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Les Iraniens sont appelés aux urnes le 21 février pour des élections législatives cruciales. Le scrutin devrait signer le retour des conservateurs et accroître la pression sur le président Hassan Rohani, déjà en difficulté.

Les électeurs de la République islamique d'Iran se rendent, vendredi 21 février, aux urnes pour désigner les 290 députés du nouveau Parlement. Sans surprise, le camp conservateur devrait sortir renforcé de ces élections législatives.

Certains analystes affirment en effet que les autorités ont déjà orchestré une prise de contrôle du Parlement par les conservateurs en bannissant les leaders centristes et modérés du vote. "J'ai demandé quel était le problème et ils ont répondu que mes déclarations, mon discours, mes activités sur les réseaux sociaux et mon engagement n’étaient pas appropriés pour la République islamique", a déclaré Mahmoud Sadeghi, candidat écarté du scrutin, interrogé par France 24. "Pour moi, c'est étonnant car depuis toujours, je n'ai cessé de donner mon cœur et mon âme à la révolution".

Législatives en Iran : un scrutin verrouillé par les conservateurs

La moitié des candidatures de modérés rejetées

Mahmoud Sadeghi n’est pas un cas isolé. Près de 50 % des candidatures de réformateurs et modérés, soit 6 850 sur 14 000 ont été invalidées par le Conseil des gardiens de la Constitution, dominé par les ultra-conservateurs.

De son côté, le Conseil des Gardiens de la Constitution assure ne faire que "suivre les lois et les réglementations votées au Parlement", car "le Conseil n'a jamais eu d'opinion politique".

Pour Thierry Coville, chercheur à l'Iris et spécialiste de l'Iran, le résultat du scrutin "ne fait aucun doute maintenant, puisqu’il n’y a quasiment plus que des candidats ultraconservateurs, assure-il à France 24. Les supporters du régime, eux, vont aller voter, mais pour ce qui est de la classe moyenne urbaine, on voit mal comment elle pourrait se mobiliser."

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Un bon score de la frange la plus dure du régime signerait donc la fin de la politique pragmatique menée ces dernières années par le président Hassan Rohani qui avait débouché sur la signature en 2015 d'un accord entre Téhéran et l'Occident, limitant le programme nucléaire de la République islamique.

Cet accord, qualifié d'historique à l'époque, a volé en éclats en 2018 avec la décision unilatérale du président américain Donald Trump de s'en retirer et de rétablir des sanctions économiques contre Téhéran, douchant les espoirs iraniens d'une amélioration du niveau de vie.

Les mesures d'austérité prises depuis par le gouvernement, notamment l'annonce d'une hausse du prix de l'essence, ont fait descendre dans la rue des milliers de personnes à l'automne - des manifestations violemment réprimées par les autorités qui auraient fait, selon Amnesty International, plus de 300 morts.

L’Iran entre dans l’ère du raidissement

En quatre ans, "de nombreux Iraniens (qui avaient voté pour Rohani) ont perdu tout espoir de réformes", estime un ancien responsable réformateur interrogé par Reuters. "Ils ne font plus confiance au mouvement réformiste. Ils veulent du changement et seulement du changement."

Dans ces conditions, a priori, Hassan Rohani se dirige donc vers une fin de mandat, mais elle s’annonce compliquée car il va avoir un Parlement ultraconservateur", poursuit Thierry Coville.

Face au risque d'un décrochage de son camp, le chef de l'État a exhorté la semaine dernière les quelque 58 millions d'électeurs iraniens à aller voter. "Je vous prie de ne pas être passifs, je vous demande de ne pas tourner le dos aux bureaux de vote", a-t-il déclaré.

Le taux de participation, qui pourrait ne s'élever qu'à 60 % vendredi contre 62 % et 66 % respectivement lors des élections de 2016 et de 2012, est l'une des clefs de ce scrutin, l'abstention profitant généralement aux candidats proches du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, véritable détenteur du pouvoir en Iran. "Ses partisans croient en 'l'establishment' et ils iront voter parce qu'ils considèrent que c'est un devoir religieux", estime une source gouvernementale.

"Les conservateurs veulent la présidence", renchérit un responsable politique sous couvert d'anonymat, en référence à la prochaine échéance électorale prévue en 2021. "C'est la fin de la modération pour au moins dix ans, si ce n'est plus."