À moins d’un mois de la présidentielle ivoirienne, l’ancienne ministre gabonaise des Affaires étrangères, proche d’Omar Bongo, révèle dans un livre le soutien "indéfectible" qu’Omar Bongo a accordé à Alassane Ouattara. Un soutien dont l’actuel président ivoirien se passerait bien.
Omar Bongo Ondimba, qui présida aux destinées du Gabon de 1967 jusqu’à sa mort en 2009, accordait un soutien indéfectible à Alassane Ouattara. C’est ce qu’affirme l'ancienne ministre gabonaise des Affaires étrangères Laure Olga Gondjout, longtemps secrétaire particulière du président Omar Bongo, dans son livre "Instants de vie", publié le 2 octobre en Côte d'Ivoire et dévoilant les arcanes du pouvoir gabonais et de la Françafrique.
"M. Bongo avait fait le serment au président (ivoirien) Félix Houphouët-Boigny de protéger Alassane Ouattara quoi qu'il advienne car il avait une grande ambition pour lui et pour la Côte d'Ivoire", affirme à l'AFP Laure Olga Gondjout, qui était très proche d'Omar Bongo.
Le président "Bongo a accordé un soutien indéfectible à Alassane Ouattara. Mon regret, c'est que le président Bongo (décédé en 2009) n'ait pas vu Alassane installé au pouvoir en 2011 (après une décennie de crise). Quand je vois tout ce parterre de chefs d'État et que le président Bongo est absent, j'ai un pincement au cœur", raconte celle qui a été naturalisée ivoirienne par Alassane Ouattara le 28 février 2020 et vit désormais en Côte d’Ivoire.
Un soutien embarrassant
Pour Sylvain N’Guessan, analyste politique de l'Institut stratégique d'Abidjan, ces révélations n’en sont pas vraiment puisque les "observateurs savaient que Bongo faisait partie des parrains de Ouattara", assure le politologue à France 24.
Mais à un mois de l’élection présidentielle ivoirienne, il semble que ce soutien ne soit pas de bon augure pour Alassane Ouattara, soucieux de faire oublier ses soutiens lors de la crise post-électorale de 2010. "Au moment où le RHDP [Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, parti d'Alassane Ouattara] tient des discours souverainistes, cette mise au point en provenance du Gabon pourrait être interprétée comme un rappel à notre président qui tente de susciter une prise de distance par rapport à ceux qui ont aidé le président sortant à accéder au pouvoir", estime Sylvain N’Guessan.
Il faut dire qu’à l’approche de l’élection présidentielle, la tension monte en Côte d’Ivoire. Président de la République depuis le 6 mai 2011, Alassane Ouattara avait promis de laisser la place à la "jeune génération". Mais Amadou Gon Coulibaly, son dauphin, désigné pour porter les couleurs du RHDP lors du scrutin à venir, est brutalement décédé en juillet. Alassane Ouattara est alors revenu sur sa promesse, décidant de briguer un troisième mandat le 31 octobre.
L’opposition estime que ce nouveau mandat est contraire à la Constitution adoptée en 2016, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Mais le président sortant affirme pour sa part que la nouvelle Constitution a remis les compteurs à zéro.
De leur côté, les partisans de Laurent Gbagbo crient à l'injustice de voir leur leader privé d'élection présidentielle par le Conseil constitutionnel ivoirien.
"Laurent se croit plus malin"
Dans le reste de son ouvrage, l’auteure relate également des épisodes de la Françafrique. Elle raconte notamment l'épisode de 2002 quand Alassane Ouattara, qui s'était réfugié à la résidence de France d'Abidjan, avait été exfiltré. "Le président Chirac, compte tenu des relations exacerbées qu'il y avait entre Paris et Abidjan, n'avait pas souhaité recevoir Ouattara en France. Bongo a dit : 'Je le reçois à Libreville mais je n'ai pas les moyens de l'exfiltrer'", raconte Laure Olga Gondjout.
"Ils ont concocté un plan qui consistait à détourner l'attention du président Laurent Gbagbo en organisant une conférence avec (Dominique) de Villepin et simultanément un corps d'élite de l'armée française a réussi à exfiltrer Ouattara et lui permettre de prendre un avion" pour aller au Gabon. Après avoir logé quelques semaines chez un particulier, Alassane Ouattara, "pied de nez du destin", avait "la suite Chirac au Méridien" de Libreville, alors que "M. Chirac l'appréciait peu".
Laure Olga Gondjout, 66 ans, revient aussi sur la réconciliation sous forme d'accolade à Syrte, en Libye, d'Omar Bongo et de Laurent Gbagbo, alors que les diplomates de leurs deux pays étaient à couteaux tirés après les déclarations de l'Ivoirien traitant le Gabonais de "rigolo" en 2005. "'Nous sommes en Afrique, je suis le grand frère, il est le petit...’ Le patron (Bongo) me confia : 'Laurent se croit plus malin. Comme il ne veut plus que je me mêle d'histoires ivoiriennes, il a trouvé ce stratagème. Alors il pense qu'il pourra écarter Alassane Ouattara. C'est mal me connaître.’"