!["Ça nous a trop manqué !" : la réouverture des terrasses de cafés fait le bonheur des Parisiens "Ça nous a trop manqué !" : la réouverture des terrasses de cafés fait le bonheur des Parisiens](/data/posts/2022/07/25/1658741425_Ca-nous-a-trop-manque-la-reouverture-des-terrasses-de-cafes-fait-le-bonheur-des-Parisiens.jpg)
Mardi matin, les terrasses de cafés parisiens ont pu rouvrir, après deux mois et demi de fermeture. Pour un allongé en terrasse, un petit-déjeuner entre amis ou un moment de lecture au soleil, les Parisiens ont réinvesti ces lieux incontournables de la vie quotidienne. Reportage.
Sur la place d'Italie (dans le 13e arrondissement), la terrasse du café-restaurant O'Jules est gorgée de soleil. Contrairement aux cafés de la zone verte, ceux de la capitale – toujours classée orange comme toute la Région Île de France – ne peuvent rouvrir que leurs terrasses et non les salles intérieures. Qu'à cela ne tienne ! Ce mardi 2 juin, de nombreux clients, habitués ou occasionnels, sont venus prendre leur premier café en terrasse depuis deux mois et demi.
Installés sur les banquettes bleu turquoise et les chaises en rotin, Nouhed, Louis et Salah ont commandé cafés et jus d'orange. Les trois amis attendaient avec impatience la réouverture des cafés parisiens, actée le 28 mai par le Premier ministre, Édouard Philippe.
"On va revenir tous les jours pendant une semaine au moins ! Aujourd'hui, on a commencé la journée ici et on revient ce soir", promet Louis. "Ça nous a vraiment manqué de ne pas pouvoir venir. Les terrasses, ça fait partie de la vie parisienne !", lance de son côté Nouhed.
L'équipe du O'Jules avait préparé la réouverture, mais ne s'attendait pas à une telle affluence dès le 2 juin. "Je n'avais pas prévu qu'il y aurait autant de monde à 10 heures. J'attendais les gens, plutôt vers midi", confie Kumar Danesh, le directeur du café-restaurant.
"On ne fera pas d'argent"
Ici comme ailleurs, les serveurs ont ajouté un masque à leur tenue. Entre la cuisine, la caisse et les tables, ils ont retrouvé leur rythme effréné, et la sueur commence à perler sous leurs masques. Au moins, l'écart entre les tables – agrandi pour respecter le mètre de distanciation obligatoire – leur permet de se déplacer plus facilement.
Pour pouvoir respecter ce fameux mètre réglementaire, Jacky, gérant du Petit café, rue Bobillot, a, lui, déplacé quelques tables en bord de trottoir. Derrière son masque ocre, orné d'un petit drapeau français, il se dit heureux d'avoir pu rouvrir, mais est "inquiet financièrement". L'incertitude prédomine encore chez beaucoup de commerçants.
Mourad Chalabi, gérant de Il Posto, une pizzeria située près du métro Jourdain, dans le 20e (nord-est de Paris), doute que la réouverture de sa terrasse soit vraiment un avantage pour ses finances. "On ouvre pour ouvrir, pour dire qu'on est là et renouer le lien avec les clients, et mettre tout le malheur derrière nous, mais c'est sûr qu'on ne fera pas d'argent", prédit-il.
La mairie l'a autorisé à installer des tables sur le trottoir pour compenser un peu la fermeture de la salle. "Je récupère cinq tables en plus sur le trottoir. En revanche, j'en perd 30 à l'intérieur, c'est sûr que ce n'est pas rentable", déplore le commerçant.
"On est content de vous retrouver"
À la caisse du Petit café, la cogérante, elle, est plus enthousiaste. "On est content de vous retrouver après deux mois et demi", lance-t-elle à un client qui vient payer sa consommation.
Ben était au rendez-vous, sous le store rouge du Petit café ce mardi matin. Accoudé avec un café à l'une des tables hautes de la terrasse il décrit sa relation à ce lieu incontournable du quartier : "C'est une habitude de venir ici pour rencontrer les collègues, les voisins. Moi, en général, je passe tous les matins, parce que c'est sur le trajet vers mon travail." Pour cet habitué en polo rouge, les cafés font partie de la vie quotidienne des Parisiens. "Ces lieux, quand ils sont fermés, ils donnent une impression de ville morte."
