
Un an après le début de la crise financière, les dirigeants des 20 premières économies mondiales se réunissent, jeudi et vendredi à Pittsburgh, aux Etats-Unis, pour tenter de réformer le système financier international.
Si de nombreux sommets entre dirigeants ont déjà été consacrés à la relance de l’économie mondiale, cette fois, il ne s’agit pas tant de combattre la crise que de s’assurer qu’une telle situation, la plus grave depuis la Grande dépression, ne se reproduise pas.
Les chefs d’Etat mondiaux conviennent tous qu’il faut mettre en place de nouveaux organismes de contrôle, une régulation plus efficace et une nouvelle culture de la responsabilité, mais la manière d’appliquer de tels changements promet de faire l’objet de vives discussions.
La Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne ont dévoilé, mercredi, les plans de création de trois autorités paneuropéennes chargées de réguler les banques, les compagnies d'assurance et les Bourses. Un autre organisme chargé d’évaluer les risques pesant sur l'ensemble du système devrait également être créé sous les auspices de la Banque centrale européenne (BCE). Ces nouvelles agences devraient être capables de résoudre de manière significative les désaccords entre les régulateurs nationaux.
“Notre but, c’est de protéger les contribuables européens afin de leur éviter une répétition des sombres journées de l'automne 2008, où les gouvernements ont été obligés de verser des milliards d'euros aux banques,” a affirmé, mercredi dans un communiqué, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Celui-ci a également ajouté espérer que ces nouveaux mécanismes – un système européen de surveillance financière (SESF) et le comité européen du risque systémique (CERS) – allaient inspirer la création d’autorités de régulation à l’échelle mondiale.
Passer outre les garde-fous nationaux
Mais des désaccords sont déjà apparus parmi les européens en ce qui concerne les prérogatives de ces nouvelles supra-autorités. La France craint que, faute de pouvoir agir unilatéralement, les régulateurs européens ne puissent pas réagir assez vite pour éviter les crises. Le Premier ministre britannique Gordon Brown, au contraire, veut s’assurer que les nouvelles autorités ne puissent pas passer outre les gardes-fous nationaux et qu’elles n’interviennent qu’à la demande des gouvernements.
Le ministre des Finances allemand Peer Steinbrück a virulemment critiqué la position britannique, accusant Londres de vouloir bloquer l'instauration d'une réglementation plus stricte des marchés financiers. "Il y a à l'évidence un lobby à Londres qui veut conserver bec et ongles son avantage compétitif", a-t-il expliqué, mercredi, dans un entretien accordé à l’hebdomadaire "Stern".
Au contraire de l'approche européenne, on s'attend à ce que le Président américain Barack Obama propose de rendre les lois et règlements actuels plus efficaces en renforçant la coopération internationale plutôt que de créer de nouveaux mécanismes intergouvernementaux.
Selon un document obtenu par Reuters avant le sommet, Obama devrait également inviter les gros exportateurs que sont la Chine, l'Allemagne et le Japon à consommer davantage et inciter les pays endettés comme les Etats-Unis à accroître l'épargne.
Bonus et réserves bancaires
Reste une autre pomme de discorde : la question des primes et de leurs excès. Le sommet du G20 de Londres, le 5 septembre dernier, a échoué à trouver un consensus entre les pays comme la France et l’Allemagne, favorables à une limitation des bonus, et ceux qui craignent de voir de telles limites saper la croissance économique et faire fuir les géants financiers. La Grande-Bretagne, les Etats-Unis et le Canada, opposés à la limitation des bonus, ses sont cependant résolus à un début de compromis, à Londres, en acceptant de relier plus directement le montant du bonus à la performance et au risque financier.
La proposition hollandaise de limiter les bonus des dirigeants en fonction de leur salaire annuel convainc de plus en plus. Le ministre des Finances allemand Peer Steinbrück a apporté son soutien à cette proposition, tout en précisant que les détails devraient encore être précisés à Pittsburgh. "Il revient au G20 de se mettre d'accord sur l'équilibre entre les rémunérations fixes et variables", a-t-il précisé.
Peer Steinbrueck reste optimiste. "Je pense qu'il y a un intérêt pour les deux côtés de l'Atlantique à parvenir à un accord en ce qui concerne le durcissement des bonus bancaires et l'augmentation des réserves de fonds propres pour les banques", a-t-il déclaré au quotidien économique "Handelsblatt". À Londres, Obama avait d'ailleurs appelé les banques à lever plus de capitaux afin que les gouvernements n’aient plus à venir à leur rescousse dans le futur.
Mais au vu de toutes les questions qu’il reste encore à régler, la réunion de Pittsburgh pourrait être le théâtre d’appels tonitruants au progrès qui ne déboucheront, finalement, que sur un compromis diplomatique sans réel effet. D'ores et déjà, les ministres des Finances des pays du G20 et les patrons des banques centrales ont prévu de se retrouver en Ecosse les 7 et 8 novembre. Le sommet des dirigeants du G20 n’est donc pas l’heure de la dernière chance pour la réforme économique.