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Les Irlandais, qui ont rejeté une première fois le traité de Lisbonne le 12 juin 2008, sont de nouveau consultés sur le texte, ce vendredi. Espérant éviter une nouvelle crise, les pays membres de l'Union européenne serrent les dents...

L’Irlande reste le seul pays de l’Union européenne (UE) dont la Constitution l'oblige à faire adopter le traité de Lisbonne par référendum - un traité déjà ratifié par 24 des 27 membres de l'UE. Ce vote crucial a commencé jeudi 1er octobre dans cinq îles irlandaises de l’Atlantique et dans huit autres îlots des comtés de Mayo et Galway (nord-ouest du pays), pour éviter tout contre-temps dans le recomptage des bulletins.


Qu’adviendra t-il si les Irlandais retoquent le texte une nouvelle fois ?

Pas de troisième chance

Pour Peadar O’Broin, chercheur à l’Institut international des affaires étrangères et européennes basé à Dublin, l'avenir du texte se joue vendredi : "Si l’Irlande vote ‘non’, c’est l’arrêt de mort du traité de Lisbonne. Il n’y aura pas de troisième référendum."

Ce scrutin est le deuxième du genre en Irlande. Le pays a déjà rejeté le traité de Lisbonne le 12 juin 2008, par 53 % des voix. Les raisons de ce "non" étaient variées, la principale étant la peur de voir la souveraineté nationale irlandaise menacée.

Une Europe en blocs ?

Un nouveau "non" pourrait avoir de dangereuses conséquences, selon O’Broin. "Certes, l’UE ne va pas se dissoudre en une nuit. Vous aurez toujours l'euro et des réunions du Conseil européen", affirme celui-ci, avant d'expliquer que le danger se présentera à plus long terme.

D’abord, la Pologne et la République tchèque se disent prêtes à rejeter le traité si l’Irlande vote "non". Ces deux pays considèrent que le traité de Lisbonne n’est "qu'un moyen de harceler les petits pays membres" de l'UE, poursuit l'analyste irlandais. Qui ajoute : "De plus, leurs deux présidents sont eurosceptiques."

O’Broin va jusqu’à envisager, dans un futur proche, une Europe dans laquelle les institutions de l’Union perdraient leur influence. Il entrevoit même l’émergence de possibles blocs géographiques.

Petits aménagements avec Lisbonne

Après le rejet du traité de Lisbonne par les Irlandais, le texte a été amendé pour satisfaire certaines revendications émises alors et faire l’objet d’un nouveau vote.

Mais l’essentiel du traité demeure intact, car en modifier la substance nécessiterait de le faire ratifier à nouveau par les Vingt-Sept. C’est donc en annexes que des aménagements ont été concédés, afin de "garantir aux Irlandais une liberté d'action sur des dossiers qu'ils considèrent comme sensibles, après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne", reprend O'Broin. Ces compromis stipulent que l’Irlande gardera une autonomie en matière de droit à l’avortement (interdit par Dublin), de fiscalité et de neutralité militaire. Le pays conservera également un membre permanent à la Commission.

Selon Peadar O’Broin, l’Irlande semble toutefois prête à dire "oui" au traité de Lisbonne, "mais plutôt par peur". En effet, l’effondrement de la situation économique dans le pays et la hausse du chômage pourraient décider les électeurs à rejoindre un traité que tous les autres pays européens - ou presque - ont ratifié.

Un vote émotionnel

Le Premier ministre, Brian Cowen, a ainsi brandi le chiffon rouge avant le vote de vendredi, prévenant qu’un nouveau rejet du texte anéantirait les espoirs irlandais de redresser la barre en pleine récession.

Mais la principale différence entre le référendum de vendredi et celui du 12 juin 2008, explique O’Broin, réside dans le fait que, en 2008, la plupart des électeurs ignoraient les enjeux du traité. "On demandait au peuple de ratifier une loi. Mais on ne gouverne pas en essayant de faire comprendre le sens du moindre point-virgule". Cette fois-ci, en revanche, le vote risque d’être plus "émotionnel".

À quelques jours du scrutin, les sondages donnaient toujours le "oui" en tête. Dans la dernière enquête publiée dimanche, il recueillait 55 % des suffrages, alors que le "non" affichait un petit 27 %.