Marzena Leska, gérante de La Palissade, un bistrot du quartier Sainte-Marthe (10e arrondissement), ne peut que confirmer cette impression. "Je ne comptais pas ouvrir avant demain. Mais, quand j'ai installé la terrasse pour prendre des photos et les envoyer à la mairie, pour avoir un feu vert, les gens du quartier se sont précipités", raconte-t-elle. "Du coup, je n'arrête pas de servir des cafés. Ils sont tous là, ça fait plaisir de les revoir. Clairement, ils étaient en manque, ça faisait mal au cœur. Le quartier a été si vide pendant des semaines, les rues sans tables étaient tristes", se souvient-elle.
Un lieu phare de la vie sociale
Laure Léveillé, elle, s'est attablée dès mardi matin, avec un café et un livre, à la terrasse du Mêlécasse, café de la rue de la Butte aux Cailles, dans le 13e. Cette historienne, "adepte des cafés", a généralement l'habitude de fréquenter Le Diamant, quelques rues plus loin, mais l'établissement est encore fermé ce matin.
Elle s'y est d'ailleurs fait beaucoup d'amis. Des gens qui, comme elle, viennent pour le plaisir, mais aussi parfois pour travailler. "Depuis longtemps, et notamment pendant la rédaction de ma thèse, les cafés ont été une manière de varier mon environnement de travail. La vie autour de moi m'aide à me concentrer, c'est un soutien", explique-t-elle.
En tant que célibataire, sans enfant, les cafés sont pour Laure Léveillé, un lieu phare de sa vie sociale. "J'ai redouté le confinement mais, finalement, ça m'a permis de réinvestir mon espace personnel […]. Mais il y a des personnes que j'ai vraiment hâte de revoir ! Ça m'a fait prendre conscience de la place que les gens que je fréquente au café avaient dans ma vie. Nous avons construit des liens autour d'un lieu."
Le café a également une place de choix dans la vie de Paule. Cette habitante du quartier Ménilmontant (nord-est de Paris), âgée d'une quarantaine d'années, s'est installée avec une amie dès 7h30 mardi matin à la terrasse de L'Entrepot's, bar-brasserie populaire du quartier.
"Je suis plutôt du genre à rester au comptoir, c'est plus sympa, plus convivial. Mais on ne va pas se plaindre, assises ici au soleil. On est heureuses d'être là, c'est un peu la maison.”
"Une journée test"
La réouverture des cafés ravit d'ailleurs autant les clients que les commerçants. "Ça fait du bien de reprendre le travail", se réjouit Constance Yvernogeau, directrice du Café d'Italie, café-restaurant de la place d'Italie. L'établissement avait rouvert le 23 avril pour de la vente de pizzas à emporter, mais les clients sont véritablement revenus ce mardi matin.
"Les gens sont venus ce matin prendre un petit café et je pense que ce soir, ce sera le verre de rosé", sourit la directrice qui confie quand même trouver "triste" de ne plus pouvoir faire de service au comptoir.
Ici comme ailleurs, il a fallu s'organiser pour respecter les règles sanitaires liées au Covid-19. "Les clients doivent se laver les mains au gel hydroalcoolique en entrant. On a des masques et des visières pour les serveurs. On a prévu des dosettes pour le sel, le poivre et l'huile piquante. On désinfecte les carafes d'eau après chaque utilisation", énumère la directrice de l'établissement. Pour elle, ce mardi est "une journée test". "Ce soir, on risque de pas mal travailler, mais on est prêt", assure-t-elle.
Pour la plupart des habitués des cafés parisiens, cette réouverture est déjà un succès. Sur la terrasse du O'Jules, une femme en T-shirt gris tend sa carte bleue à un serveur pour payer sa consommation. Et, comme pour partager avec le serveur l'impression générale des clients du jour, elle lance : "Qu'est ce que ça fait du bien la terrasse !"