
Les informations sur l'accident survenu le 2 juillet au complexe sécurisé de Natanz, un des principaux centres du programme nucléaire iranien, ne filtrent pas. Le Conseil suprême de la sécurité nationale a pourtant annoncé, vendredi, en connaître les causes "avec précision". Cet incident fait partie d'une série d'accidents industriels, dont le dernier a eu lieu ce mardi.
S'agit-il d'un accident ou d'un sabotage ? Les causes de l'accident survenu au complexe nucléaire iranien de Natanz, jeudi 2 juillet, n'ont toujours pas été révélées. Le Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne a pourtant annoncé en avoir établi "avec précision" les causes, ajoutant, vendredi, qu'elles seraient dévoilées au public au "moment opportun".
Moins d'une semaine après cet accident, une nouvelle explosion est survenue avant l'aube mardi 7 juillet, dans une usine au sud de Téhéran faisant deux morts, a indiqué l'agence officielle Irna en attribuant cet "accident" à une erreur humaine. L'explosion est au moins la quatrième rapportée en Iran dans des installations industrielles depuis le 25 juin.
La nouvelle explosion s'est produite "à l'usine Oxijen à 03H03 (lundi 22 h 33 GMT)" dans la ville de Baqerchahr (60 000 habitants), à une vingtaine de km au sud de Téhéran, et a provoqué un incendie, a indiqué à l'AFP un porte-parole du Service national des secours. L'usine Oxijen est située dans une zone industrielle, a indiqué le préfet de la ville, Amin Babaï, cité par Irna, sans préciser les activités de l'installation.
"Des dégâts importants" à Natanz
Comment "un des hangars en construction dans (l'enceinte) du site de Natanz" a-t-il pu être endommagé ? Le communiqué de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA) est confus.
"C'était un entrepôt sans matériel" radioactif, "il n'y avait aucune main-d’œuvre sur place et nous n'avons pas eu de victime", déclare alors le porte-parole de l'OIEA, Behrouz Kamalvandi, à la télévision.
L'OIEA publie ensuite une photo d’un long bâtiment en brique de plain-pied, avec peu d'ouvertures, une partie de mur extérieur noircie comme par un incendie, un bout du toit apparemment effondré et une double porte extérieure, dont une partie des gonds semble avoir sauté. La télévision d'État montre à son tour quelques plans du bâtiment mais aucune image de l'intérieur.
Une nouvelle explosion s'est produite "à l'usine Oxijen à 03H03 (lundi 6 juillet 22H33 GMT)" dans la ville de Baqerchahr (60 000 habitants), à une vingtaine de km au sud de Téhéran, et a provoqué un incendie, a indiqué à l'AFP un porte-parole du Service national des secours. Les autorités locales attribuent cette explosion à des négligences.
Dimanche soir, dans une nouvelle interview, cette fois à l'agence officielle Irna, Behrouz Kamalvandi reconnaît "des dégâts importants sur le plan financier", sans plus de précision.
Natanz, un complexe nucléaire placé sous haute sécurité
Mais le porte-parole déclare surtout que le bâtiment endommagé était conçu pour produire à terme des "centrifugeuses avancées", laissant même entendre que l'assemblage de telles machines pourrait y avoir commencé avant l'"accident".
Le complexe Martyr-Ahmadi-Rochan de Natanz, situé à environ 250 kilomètres au sud de Téhéran, est un des principaux centres du programme nucléaire iranien, placé sous très haute sécurité.
En vertu de l'accord international sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015, la République islamique a accepté de n'y produire que de l'uranium enrichi au maximum à 3,67 %, avec un nombre limité (5 060) de centrifugeuses dites de première génération (IR-1).
Mais, depuis mi-2019, l'Iran y produit de l'uranium enrichi à 4,5 %, loin des plus de 90 % requis pour une utilisation à des fins militaires. Et ce, conformément à sa politique de désengagement progressif de l'accord de Vienne entamée en mai 2019, en riposte à la décision prise un an plus tôt par Washington de dénoncer unilatéralement ce pacte, et de rétablir de lourdes sanctions économiques contre Téhéran.
Dans son dernier rapport de contrôle des activités atomiques iraniennes publié en juin, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) note que l'Iran fait tourner à Natanz cinq cascades de centrifugeuses plus modernes que les IR-1, pas seulement pour tester ces modèles mais aussi pour produire et stocker de l'uranium enrichi, à l'encontre de ce que prévoit l'accord de 2015.
À rebours de ses engagements, l'Iran a également annoncé travailler à la mise au point de centrifugeuses plus performantes, sans aucune limite.
Accident, sabotage, cyberattaque?
Vendredi, le Conseil suprême de la sécurité nationale a annoncé que les "causes de l'accident" de Natanz avaient été établies "avec précision", mais que pour "certaines raisons de sécurité", rien ne serait révélé au public avant le "moment opportun".
Dès le 2 juillet au soir, Irna publiait une dépêche en forme d'éditorial, lourde de sous-entendus, notant que "certains comptes du régime sioniste" avaient "immédiatement attribué l'accident à un sabotage israélien". L'article mettait aussi Israël et les États-Unis en garde contre toute atteinte à "la sécurité" et aux "intérêts" de l'Iran.
Un compte Twitter attribué à un analyste israélien a publié le 1er juillet au soir un message en arabe, affirmant qu'Israël avait attaqué une usine d'enrichissement d'uranium en Iran.
BBC Persian, le service en persan de l'audiovisuel public britannique, affirme de son côté avoir reçu, "plusieurs heures avant" que ne sortent les premières nouvelles sur l'"accident", un communiqué d'une organisation inconnue, les "Guépards de la Patrie", se présentant comme un groupe "de dissidents au sein de l'appareil sécuritaire iranien" et revendiquant une "attaque contre le centre nucléaire de Natanz".
L'"accident" de Natanz est survenu à l'issue d'une semaine marquée par deux explosions à Téhéran dont l'une près d'un site militaire. Ces événements ont été présentés officiellement comme des accidents, mais nombre d'Iraniens y voient plutôt le résultat d'actions clandestines israéliennes.
Sans nier que tel puisse être le cas, le général de brigade Gholam Réza Jalali, chef de la Défense passive iranienne, déclarait jeudi soir sur la télévision d'État que toute "cyberattaque" contre des installations iraniennes, si elle était prouvée, recevrait "une réponse".
Le ministre de la Défense israélien Benny Gantz, lui, cultive l'ambiguïté : "l'Iran veut (la bombe) nucléaire, nous ne pouvons pas le laisser y parvenir", mais "nous ne sommes pas nécessairement liés à tout événement qui se passe en Iran", a-t-il déclaré dimanche soir.
La République islamique a toujours démenti chercher à se doter de l'arme atomique.
Avec AFP