La première étude d'ampleur sur la propagation d'informations erronées sur le Covid-19 par les médias, publiée jeudi, a conclu que le président américain Donald Trump est la principale source de la désinformation.
Ce coup-ci, Donald Trump est vraiment le meilleur. Mais c'est, pour une fois, une prouesse dont le président américain ne devrait pas se vanter. Il a été désigné disséminateur en chef de fausses informations sur le Covid-19 par des chercheurs de l'université de Cornell, aux États-Unis, qui ont mené la première étude sur la désinformation dans les médias à l'heure du coronavirus, publiée jeudi 1er octobre.
Les propos de ce Lucky Luke de la fausse information sont à l'origine de 37,9 % de tous les articles véhiculant (à dessein ou involontairement) des rumeurs infondées sur la maladie, ont découvert ces scientifiques, qui ont analysé 38 millions d'articles anglophones dans le monde, publiés entre janvier et fin mai. C'est bien plus que toutes les autres sources et amplificateurs de "fake news" combinées, que ce soit des forums sur Internet ou par de commentateurs sur des chaînes ultraconservatrices comme One America Network.
"Remèdes miracles", les stars de la désinformation
La machine médiatique à propager des informations erronées à propos du Covid-19 a culminé le 22 avril. Ce jour-là Donald Trump avait suggéré, lors d'un point presse, d'utiliser les rayons UV ou de s'injecter du désinfectant pour lutter contre le coronavirus. Des "conseils" qui avaient suscité la consternation de la communauté scientifique et, surtout, entraîné la publication de plus de 30 000 articles consacrés à cette sortie présidentielle en une seule journée.
Les "remèdes miracles" sont, d'ailleurs, la source la plus importante de désinformation à l'heure de la pandémie. Près de 300 000 articles concernant des prétendus remèdes au Covid-19 ont été mis en ligne entre janvier et fin mai. Cette catégorie a généré plus de la moitié de l'ensemble de la désinformation véhiculée par les médias sur cette période (522 400 d'articles, d'après les auteurs de l'étude).
Outre les désinfectants et les UV, Donald Trump a aussi vanté à foison les bienfaits de l'hydroxychloroquine, alors qu'aucune étude n'est venue attester l'efficacité de ce remède très controversé promu par le microbiologiste français Didier Raoult contre le Covid. Là encore, Donald Trump a été l'un des principaux promoteurs de cette thèse aux États-Unis, allant jusqu'à affirmer en avoir pris lui-même.
Pour le président, vanter les mérites de ces traitements "imaginaires" remplit deux objectifs politiques très précis, estime le Washington Post. Ce stratagème vise à minimiser le danger d'un virus qu'il a été accusé de ne pas prendre suffisamment au sérieux, et il donne aussi l'impression que le gouvernement travaille dur à trouver des "solutions".
Mais cette exploitation politique de fausses informations a des effets secondaires dangereux, rappellent les auteurs de l'étude. Elle participe à "ce que l'Organisation mondiale de la Santé a appelé 'l'infodémie' [la circulation virale des rumeurs, NDLR] qui complique la lutte contre la pandémie car les gens qui sont induits en erreur par cette désinformation sont plus susceptibles de ne pas suivre les consignes officielles et de favoriser la propagation du virus", souligne Sarah Evanega, directrice de la Cornell Alliance for science et auteure principale de l'étude, interrogée par le New York Times.
Tel père, tel fils
Donald Trump n'est pas seulement le premier des apôtres des "remèdes miracles". Il est aussi le principal promoteur de la deuxième catégorie d'"infox" la plus populaire dans les médias : les théories du complot autour d'un État dans l'État ("deep state" dans le langage trumpien) qui profiterait de la pandémie. Le président a, ainsi, accusé la Food and drug agency (FDA, l'autorité américaine des médicaments) d'être infiltrée par des agents du "deep state" qui feraient tout pour ralentir la mise au point d'un traitement contre le Covid-19.
Quand ce n'est pas le père, c'est le fils. Donald Trump Jr. a beaucoup fait pour populariser la thèse conspirationniste selon laquelle les démocrates ont exagéré la dangerosité du Covid-19 pour nuire politiquement au président. À tel point que cette théorie se retrouve en troisième position des fausses informations les plus virales au sujet de la pandémie.
Les autres catégories d'"infox" – comme les théories sur la création du virus dans un laboratoire chinois (essentiellement promue par Steve Bannon l'ex-conseiller de Donald Trump), sur le rôle de la 5G dans la propagation du Sars-Cov-2 ou encore les accusations portées contre Anthony Fauci, le virologue en chef de l'administration américaine – sont loin d'avoir eu le même impact médiatique que les thèses portées par le président et son fils, notent les auteurs de l'étude.
Cette désinformation made in Washington est aussi celle qui réussit le mieux sur les réseaux sociaux. Rien n'égale, par exemple, la viralité des discussions autour des "remèdes miracles" : elles concernent 42 % des 32 millions de mentions de toutes les rumeurs infondées comptabilisées par les chercheurs de l'université de Cornell.
Mais Donald Trump a bien été aidé par les médias dans son entreprise de désinformation massive, regrettent les auteurs de l'étude. Seuls 16 % de tous les articles mentionnant ces élucubrations relèvent du "fact checking", c'est-à-dire de la vérification des faits. Un constat qui suggère que "les lecteurs sont exposés à une importante quantité d'informations erronées qui ne sont pas remises en cause par les médias qui s'en font l'écho", note l'étude. Une complicité passive qui, elle aussi, à des conséquences bien réelles sur le comportement des individus face au virus.