Tyler Vilus, premier Français jugé par la cour d'assises spéciale de Paris pour sa participation à deux meurtres commis en Syrie entre 2013 et 2015, a échappé à la perpétuité. Le verdict est tombé tard dans la soirée de vendredi.
Trente ans de réclusion criminelle pour Tyler Vilus. La peine, prononcée vendredi 3 juillet vers 23 heures, a été assortie d'une période de sûreté des deux tiers. Condamné pour des crimes commis en Syrie de 2013 à 2015, l'émir du groupe État islamique a échappé à la perpétuité. Il est resté impassible à l'énoncé du verdict.
Le président Laurent Raviota a expliqué à Tyler Vilus que la cour d'assises spéciale de Paris avait "décidé de ne pas prononcer" de perpétuité, "ce qu'il était possible de faire", la justice l'ayant jugé coupable de toutes les infractions, y compris sa participation à l'exécution de deux prisonniers, mais qu'elle avait voulu lui "laisser une lueur d'espoir" pour qu'il puisse "évoluer".
Estimant que l'attitude de l'accusé n'avait guère été encourageante, le président a toutefois souligné qu'il avait "reconnu un élément très important" en finissant par avouer son intention de "mourir les armes à la main" lorsqu'il avait quitté la Syrie à l'été 2015.
Saluant le début d'un cheminement, le magistrat a appelé le jihadiste à bien réaliser la façon différente "dont la justice est rendue dans une République comme la nôtre et la manière dont la justice a été rendue à Shaddadi en avril 2015".
C'est dans cette ville de l'est de la Syrie que Tyler Vilus, devenu policier du groupe jihadiste, a participé à l'exécution filmée de deux prisonniers d'une balle dans la tête. Visage découvert, équipé d'un talkie-walkie et d'un pistolet automatique, il se tient debout, à deux mètres des bourreaux.
Tyler Vilus a été jugé coupable de ce crime, qu'il n'a jamais reconnu, affirmant à l'audience qu'il se trouvait là un peu par hasard "à la sortie de la mosquée". Pour l'accusation, Tyler Vilus ne faisait là qu'exercer "sa fonction de policier" : "Il fait partie de l'unité chargée d'infliger les châtiments, il est parfaitement logique qu'il soit sur une scène d'exécution."
"J'espère que vous laissez derrière vous ce rideau de morts dont a parlé l'avocat général", lui a dit le président. "Je vous remercie", lui a répondu doucement Tyler Vilus.
Dans ce dossier hors norme, si la cour a refusé de fermer la porte à tout espoir de rédemption, elle a suivi point par point le raisonnement de l'avocat général Guillaume Michelin, reconnaissant l'émir jihadiste coupable d'association de malfaiteurs terroriste, d'avoir dirigé un groupe de combattants et aussi de "meurtre en bande organisée" en lien avec une entreprise terroriste.
Tyler Vilus est l'un des premiers de sa génération à gagner la Syrie, dès la fin 2012, et l'un des rares individus encore vivants à en être revenus. "Toutes les étapes du parcours de l'accusé sont imbriquées dans celles de la construction du califat", avait asséné le représentant du parquet général.
"Ouvrir le dossier Vilus, c'est ouvrir le bottin des personnalités jihadistes francophones. Il les connaît presque toutes", avait-il ajouté, avant d'énumérer les noms de son "frère" Rached Riahi, membre de la filière de Cannes-Torcy, du Belge Mehdi Nemmouche et surtout de l'équipe des attentats du 13 novembre 2015 en France.
Installé dans la région d'Alep (nord-ouest) en mars 2013, Tyler Vilus annonce dès l'été sa promotion à sa mère Christine Rivière – elle-même condamnée à dix ans pour trois séjours en Syrie auprès de son fils : "En plus d'être flic, je suis devenu émir d'un groupe de Français."
Pour l'avocat général, il est "un chef de guerre" : posté à Hraytan, dans la périphérie d'Alep, il participe à la tête d'un groupe de combattants francophones à des "opérations de nettoyage", il est "félicité pour son efficacité meurtrière".
À partir de 2014, il s'établit comme "policier islamique" à Shaddadi (est), où se déroule la terrible scène d'exécution filmée par les jihadistes.
Si aucune preuve n'a permis de le rattacher aux attentats du 13-Novembre, l'avocat général avait estimé qu'il revenait en France pour "frapper", comme il le dit à Abdelhamid Abaaoud, le coordonnateur des attentats parisiens, après son arrestation en Turquie le 2 juillet 2015.
Ayant gardé son téléphone quelques jours, il écrit : "sa change rien.quand je sort jagis" – mais affirmera qu'il cherchait à amadouer le groupe État islamique pour gagner la Mauritanie, via Prague. Un scénario contredit par ses propres déclarations à la cour, où il reconnaît avoir alors toujours le projet de "mourir les armes à la main". Ce sont ces mots-là, arrachés en fin de procès, qui lui valent d'échapper à la peine maximale.
Avec AFP