'Azerbaïdjan a donné "la dernière chance à l'Arménie de se retirer des territoires qu'elle occupe" et "a montré à l'Arménie et au monde qu'il peut reprendre ses terres occupées depuis près de trente ans".
La Turquie est accusée de participer activement aux hostilités avec l'Azerbaïdjan, ce qu'elle nie. De nombreux rapports ont fait état de combattants pro-turcs de Syrie envoyés se battre.
Avec AFP et Reuters