Après plusieurs semaines de crise, le Liban s'est finalement doté mardi d'un nouveau gouvernement. Mais pour les manifestants, les nouveaux ministres sont des personnalités affiliées à cette classe politique qu'ils accusent de corruption. Des heurts avec la police anti-émeutes ont encore fait 22 blessés mercredi. France 24 a rencontré un protestataire touché au visage.
Soixante-cinq points de suture. C’est ce qu’il aura fallu pour reconstruire la bouche et le menton de Jean-Georges Prince. Ce Libanais a reçu une balle en caoutchouc en pleine figure, alors qu’il manifestait devant le Parlement, samedi 18 janvier à Beyrouth. Une centaine de personnes ont été blessées ce soir-là.
"J’ai entendu le premier coup de feu et j’ai vu un homme s’effondrer. J’ai ensuite mis ma main sur mon visage et j’ai réalisé que j’étais ensanglanté. Mon ami me regardait de manière complètement horrifiée. Je suis boxeur, je suis habitué aux coups. Mais je n’ai jamais ressenti une telle douleur", raconte-t-il.
Quand il arrive à l’hôpital, Jean-Georges a perdu tellement de sang que les médecins n’ont pas le temps de l’emmener en salle d’opération. Il est opéré sur un brancard dans les urgences, pendant quatre heures et demie. "C’est absurde de voir ce genre de réaction de la part d’une institution qui est supposée garantir la sécurité des manifestants", estime-t-il.
Selon les normes internationales, les balles en caoutchouc ne peuvent être tirées que sur le bas du corps et jamais à courte distance. Jean-Georges dit pourtant avoir été touché par la balle d’un policier posté à quatre ou cinq mètres de lui, au maximum. Les experts en armes à feu recommandent d’observer une distance au moins cinq fois plus élevée.
"Quoi qu’ils fassent, on ne va pas s’arrêter"
Des dizaines de manifestants ont été blessés dernièrement par les balles en caoutchouc ainsi que par les grenades lacrymogènes. Des agissements qui ont même coûté un œil à certains. Lancées directement sur la foule, balles en caoutchouc et bombes lacrymogènes peuvent causer des blessures graves. Les associations de défense des droits de l’Homme dénoncent des abus commis à ce niveau par les forces de sécurité libanaises.
"Je pense que leur arme principale, c’est la peur. Ils veulent nous faire peur pour qu’on arrête de manifester. J’ai été blessé samedi soir et dimanche soir des milliers ont manifesté à nouveau. Quoi qu’ils fassent, on ne va pas s’arrêter. Pour nous, pour notre génération, il s’agit d’une bataille déterminante pour notre avenir", décrit Jean-Georges.
Le Liban a certes un nouveau gouvernement depuis mardi, mais cela ne signifie pas pour autant que le mouvement de manifestation s’essoufle. Dès qu’il sera rétabli, Jean-Georges compte se joindre de nouveau aux protestataires. Il entend dénoncer un cabinet jugé comme une copie conforme du précédent.
Avec AFP